La Russie a lancé des exercices mettant en œuvre le système de missiles intercontinentaux RS-24 Yars (SS-29). Yars ou Lars, est l'acronyme de "Iadernaïa raketa sderjivania" qui signifie « fusée de dissuasion nucléaire ».

Le ministère de la défense a annoncé sur une messagerie Télégramme : « au total, plus de 3.000 militaires et 300 matériels divers sont engagés lors de ces exercices ».
Selon la même source, ces exercices doivent se dérouler dans trois régions de Russie qui n’ont pas été précisées. Il a été ajouté que « les servants de ces missiles mettront en œuvre des mesures de camouflage et de dissimulation aux moyens aériens de reconnaissance [adverses] modernes ce qui implique une coopération avec des formations et des unités du district militaire central [le plus grand des cinq districts militaires de Russie – en vert sur la carte ci-après -] et des forces aérospatiales ».

Le président Vladimir Poutine avait présenté le système de missiles Yars considéré comme le successeur du RT-2PM2 Topol-M comme une des « armes invincibles » et le principal pilier de la composante terrestre de son arsenal nucléaire.

Le missile Yars aurait une portée maximale de 12.000 kilomètres (11.000 kilomètres pour le Topol) et surtout pourrait emporter des charges nucléaires mirvées. Le nombre reste secret mais, si l’on prend pour exemple ce qui existe déjà(1), cela pourrait aller de trois à dix projectiles (dont certains seraient des leures).
Les deux missiles peuvent être mis en œuvre à partir d’un véhicule érecteur-lanceur ou depuis un silo durci.

Les Forces de missiles stratégiques sont les seules à mettre en œuvre le RT-2PM2 Topol-M. En 2020, elles équipaient 60 silos et 18 érecteurs-lanceurs répartis en deux divisions de fusées.
Le renseignement américain croit qu’aucun nouveau missile de ce type n’a été commandé depuis 2010 étant progressivement remplacés par des RS-24 Yars. À savoir que la durée de « péremption » de ces missiles à combustible solide est de 20 ans.

La version sur roues est le Yars-S et il en existerait une sur voie ferrée RS-27 ou SS-X-32Zh Barguzin BZhRK. L’option du train armé d’un missile stratégique n’est pas nouvelle en Russie. Il pourrait en avoir plusieurs qui profitent de la longueur des réseaux ferrés et des nombreux tunnels dans lesquels ils peuvent s’abriter.

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, la Russie a continué à mener des manœuvres militaires soit seule, soit en coopération avec d’autres pays comme la Chine, l’Afrique du Sud et la Biélorussie.
D’autre part, Moscou a toujours rappelé au monde que la Russie est la première une puissance nucléaire au monde, même avant les Américains en nombre de têtes opérationnelles. Un exercice similaire, mais de moins grande ampleur, s’était déroulé au nord de Moscou en juin 2022.
Ses forces stratégiques sont variées car l’objectif est d’assurer une capacité de « seconde frappe » crédible.
Les forces aériennes sont aptes à mettre en œuvre des missiles de croisière mais ces dernières sont surtout destinées à mener des tirs d’armes tactiques pouvant viser des formations militaires blindées … option peu crédible mais qu’il ne faut pas négliger … ou plutôt des navires importants – porte-aéronefs – de flottes ennemies.
La composante sous-marine est de toute première importance lors d’une deuxième frappe puisque les sous-marins peuvent tirer des semaines après une attaque nucléaire. C’est vrai pour tous les États qui en détiennent.
L’originalité russe est dans ses forces terrestres nucléaires qui peuvent délivrer des frappes tactiques à partir de systèmes mobiles Iskander et des frappes stratégiques depuis des silos durcis (comme les Américains) mais aussi à partir de systèmes motorisés qui peuvent difficilement être neutralisés par une première frappe. Les exercices annoncés – même s’ils restent une gesticulation politique – entrent dans ce cadre.

1. Voir : « La Russie dévoile quelques caractéristiques du missile intercontinental ‘Satan’ » du 25 novembre 2022.

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Texte

Alain Rodier

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