L’Algérien Abdelmalek Droukdel alias Abou Moussab Abdelwadoud, émir d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), a été neutralisé au nord du Mali le 3 juin par des éléments de la force Barkhane. Le 1er mars 2017, la branche sahélienne d’AQMI s’allie officiellement à Ansar Dine et aux katibats al-Mourabitoune et de Macina pour fonder le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), dirigé par Iyad ag Ghali. Ce dernier reconnaît l’autorité morale de Droukdel et d’Al-Zawahiri.

Que va-t’il se passer ?

Son remplaçant pourrait être Abou Obeida Youssef al-Annabi, depuis 2011 chef du Majliss Al-Choura (Conseil) d’AQMI. Il est connu pour avoir appelé en 2013 les « musulmans dans le monde entier [à] attaquer les intérêts français… ». Toutefois, la tache du nouvel émir va être difficile. Il va devoir assurer l’unité du GSIM dont certaines unités pourraient être tentées de reprendre leur indépendance.

De plus, le GSIM est fortement concurrencé au Sahel par l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) qui aurait fusionné avec la province de l’État Islamique pour l’Afrique de l’Ouest (EIAO) qui est issu d’une fraction de Boko Haram. Le 4 juin, la Ministre de la Défense, Mme Parly, avait expliqué devant l’Assemblé nationale que « les terroristes font la guerre aux terroristes […] C’est une dynamique récente que nous surveillons avec beaucoup d’attention ». En effet, Daech qui est désormais assez puissant au Sahel a pu rompre à la fin 2019 la trêve de fait qui existait avec le GSIM jusque là maître du terrain jihadiste. En 2014,

Droukdel avait refusé de reconnaître Abou Bakr al-Baghdadi comme « calife » et avait renouvelé son allégeance à Al-Qaida.

Daech, même s’il est affaibli ailleurs, gagne en puissance sur le continent africain étant en expansion en Libye, en Égypte en Somalie (où il s’oppose aux shebabs affiliés à Al-Qaida, qui tiennent toujours le haut du pavé) et a développé deux nouvelles provinces : l’État Islamique en Afrique centrale actif au Mozambique et l’État Islamique en République du Congo présent à la frontière ougandaise.

La mort de Droukdel affaiblit donc le GSIM face à Daech qui va profiter de l’occasion pour tenter d’attirer vers lui des jihadistes démoralisés. Cette méthode a bien fonctionné depuis la naissance de ce mouvement en 2013/2014 car la très grande majorité des « provinces extérieures » (du noyau syro-irakien) sont constituées d’anciens activistes d’Al-Qaida. Ces derniers ont estimé que la bannière conquérante de Daech était plus porteuse que celle d’Al-Qaida considéré comme en déclin permanent. Même la défaite militaire du « califat » connue en Syrie et en Irak et la mort d’Abou Bakr al-Baghdadi, ne semblent pas avoir entamé cet enthousiasme des salafistes-jihadistes. L’effort de guerre de Daech se déroule en fonction des opportunités rencontrées. Le continent africain en est déjà une des principales. Le GSIM et AQMI risquent d’en payer le prix mais ce n’est pas pour cette raison que la situation évoluera favorablement car Daech est en train de prendre la relève.

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Alain RODIER

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