Il faut rester très prudent concernant les informations qui parviennent d’Arabie saoudite ces derniers temps d’autant que nombre de fausses nouvelles ont été diffusées comme le décès du roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud. Âgé de 85 ans, il est vrai qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer depuis de longues années. Aucune déclaration officielle n’est venue confirmer la nouvelle de l’arrestation de quatre princes mais aussi de dizaines de membres des forces de sécurité pour « trahison » (passible de la peine de mort en Arabie saoudite).

Ainsi, le prince héritier et vice-Premier ministre (depuis le 21 juin 2017) Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud (MBS âgé de 34 ans)aurait fait arrêter le 6 puis le 7 mars quatre membres de la famille royale.

Ahmed bin Abdulaziz Al Saoud, le plus jeune frère direct (78 ans) du roi Salmane (la lignée dite des « Soudairi »), ancien ministre de l’intérieur qui est connu pour s’être opposé à MBS, en particulier au sujet de la guerre menée par Riyad au Yémen. Il est étonnant que le roi ait ainsi autorisé l’arrestation de son cadet qu’il avait toujours protégé. La maladie d’Alzheimer – sans doute à un stade avancé – explique peut-être cette attitude troublante.

Mohammed bin Nayef Al Saoud (61 ans), un neveu du roi, ancien ministre de l’intérieur, prince héritier et ex vice-Premier ministre. Bien qu’ayant été une figure de l’anti-terrorisme saoudien, il avait été démis de ses fonctions le 21 juin 2017 sur ordre du roi Salmane.  Pour le récompenser pour sa participation à la lutte anti-terroriste internationale, le président François Hollande l’avait fait Grand Officier de la Légion d’Honneur en 2016. Le 28 août 2009, Abul Khair, un membre d’Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) avait tenté de l’assassiner avec ce qui avait été appelé un « suppositoire explosif ». Khair avait été éparpillé en soixante-dix morceaux mais Ben Nayef s’en était sorti avec juste une légère commotion auditive !

Nawaf bin Nayef, le plus jeune demi-frère du prince Nayef et ancien chef du renseignement militaire.

Nayef bin Ahmed bin Abdulaziz, un fils du prince Ahmed bin Abdulaziz Al Saoud (arrêté le 7 mars).

 

En 2017, MBS avait déjà fait procéder à des arrestations de masse sous prétexte de lutte contre la corruption en assignant à résidence des princes, des hommes d’affaires, des hauts fonctionnaires, des religieux, des journalistes, etc.

Mais les dernères arrestations pour « complot » en liaison avec des puissances étrangères – dont curieusement les États-Unis –  constituent le franchissement d’une nouvelle étape qui devrait conduire – sauf « triste accident » – MBS sur le trône. La fermeture samedi des frontières avec les Émirats Arabes Unis (EAU), le Koweït et le Bahreïn (seuls les camions de ravitaillement sont autorisés à passer) pour cause de risque de propagation du coronavirus semble être un prétexte bien pratique…

L’Arabie saoudite traverse actuellement une crise politico-économique de première importance. La baisse des cours du pétrole (en partie par la faute de Moscou qui ne s’est pas entendu lors des négociations avec l’OPEP ayant eu lieu jeudi et vendredi à Vienne si bien que le Brent à chuté autour de 31-32$ le baril et les bourses mondiales s’affolent!), la fermeture – même temporaire – en raison de coronavirus des lieux saints de la Mecque et de Médine, le déficit budgétaire abyssal dû pour partie à l’acquisition d’armements nécessaires à la poursuite de la guerre au Yémen, provoquent une perte de confiance aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume. Elle est amplifiée par les conséquences de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi le 2 octobre 2018 à Istanbul, et beaucoup plus grave encore, par le fait que les installations vitales du régime (aéroports, installations pétrolières, etc.) semblent être à portée des missiles et drones yéménites houthis (et/ou des iraniens) sans que le régime ni ses alliés américains n’y puissent quelque chose.

MBS prépare indubitablement la relève de son père écartant tous ceux qui peuvent lui faire de l’ombre mais l’implication de Washington dans le « complot » dénoncé pose question. Est-ce que MBS soupçonnait le président Donald Trump, ou plus précisément des membres de la communauté du renseignement US (un lobbies américain très influent très lié à celui du complexe militaro-industriel) qui ont entretenu dans le passé des relations privilégiées avec Mohamed Ben Nayef Al Saoud alors responsable de la lutte contre le terrorisme, de jouer une autre carte que sa personne (d’où l’idée du « complot » visant à mettre à sa place Mohammed bin Nayef Al Saoud estimé plus « présentable » par Washington), ou est-ce juste un  coup de semonce général avant le décès prévisible du roi ?

Il a été rapporté que les principales personnalités arrêtées vendredi ont été libérées dimanche. Cela reste à confirmer. Il n’en n’est pas moins vrai que cette opération est un avertissement lancé par MBS à l’intérieur et à l’extérieur pour démontrer qui est le « maître » du royaume.

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Alain RODIER

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