Le logiciel Pegasus commercialisé par la société israélienne NSO Group est soupçonné avoir infecté certains téléphones de hautes personnalités françaises dont au moins un aurait été utilisé par Emmanuel Macron.

Dans ce cadre, ce seraient les services marocains qui étaient intéressés par le rapprochement du candidat – puis du chef de l’État français – avec l’Algérie considérée comme l’« ennemi » par Rabat, particulièrement en raison de son soutien au Front Polisario.

Il est probable que d’autres affaires vont être découvertes dans les semaine à venir, ce logitiel ayant été vendu à de nombreux pays pour lutter contre : « le terrorisme et le crime organisé » avec l’accord du gouvernement israélien.

Il est d’ailleurs étonnant que quelques questions fondamentales ne soient pas ou peu posées. La première est quel est le rôle réel des autorités israéliennes dans cette affaire bien que NSO soit une compagnie privée (qui, depuis plusieurs jours, refuse de communiquer plus amplement avec la presse).

Selon Dov Alfon, journaliste franco-israélien de Libération, « sur 700 employés, NSO emploie plus de 200 informaticiens issus de l’Unité 8200 », le service responsable du recueil et du traitement de renseignements d’origine électromagnétique au sein duquel il aurait servi durant son service militaire (en Israël deux ans et demi ans pour les hommes et deux ans pour les femmes).

Sauf que ce « pantouflage » va à l’encontre même du règlement intérieur de l’Unité 8200.
À savoir cette unité se réserve un droit de veto pour ses anciens membres durant un minimum de cinq ans. Toujours selon Dov Alfon, il leur est interdit d’être employés à des fins militaires ou paramilitaires.

Ensuite, il est difficile de croire que les services de renseignement israéliens n’aient pas profité de cette opportunité technique assez considérable pour ne pas en tirer quelques profits.

Pour rappel, en matière d’espionnage il n’existe pas d’« ami ». Il est vrai que les grands services sont amenés à communiquer ponctuellement sur des sujets d’intérêt commun, en particulier sur le terrorisme et le crime organisé encore que même pour ces deux thèmes, tout n’est pas bon à dire. En particulier selon les intérêts politiques du moment, un « terroriste » peut devenir un « combattant de la liberté » et inversement ; dans le domaine du crime organisé, où se trouve la limite entre un homme d’affaires entreprenant et la criminalité « en col blanc » ? Les analystes israéliens sont sans doute destinataires d’informations collectées par les moyens vendus par NSO. Ils auraient bien tort de se priver d’une telle moisson.

D’ailleurs cela amène à se poser la question : étant donnée l’immensité de données recueillies de sources électro-magnétiques (même si une majorité d’entre elle est écartée par un système de tri informatique automatique), quelle est la véritable efficacité en bout de chaîne où le problème devient humain : l’exploitant analyste.

C’est loin d’être la première fois qu’un dirigeant français est l’objet de tentatives d’espionnage. Selon des révélations fracassantes de WikiLeaks, Mediapart et Libération, rassemblées en 2015, Washington aurait écouté les téléphones de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy puis François Hollande de 2006 à 2012. Bien que les actes de la NSA aient été reconnus par la présidence française comme « inacceptables », aucune sanction réelle contre les États-Unis n’a été prise, ce qui n’est pas le cas lorsque des hackers russes sont soupçonnés d’être missionné par le Kremlin pour espionner l’Europe en général et la France en particulier.

Ainsi, en 2020, la riposte de Bruxelles à la tentative de cyberattaque contre l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de celles connues sous les noms de «WannaCry», «NotPetya» et «Operation Cloud Hopper», imputées, entre autres, à Moscou, l’Union européenne a imposé des sanctions contre le renseignement militaire russe (GRU).

Ce sont les organisation Forbidden Stories et Amnesty International qui ont sorti cette affaire qui est loin d’avoir fini de faire parler d’elle. Elles auraient pu consulter plus de 50.000 numéros de téléphone sélectionnés comme des cibles potentielles de ce programme malveillant. Parmi ces dernières, on trouve bien des membres de groupes terroristes et d’organisations criminelles mais aussi des avocats, des journalistes, des activistes politiques, des diplomates et des hauts responsables de services de renseignement.

Cela ne veut pas dire que les 50.000 « cibles » étaient branchées et écoutées en permanence. C’est matériellement et humainement impossible.

Chose amusante au demeurant : des personnalités françaises tombées dans l’oubli du public sont ravies d’apprendre qu’elles étaient listées par ce système donc par des services secrets étrangers. Cela leur fait de la publicité en démontrant leur « importance » puisque des « espions » s’intéressaient à eux.

 

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Texte

Alain Rodier

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