Aboubakar Shekau, l’émir du Jama’atu Alhis-Sunna Liddad’Awati Wal-Jihad (JAS) plus connu sous le nom de Boko Haram qui s’apparente à une secte dont l’idéologie est le salafisme-jihadisme mâtiné de syncrétisme africain est en train de regagner de l’influence au Nigeria où la guerre civile a déjà fait plus de 30.000 victimes et a déplacé deux millions de personnes. De plus, il poursuit l’extension de son influence au Niger, au Tchad et au Cameroun.
Shekau a pris le leadership du mouvement en 2009 après la mort de son fondateur Mohammed Yousouf assassiné par les forces gouvernementales alors qu’il avait été fait prisonnier. Son repaire se situerait dans les zones forestières peu contrôlables d’Alagarno et de Sambisa dans la région de Borno située au nord-est du Nigeria. S’étant revendiqué d’Al-Qaida, des taliban puis de Daech, sa conduite erratique a poussé nombre de ses adeptes à faire sécession et à fonder en 2012 Ansaru qui s’est transformé en 2016 en « wilayat de l’Afrique de l’Ouest de l’État Islamique » (ISWAP en anglais). Cela signifiait que Shekau ne bénéficiait plus de l’adoubement de Daech qui avait penché pour Ansaru. Toutefois, des problèmes internes sont survenus au sein de ce mouvement car il n’est pas parvenu à se désigner un chef emblématique.
Depuis, Shekau a complètement changé de comportement adoptant une posture beaucoup plus modérée vis-à-vis de ses subordonnés (qu’il n’hésitait à faire assassiner lors qu’ils lui déplaisaient). Au lieu de les traiter de traîtres à l’islam comme auparavant, il a proposé à des chefs locaux une coopération en leur laissant une large autonomie ne revendiquant pour sa personne que la position de « chef spirituel ». Il a même tendu la main à des anciens dissidents tout en restant intransigeant à l’égard de l’ISWAP. Sa nouvelle attitude a attiré vers lui des seigneurs de guerre locaux, particulièrement dans la région du lac Tchad, au Centre-Nord et au Nord-Ouest du Nigeria. Dans la bassin du lac Tchad, Shekau a courtisé les factions menées au Niger par Sa’alaba et Bakura, deux importants commandants qui n’ont pas voulu choisir entre les leaders qui se sont succédés à la tête de l’ISWAP (Habib Yousuf dit Abou Moussab al-Barnawi, le fils du fondateur de Boko Haram et Mamman Nour aujourd’hui tous deux remplacés par Abou Abdallah Idrisa ou Abou Abdullah Ibn Umar Al-Barnawi) et son organisation. Avec le ralliement de leur petit millier de combattants fin 2018/début 2019, la situation semble avoir changé sur zone, l’ISWAP y perdant l’exclusivité du jihad. Au Nigeria, les activistes islamistes des États de Taraba, Kogi, Katsina and Sokoto pourraient prochainement se rallier à Shekau.
Il n’empêche que malgré cette guerre interne aux mouvements salafistes jihadistes africains, les autorités ne parviennent pas à endiguer la menace militaire perdant des dizaines de membres des forces de l’ordre lors de coups de main audacieux lancés par les activistes. Pire encore, l’idéologie salafiste-jihadiste continue à prospérer car aucun discours crédible ne vient la contrer et la misère croissante pousse de nouveaux adeptes dans les bras des jihadistes – quelque-soit leur obédience.

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Alain RODIER

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