Alors que les medias sont accaparés par les résultats contestés de l’élection présidentielle américaine, les conflits se poursuivent à l’abri des regards indiscrets. Un des plus marquants est celui qui oppose depuis la 27 septembre l’Arménie à l’Azerbaïdjan pour le contrôle de la région du Haut-Karabakh (Artsakh). Alors qu’il était admis que l’on allait avoir à faire face à une guerre de positions tant le terrain est montagneux et l’hiver proche, les forces azéries ont lancé une offensive par le sud en longeant la frontière iranienne puis en remontant vers le nord dans un mouvement tournant osé.

Elles se sont emparées le 8 novembre de la localité de Choucha qui, en dehors de son intérêt historique et culturel, est surtout le point de passage obligé pour l’axe M-22 jointif au corridor de Latchin qui relie l’Arménie à Stepanakert, la « capitale » du Haut-Karabakh. Choucha a été prise vide d’habitants et quasi intacte les forces azéries hissant leurs drapeaux sur les bâtiments officiels (c/f photo). L’enclave du Haut-Karabakh peut encore être alimentée par un axe routier M-21 situé plus au nord mais qui oblige à des délais beaucoup plus importants. Cela dit, sous la pression, la moitié des 150.000 Arméniens qui peuplent habituellement la région ont déjà rejoint l’Arménie.Les pertes arméniennes étaient estimées à au moins 1.300 tués, Bakou ne communiquant pas sur les siennes.

Dernier évènement qui a peut-être fait basculer les choses à Moscou : un hélicoptère russe Mi-24 a été abattu le 9 novembre au dessus de l’espace aérien arménien par les Azéris, or la Russie est garante de la sécurité du territoire arménien. Bakou a reconnu la bavure et a proposé des compensations. Le soir même, les présidents russe Vladimir Poutine, azéri Ilhal Aliyev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian signaient « une déclaration sur la fin de la guerre du Karabakh » avec effet le 10 novembre à 01 h 00 du matin (heure locale). (c/f voir encadré).

Ce qui est considéré comme une capitulation par une partie de la population arménienne (mais également par le président Aliyev qui « triomphe ») a entraîné immédiatement des manifestations violentes à Erevan. Le Premier ministre Pachinian a déclaré que sa décision était « incroyablement douloureuse pour moi et pour notre peuple ». Il a également pointé du doigt comme responsables de cette défaite des « groupes criminels contrôlés par des oligarques ».

Nous, le Président de la République d’Azerbaïdjan I. G. Aliyev, le Premier Ministre de la République d’Arménie Nikolai Pashinyan et le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine annonçons ce qui suit :
1. Un cessez-le-feu complet et toutes les hostilités dans la zone de conflit du Haut-Karabakh sont annoncés à partir de 00h00, heure de Moscou, le 10 novembre 2020.
La République d’Azerbaïdjan et la République d’Arménie, ci-après dénommée les Parties, s’arrêtent à leurs positions.
2. La région d’Agdam et les territoires détenus par la partie arménienne dans la région de Gazakh de la République d’Azerbaïdjan seront restitués à la partie azerbaïdjanaise au 20 novembre 2020.
3. Le long de la ligne de contact au Haut-Karabakh et le long du couloir de Lachin, un contingent de maintien de la paix de la Fédération de Russie est déployé, composé de 1 960 militaires avec des armes légères, 90 véhicules de transport de troupes blindés, 380 unités d’automobiles et du matériel spécial.
4. Le contingent de maintien de la paix de la Fédération de Russie est déployé parallèlement au retrait des forces armées arméniennes. La durée du séjour du contingent de maintien de la paix de la Fédération de Russie est de 5 ans avec prorogation automatique pour les prochaines périodes de 5 ans, si aucune des parties ne déclare 6 mois avant l’expiration de la période d’intention de mettre fin à l’application de cette disposition.
5. Afin d’accroître l’efficacité du contrôle de l’application des accords par les Parties au conflit, un centre de maintien de la paix est en cours de déploiement pour contrôler le cessez-le-feu.
6. La République d’Arménie rendra la région de Kelbajar à la République d’Azerbaïdjan d’ici le 15 novembre 2020 et la région de Lachin d’ici le 1er décembre 2020, tout en laissant derrière elle le couloir de Lachin (5 km de large), qui assurera la connexion du Haut-Karabakh avec l’Arménie sans affecter en même temps la ville de Shusha.
Par accord des Parties, dans les trois prochaines années, un plan pour la construction d’une nouvelle route de circulation le long du corridor de Lachin sera déterminé, assurant la communication entre Stepanakert et l’Arménie, avec le redéploiement ultérieur du contingent russe de maintien de la paix pour protéger cette route.
La République d’Azerbaïdjan garantit la sécurité routière le long du corridor Lachin des citoyens, des véhicules et des marchandises dans les deux sens.
7. Les personnes déplacées et les réfugiés rentrent sur le territoire du Haut-Karabakh et dans les zones adjacentes sous le contrôle du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
8. L’échange de prisonniers de guerre et autres détenus et corps des défunts est effectué.
9. Toutes les liaisons économiques et de transport dans la région sont débloquées. La République d’Arménie assure des liaisons de transport entre les régions occidentales de la République d’Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan afin d’organiser la libre circulation des citoyens, des véhicules et des marchandises dans les deux sens. Le contrôle des transports est exercé par les organes du service des gardes-frontières du FSB de Russie.
Par accord des parties, la construction de nouvelles communications de transport reliant la République autonome du Nakhitchevan aux régions occidentales de l’Azerbaïdjan sera assurée.

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Texte

Alain Rodier

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