La Turquie qui entretient des liens historiques avec la Libye (qui fut sous le joug ottoman à partir de 1551) soutient le Gouvernement d’accord national (appelé précédemment gouvernement d’union nationale -GUN- mais devant la réalité de la situation sur le terrain, l’appellation ne fait plus référence qu’aux accords de Skhirat signés le 17 décembre 2015 entre les représentants du Congrès général national et ceux de la Chambre des représentants qui, depuis, s’en est retirée) de Fayez el-Sarraj reconnu par la communauté internationale.
Si l’attitude de la Turquie et du Qatar – qui représentent les intérêts des Frères musulmans dont le siège a migré de Doha à Istanbul – aux côtés de Fayez el-Sarraj est relativement claire, cela est moins le cas pour les pays européens qui louvoient entre Tripoli et al-Baïda (à proximité de Benghazi) siège du la chambre des représentants qui soutient le maréchal Khalifa Haftar. Derrière lui se trouvent l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Russie et maintenant le gouvernement légal de Syrie.
En effet, une « ambassade » représentant al-Baïda a été ouverte à Damas le 3 mars (la représentation diplomatique libyenne avait été fermée en 2012). À l’occasion de la cérémonie, les envoyés du maréchal et leurs homologues syriens se seraient engagés à s’opposer ensemble contre « l’agression de la Turquie contre les deux pays ». Le ton est donné : l’ennemi principal de cette alliance qui était restée secrète jusque là est le régime turc considéré comme l’agresseur.
L’affrontement armé qui a lieu actuellement dans la province d’Idlib (1) qui oppose directement l’armée turque accompagnée de ses proxies à l’armée syrienne et ses soutiens (en particulier le Hezbollah libanais) risque de s’étendre en Libye. À savoir que pour contrer l’offensive du maréchal Haftar sur Tripoli, la Turquie a déjà fourni de nombreux matériels dont des armements anti-aériens, des drones et des transports de troupes blindés (avec les instructeurs militaires « qui vont bien »), le tout appuyé par environ 3.000 miliciens retirés du front syrien. La rumeur court que des jihadistes libyens ayant rejoint Daech au Proche-Orient seraient de retour sous la supervision des services secrets turcs, le MIT ! L’intérêt des Turcs est évident : écarter ces activistes jugés (à juste titre) comme dangereux tout en les employant à leur profit sur un autre front. S’ils venaient à être tués au combat, personne ne les regretterait…
De son côté, il est de notoriété publique que le maréchal Haftar a reçu l’aide de différents services secrets, d’aéronefs non identifiés (sans doute égyptiens ou émiratis) et maintenant d’un millier de « commandos » syriens qui seraient arrivés à Benghazi sous la houlette d’Ali Mamlouk, le tout puissant chef des services secrets syriens. Précédemment, les membres de cette unité auraient coopéré en Syrie avec la société militaire privée (SMP) russe Wagner. Comme ces mercenaires sont aussi présents aux côtés des troupes du maréchal, cela devrait favoriser leur intégration dans le dispositif qui vise, à terme, la prise de Tripoli.
La dernière surprise dans ce monde compliqué proche-oriental, c’est qu’en agissant de la sorte, Bachar el-Assad se rapproche de l’Arabie saoudite, le pays qui avait soutenu directement la rébellion qui devait le renverser.
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