Le Corps des gardiens de la Révolution islamique iranien (CGRI, les pasdarans) a annoncé le « martyre » d’un de ses membres le 4 mai lors de combats ayant eu lieu contre des « gangs armés » et des « éléments contre-révolutionnaires » à la frontière irakienne.

Les affrontements ont eu lieu dans la région montagneuse du village de Darreh Nakhi à proximité de l’importante ville kurde de Marivan. En fait, il s’agit de groupes rebelles séparatistes kurdes iraniens qui sévissent dans les régions montagneuses irano-irakiennes depuis plus d’une quarantaine d’années pour certains d’entre eux. Toutefois, Téhéran a noté depuis le début de l’année un accroissement des opérations de type « hit and run » menées par des séparatistes.

En 2020, il n’y avait eu « que » cinq incidents officiellement répertoriés pour un total d’une douzaine de pasdarans et de gardes-frontières tués. Les pertes « rebelles » n’ont pas été annoncées en dehors du sempiternel « une centaine de bandits ont été neutralisés. Le 22 avril, deux pasdarans avaient déjà été tués lors d’une action du même genre, toujours près de la ville de Marivan.

Le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI à ne pas confondre avec son homologue irakien qui porte le même sigle) a revendiqué à la mi-avril l’assassinat d’un ancien commandant de pasdarans dans sa voiture dans la ville de Piranshahr (au nord de la ville de Marivan citée plus avant).

Pour répondre à l’augmentation de cet activisme, les forces iraniennes répliquent en bombardant des hameaux frontaliers causant des pertes civiles parfois conséquentes. Les pasdarans maintiennent un état de suspicion dans la région menant parfois des arrestations au sein de la jeunesse qui n’est pas obligatoirement politisée. Ajouté au fait que le Kurdistan iranien est une des régions les plus pauvre du pays où le chômage a atteint des niveaux dramatiques, ces facteurs poussent certains jeunes qui ne trouvent pas de débouchés et qui se sentent discriminés à « monter au maquis » pour s’opposer au régime en place à Téhéran. De plus les organisations locales de charité et environnementales sont particulièrement surveillées par les services de sécurité depuis plus de deux ans. L’ambiance générale est donc délétère.

Jusqu’en 2016, une relative trêve était en vigueur, les mouvements kurdes étant surtout préoccupés par la progression des islamistes de Daech. Même si les différents groupes rebelles kurdes iraniens ne parviennent pas à s’entendre – et parfois même se combattent pour augmenter leurs zones d’influence -, l’idéologie de base reste pour tous le marxisme-léninisme ou le maoïsme, bien sûr avec des degrés divers d’application. Cette doctrine laïque est en opposition frontale avec la charia (la loi islamique) prônée par les salafistes-jihadistes.

Le PAK (le Parti de la liberté du Kurdistan) et le PDKI ont été les premiers à reprendre la lutte contre Téhéran à la mi-2016. Ils ont été rejoint par le PJAK, le « Parti pour une vie libre au Kurdistan » (le « cousin iranien » du PKK turc) en octobre de la même année. Le 23 octobre 2016, Abdullah Muhtadi, le leader du Komala (le Comité des révolutionnaires du Kurdistan iranien qui s’appelait à sa création en 1969 du temps du Shah d’Iran, l’« Organisation révolutionnaire du peuple ouvrier du Kurdistan ») a appelé à la constitution d’un front commun ce qui reste une illusion.

En même temps, l’agence de presse iranienne Fars faisait état du démantèlement par le service de renseignement « corps Ashura »(1) des pasdarans de l’organisation « Landing Iran »(1) qui unifiait depuis quatre ans des mouvements hostiles au régime avec comme épine dorsale des mouvements monarchistes soutenus par l’Arabie saoudite, l’Occident en général et les États-Unis en particulier. Il est vrai que les États-Unis soutiennent via des associations financées pour partie par le Congrès tous les mouvements d’opposition au régime des mollahs, depuis les marxistes-léninistes jusqu’aux royalistes en passant par les rares salafistes présents en Iran et les « Moudjahiddines du peuple » que certains qualifient du nouveau terme en vogue d’« islamo-gauchistes ». L’objectif de l’administration américaine, qu’elle soit démocrate ou républicaine est simplissime : faire tomber le régime iranien de l’intérieur. Pour l’instant, ces mouvements d’opposition sont bien trop divisés (même les Kurdes entre eux) et trop peu formés pour représenter une menace crédible pour le pouvoir iranien.

1. Téhéran donne souvent des noms de baptême fantômes pour des unités et pour des groupes d’opposition qui ne sont pas répertoriés comme c’est le cas pour ces deux entités. Cela participe au maintien du secret.

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Alain Rodier

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