Alors que le monde entier est accaparé par la pandémie de Covid-19, Daech en profite pour se réorganiser et mener de plus en plus d’actions offensives.
Cela a déjà été constaté sur le théâtre de guerre africain où Boko Haram et la wilayat de l’Afrique de l’Ouest ont mené en février-mars des opérations meurtrières contre les forces nigérianes, tchadiennes et maliennes.
Cela est aussi vrai sur le théâtre syro-irakien où les actions de harcèlement dirigées contre les forces gouvernementales se multiplient alors que les dispositifs de la coalition anti-Daech se replient progressivement.
À noter que les forces américaines sont aussi la cible de milices chiites irakiennes qui souhaitent leur faire payer la mort d’Abou Mehdi al-Mouhandis, le chef opérationnel des « Unités de mobilisation populaire » fondées en 2014 pour s’opposer à la progression fulgurante de Daech. Il a été tué le 3 janvier en même temps que le major général Qassem Soleimani alors qu’il était venu accueillir ce dernier à l’aéroport de Bagdad.
Le désengagement de la Coalition (1) en Irak laisse un espace de liberté inespéré à Daech par un affaiblissement des forces gouvernementales en moyens air-sol, en recueil de renseignements et en aéromobilité. En Syrie, le mouvement terroriste profite de la mobilisation des forces gouvernementales au nord-est du pays dans la bataille d’Idlib pour attaquer sur les arrières, en particulier dans la région de Homs.
Ces deux pays sont aussi les victimes du coronavirus même si les autorités se gardent bien de donner des informations fiables sur les bilans – pas uniquement par souci de propagande mais parce qu’ils ne les ont pas -. Nombre de membres des forces de sécurité sont donc indisponibles ce qui diminue d’autant leurs capacité de réaction.
Les ordres donnés aux activistes de Daech sont clairs : il convient de profiter au maximum de la pandémie considérée comme une « intervention divine » (la « tourmente de Dieu […] qui frappe les nations croisées ») pour étendre les actions offensives partout où cela est possible.
D’une certaine façon, Daech est assez bien adapté au Covid-19 qui ne devrait pas trop le toucher. Ses cellules sont isolées les unes des autres, souvent dans des caches enterrées, ayant leurs propres réseaux d’approvisionnement logistique. Tout cela participe à éviter les risques de contaminations. De plus, faisant référence aux textes sacrés qui expliquent comment les « lions » doivent se prémunir de la « lèpre », des instructions ont été données (se laver les mains et se couvrir le visage (2)). Les activistes de Daech présentent par leur rusticité, leur fanatisme et leur organisation décentralisée les caractéristiques des « survivants » à la « catastrophe » finale…
Comme cela a été décrit, les attaques parfois menées en plein jour se sont multipliées sur le front syro-irakien en mars, en particulier le long de la frontière et de l’Euphrate. La phase suivante va consister à reprendre le contrôle des populations en multipliant les liquidations de notabilités locales, la présence dans les villages reculés, puis, peu à peu, la réinfiltration des grandes agglomérations où des agents dormants sont toujours présents. Cela permettra de lever de nouveaux fonds par le racket qui permettront de refaire vivre des réseaux de plus en plus importants. La phase de réorganisation clandestine terminée, Daech repassera à des tactiques de guérilla en multipliant et intensifiant les attaques des forces de sécurité. Une troisième phase de conquête militaire comme en 2013-2014 pourra alors se renouveler.
1. au début avril, l’Australie, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, la Nouvelle Zélande, le Portugal et les Pays-Bas terminaient leur retrait. Les Américains ont évacué les bases de moindre importance pour se concentrer sur les bases aériennes d’Al-Asad et d’Erbil.
2. Il est aussi interdit aux jihadiste de rejoindre un pays où la pandémie fait rage. Par contre, les adeptes qui s’y trouvent sont encouragés à passer à l’action.
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