Comme toutes les organisations humaines, le crime organisé transnational a été sérieusement impacté par la crise du coronavirus et, plus particulièrement par les mesures de confinement qui ont été prises par la majorité des gouvernements. L’arrêt des flux de transports aériens et terrestres (moins sur le plan maritime), le confinement des individus à domicile ont sérieusement nui « aux affaires ». En conséquence, plus rien ne sera « comme avant », ce qui ne veut absolument pas dire que le crime organisé va pâtir à moyen ou long terme de cette situation. Comme la société civile, il va prendre des mesures et généralement, elles seront appliquées beaucoup plus rapidement car il sait parfaitement s’adapter aux nouvelles donnes. Et il bénéficie de nombre d’atouts.
D’abord, beaucoup de ses responsables incarcérés ont été libérés bien avant avoir fini de purger leurs peines (aux USA, en Italie, en Amérique latine, etc.) même si les plus dangereux sont restés internés. Des remises à plat de certaines organisations criminelles est à prévoir avec des règlements de comptes qui devraient être sanglants car des « jeunes » avaient profité de l’occasion pour prendre la place de certains « boss » aujourd’hui revenus aux affaires grâce au coronavirus. Puisque les transports de drogues sont devenus plus difficiles (les saisies ont continué à être nombreuses mais les forces de l’ordre ont bénéficié de la raréfaction du commerce international pour mieux cibler les cargaisons suspectes), là aussi il va y avoir un phénomène, pas de « relocalisation » mais de « localisation » avec le développement de « fermes » clandestines, ce qui n’est pas une nouveauté mais qui devrait connaître un développement exponentiel. Dans ce domaine, les Vietnamiens sont en pointe. La production au plus proche du consommateur, même si elle est plus onéreuse économise les intermédiaires et les transporteurs. Le développement du télétravail et de l’usage intensif du web par les particuliers durant le confinement a poussé le crime organisé à augmenter considérablement ses moyens dans le domaine de la cyberguerre recrutant à tout va des spécialistes attirés par les gains proposés. Là, ce sont les Triades chinoises et les OCT russophones et nigérianes qui se sont distinguées. Il est vrai que de nombreux « amateurs » se sont précipités sur l’aubaine mais ils devraient rapidement écartés, soit par les services étatiques soit par les Organisations Criminelles Transnationales (OCT). Durant la pandémie, la distribution de biens contrefaits, en particulier liés à la santé, a considérablement augmenté et devrait se poursuivre dans les années à venir. Les mafias asiatiques et italiennes tiennent le haut du pavé dans ce domaine. Par contre, l’arrêt des règlements en numéraire a constitué un frein au blanchiment d’argent sale. Le problème devrait perdurer car de nombreux particuliers vont avoir besoin d’argent frais (surtout des PME/PMI) que les banques ne voudront pas leur accorder. Les OCT affûtent leurs capacités à négocier en cryptomonnaie. La corruption devrait aussi augmenter dans les pays où le niveau de vie a été sérieusement entamé. Le trafic d’êtres humains, après une pause, devrait reprendre de plus belle car la main d’oeuvre (tous « services » confondus) bon marché va être nécessaire en Occident.
Globalement, toutes les grandes organisations internationales luttant contre le crime organisé étudient de près l’évolution de la situation. Si les responsables politiques se targuent d’une baisse significative de ses activités (40% de moins de trafic de drogue en France), ce n’est que très temporaire et, bien au contraire, les OCT pourraient en sortir renforcées tant qu’elles pourront bénéficier de paradis fiscaux facilitant leurs activités lucratives. Et la monstrueuse crise économique qui arrive va obliger à bénéficier d’argent frais – pour ne pas dire sale -. Les OCT vont en faire leurs choux gras en investissant massivement dans le secteur légal.

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Alain RODIER

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