La France poursuit son effort de modernisation de ses armes nucléaires. Même les Britanniques sont impressionnés : « les Français produisent de nouvelles charges nucléaires modernisées sur les missiles améliorés lancés par des vecteurs optimisés, le tout restant totalement d’origine française. »

Bravo aux ingénieurs, techniciens et ouvriers de la Direction générale de l’armement (DGA), de la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA et aux missiliers emmenés par Ariane Group.
C’est un exemple d’excellence qui fait malheureusement défaut dans nombre d’autres domaines en France.

La modernisation des armements nucléaires est indispensable pour maintenir la force de dissuasion à un niveau crédible.
Non seulement, il convient de remplacer les têtes nucléaires qui, comme tous les produits, ont une date de péremption, mais aussi de les durcir pour réussir à faire face aux contre-mesures développées par l’adversaire éventuel.

C’est encore plus le cas pour les missiles chargés de délivrer les charges qui doivent de plus en plus s’affranchir des défenses que ne cessent de développer les ennemis potentiels.
Le « Golden Dome » voulu par le président Donald Trump est à ce titre un exemple parlant car les Russes et les Chinois vont certainement s’en inspirer.

À ce sujet, depuis le début de l’existence de la force de frappe française au milieu des années 1960, il a été décidé politiquement que la France ne se lancerait pas dans un programme de défense aérienne. Sa dissuasion nucléaire était jugée suffisante pour décourager toute attaque d’importance sans jamais dévoiler quelle était précisément la « ligne rouge » à ne pas franchir.
Les mouvements pacifistes très en vogue à l’époque avaient alors entre autres le slogan : « plutôt rouge que mort » pour exprimer leur refus de l’emploi de l’arme nucléaire en cas d’invasion de l’Europe par les forces du Pacte de Varsovie…

À noter que tous ces mouvements étaient alors, au mieux influencés, au pire totalement noyautés par les services secrets du Pacte de Varsovie en général et par le KGB et le GRU soviétiques…

Et puis surtout, la France était dans l’incapacité financière totale de mener ces deux programmes parallèlement, ce qui est encore plus le cas aujourd’hui.
De plus, la fiabilité d’un système de défense aérienne est toujours perfectible, surtout en cas de frappes saturantes. Même Israël qui n’a pourtant qu’une petite surface géographique à couvrir, n’a, selon l’Institut juif pour la sécurité nationale des États-Unis, intercepté que 75 à 92% des missiles iraniens lors de la « guerre de douze jours » de 2025. Et pourtant, les armes iraniennes ne sont pas particulièrement réputées pour leur grande sophistication. Avec des têtes explosives classiques, cela n’a pas été trop dramatique pour l’État hébreu, mais cela aurait été totalement différent s’il y avait eu des charges nucléaires…

Enfin, les vecteurs porteurs aériens et navals d’armes nucléaires, doivent également être renouvelés régulièrement pour les mêmes raisons.

Composante maritime

Cet effort comprend la mise en service en octobre du nouveau missile M51.3 armé de la tête nucléaire océanique (TNO-2).

Des M51.2 arment les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) le Vigilant et le Terrible depuis le début des années 2010 et le Triomphant et le Téméraire depuis 2016 et 2019. Tous les quatre vont désormais recevoir le M51.3.

Mais, comme pour les autres grandes puissances, il convient de toujours se projeter dans l’avenir. Le ministère des Armées a annoncé en septembre le lancement en réalisation du M51.4 qui devrait être mis en service à l’horizon 2035, soit au moment où le premier des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de 3ème génération (SNLE 3G) entrera en service (les livraisons de ces nouveaux bâtiments devraient s’étaler de 2035 à 2050.)

Pour mémoire, la Force océanique stratégique (FOST) qui existe depuis 1972 a un SNLE en permanence en patrouille. Chacun peut recevoir 16 missiles armés de têtes mirvées pouvant emporter jusqu’à dix engins nucléaires (et des leurres) qui sont donnés pour une puissance de 100 kt (la bombe d’Hiroshima avait une puissance de 15 kt.)
Il est arrivé qu’en période de tension intense, trois SNLE soient simultanément à la mer (ou deux à la mer et un à quai mais en alerte immédiate), le dernier étant toujours indisponible pour grand carénage (à tour de rôle.)
Le problème majeur pour parvenir à cette performance n’est pas le personnel – chaque bâtiment ayant deux équipages -, mais l’armement en missiles opérationnels immédiatement. Officiellement, 48 missiles M51 de plusieurs types sont toujours disponibles.

La version aéroportée Air-Sol Moyenne Portée (ASMP)

Les missiles de la série ASMP, tirés depuis les Rafale constituent la composante aérienne du système de dissuasion nucléaire français. La combinaison de la vitesse supersonique et de la portée de frappe à distance de sécurité du missile vise à garantir l’atteinte de ses cibles, tout en contribuant à éloigner les plateformes de lancement des menaces. Le développement de l’ASMP-A, qui remonte au milieu des années 2010, s’inscrit dans un effort plus vaste de modernisation de l’arsenal de dissuasion nucléaire français.

L’ASMPA-Renove (ASMPA-R), la dernière version du missile de croisière à statoréacteur est opérationnelle depuis 2023 au sein des Forces aériennes stratégiques (FAS), qui font partie de l’Armée de l’air française.
L’ASMPA-R « modernisé » est extérieurement très similaire à son prédécesseur, l’ASMP-A. Les deux missiles présentent notamment deux entrées d’air centrales, qui font partie du système de propulsion par statoréacteur. Comme on peut le voir ci-dessous, la configuration des empennages diffère entre les modèles A et R. Le modèle A (en haut)°possède des empennages plus petits à l’arrière et plus grands à l’avant, tandis que le modèle R inverse cette disposition. La raison n’a pas dévoilée.

Les données qui suivent sont indicatives car en réalité, elles relèvent du secret-défense…
L’ASMPA-R aurait une portée supérieure à celle de l’ASMP-A (600 km contre 500 km) pour une vitesse maximale de Mach 3.
Des informations ont circulé concernant une nouvelle ogive nucléaire pour l’ASMPA-R, mais certaines sources indiquent qu’il s’agit de la même ogive TNA (tête nucléaire aéroportée) que celle de l’ASMP-A.
La TNA serait une ogive à puissance réglable de 100 à 300 kilotonnes selon la cible visée. Il est possible que les ogives TNA des modèles R aient également été modernisées dans le cadre de cette mise à niveau.
Autrement, l’ASMPA-R est généralement décrit comme un programme de modernisation visant à prolonger la durée de vie des missiles ASMP-A, dont la mise en service a débuté en 2009. Les ASMP-A ont remplacé les ASMP d’origine, entrés en service en 1986. L’ASMP de base avait une portée maximale de 300 kilomètres et une ogive TN 81 plus ancienne, avec la même gamme de réglages de puissance que la nouvelle ogive TNA.

Le 10 novembre 2025, les chasseurs Rafale M de la Marine nationale française ont rejoint officiellement leurs homologues de l’Armée de l’air comme plateformes de lancement pour la version modernisée du missile ASMPA-R.

Un Rafale M de la Marine nationale, appartenant à la Force Aéronavale Nucléaire (FANU), a effectué mi-novembre un tir d’essai d’un ASMPA-R à tête inerte lors de l’opération Diomède.

Il convient de noter qu’une partie de la flotte de Rafale M de la Marine nationale a déjà effectué des missions nucléaires avec les missiles ASMP-Amélioré (ASMP-A). Le porte-avions français Charles de Gaulle est le seul navire de surface de l’OTAN connu pour être capable d’emporter des armes nucléaires, mais il n’effectue pas de patrouilles régulières avec des missiles de la série ASMP à son bord.
Il est naturel de s’interroger sur l’utilité réelle de l’embarquement d’armes nucléaires sur le CdG. En plus d’être relativement faciles à détecter par une autre grande puissance, elle multiplie les risques qui pèsent sur le bâtiment qui devient alors une cible prioritaire.
Mais pour le moment, les Rafale Marine à capacité nucléaire ont leur utilité car ils participent à la veille 24/24 menée par leurs camarades de l’Armée de l’Air depuis des bases terrestres.

La France travaille également sur un nouveau missile de croisière aéroporté, l’Air-Sol Nucléaire de 4ème Génération (ASN4G), qui devrait être propulsé par un statoréacteur, avoir une portée accrue et être capable d’atteindre des vitesses hypersoniques, généralement définies comme supérieures à Mach 5.
L’objectif reste une entrée en service de l’ASN4G aux alentours de 2035.
Mais pour le moment, il y aurait 54 ASMP, tous modèles confondus, opérationnels.

L’ASMPA-R est indispensable à la politique de dissuasion française qui donne au Président de la République un échelon intermédiaire – le « dernier avertissement » – relativement souple d’emploi avant l’apocalypse déclenchée par la composante océanique.
Cela dit, ce n’est pas une arme « tactique » destinée à intervenir sur un champ de bataille dans le cadre d’une manœuvre coordonnée, mais une arme « politique » destinée à influer sur l’esprit de dirigeants étrangers menaçants.

Sur le plan stratégique

Cette année a également été marquée par plusieurs évolutions significatives concernant la politique de dissuasion nucléaire française. En février, des informations indiquaient que les autorités françaises envisageaient le déploiement avancé de Rafale à capacité nucléaire en Allemagne, invoquant des inquiétudes quant à l’engagement des États-Unis au sein de l’OTAN. Ce geste politique est peu important sur le plan purement technique car ce positionnement géographique n’apporte pas de gain significatif en matière de portée opérationnelle.

En mars, le président français Emmanuel Macron a également annoncé la création d’une nouvelle base aérienne à capacité nucléaire, la quatrième du pays, qui accueillera des Rafale de l’Armée de l’Air française(1).

En juillet, la France a signé un accord de coordination formelle de ses forces de dissuasion avec celles du Royaume-Uni. En clair, les deux pays ayant en permanence un SNLE à la mer, il a été convenu que les zones de patrouille ne seraient pas les mêmes afin de rendre leur surveillance plus complexe pour l’ennemi désigné (pour le moment, la Russie.)

Enfin, pour les lecteurs intéressés par les détails historiques, se reporter au renvoi « 2 ».

(1) Voir : « Pourquoi le missile aéroporté à tête nucléaire est indispensable à la dissuasion » du 22 mars 2025.

(2) Voir : « Où en est la force de dissuasion française ? » du 3 août 2023.