Même si les services de renseignement danois pensent que la menace de guerre conventionnelle lancée par la Russie contre le Danemark est aujourd’hui « inexistante »(1), ce pays qui sait qu’une bonne politique de défense ne peut se bâtir que très en amont, renforce son dispositif pour faire face à ce qui semble être la menace d’avenir : celle qui pèsera demain sur l’Arctique(2) et l’Atlantique Nord.

Ainsi, Copenhague a annoncé 4,2 milliards de dollars de dépenses supplémentaires en matière de défense afin de renforcer la sécurité dans les régions arctique et atlantique y compris au Groenland.

Parallèlement, le gouvernement danois a également annoncé un investissement de 3,6 milliards d’euros pour renforcer la défense du Groenland. Le ministre de défense Troels Lund Poulsen a déclaré : « ce que nous faisons maintenant, c’est pour garantir que l’Arctique reste une zone de basse tension, mais c’est clair qu’il y a des tensions accrues concernant la manière dont, entre autres, la Russie perçoit l’Arctique. »
Cette enveloppe permettra d’acquérir des avions de patrouille maritime, deux navires arctiques supplémentaires, un radar de surveillance aérienne ainsi que des drones, quatre MQ-9B SkyGuardian américain étant déjà commandés.

Un nouveau quartier général du commandement arctique sera installé à Nuuk, la capitale groenlandaise, ainsi qu’une nouvelle unité militaire sous le commandement conjoint de l’Arctique au Groenland.
De plus, un câble sous-marin reliant le Groenland et le Danemark sera financé.

Il consacrera également 4,5 milliards de dollars à l’achat de 16 avions de chasse F-35 supplémentaires aux États-Unis, portant ainsi sa flotte totale de ces appareils à 43.

En effet, la force royale aérienne danoise [Flyvevåbnet] dispose aujourd’hui de quinze F-35A dont six sont affectés aux États-Unis afin d’assurer la formation des pilotes. Et les derniers exemplaires lui seront en principe remis l’année prochaine, ce qui lui permettra d’avoir 27 appareils opérationnels en 2027. Les seize autres devraient être livrés durant les années suivantes.
Le Danemark souhaite aussi se procurer des drones de combat collaboratifs [CCA] pouvant accompagner ses chasseurs-bombardiers. Ces engins sont conçus pour déployer des missions variées avec une agilité inégalée. Propulsés par des moteurs à réaction, ces appareils possèdent diverses capacités, allant du combat air-air à la guerre électronique. Les associant aux pilotes humains, ces drones utilisent des algorithmes avancés et de l’intelligence artificielle pour évoluer de manière autonome tout en collaborant étroitement avec les équipes en charge des opérations.
Selon le ministre danois de la Défense, ils « peuvent, par exemple, être utilisés comme plateforme d’armement avancée ou pour la reconnaissance sous le contrôle tactique du pilote du F-35. »
Ils devraient être acquis dans le cadre de la nouvelle commande des seize F-35 supplémentaires et, en toute logique il devraient être américains.
Pour Copenhague : « la capacité des forces armées danoises à déployer un nombre suffisant de chasseurs F-35 est un élément important de la contribution du Danemark à la dissuasion et à la défense collectives de l’Otan. »

Le chef d’état-major des armées, le général Michael Wiggers Hyldgaard a précisé : « en allouant des fonds pour étendre la flotte danoise de F-35 à un total de 43 avions de combat, nous renforçons considérablement la défense du Royaume. Les F-35 sont déjà opérationnels au sein de la Flyvevåbnet, où ils jouent un rôle central dans les opérations et le défense de notre souveraineté. »
De son côté, le ministre de la défense a rajouté : « Grâce à cet accord, nous renforçons considérablement les capacités des forces armées danoises dans la région. »

L’Arctique se trouve à un carrefour crucial entre l’Amérique du Nord, la Russie et le reste de l’Europe.
Le communiqué du ministère danois de la Défense précise que l’objectif de son armée est la sécurité et, si nécessaire, la défense au sein de l’Alliance atlantique : « la mission des forces armées est d’assurer la sécurité dans tout le Royaume et, si nécessaire, de défendre le Groenland, les îles Féroé et le Danemark dans le cadre de l’OTAN dans tous les domaines. »

D’ailleurs, le Danemark coopère sur un nouveau plan de défense avec les gouvernements du Groenland et des Îles Féroé.

Le Groenland bien que bénéficiant d’une large autonomie, fait toujours partie du royaume du Danemark.
Ces dernières années, l’intérêt pour les vastes ressources naturelles de l’île a augmenté, notamment pour l’exploitation des terres rares, de l’uranium et du fer.
Le Groenland se trouve sur la route la plus courte entre l’Amérique du Nord et l’Europe, ce qui lui confère une importance stratégique pour les États-Unis.

L’île accueille une base radar américaine depuis la Guerre froide et abrite également une importante base spatiale américaine.
Trump a exprimé à plusieurs reprises son désir d’acquérir le Groenland, affirmant que l’île était « essentielle » à la sécurité nationale et économique.

Tous les stratèges savent que l’Arctique représente une zone qui attire toutes les convoitises en raison de la fonte des glaces donnant accès à des régions jusque là interdites. La moitié de la population arctique réside en Russie. La côte russe représente plus de la moitié du littoral de l’Arctique. L’Arctique représente aussi pour Moscou un espace hautement stratégique, notamment pour affirmer son statut de puissance internationale.
La Russie renforce depuis des années ses dispositifs militaires et se livre régulièrement à des grandes manœuvres de manière à marquer son terrain(3).
C’est une zone où l’Otan est directement au contact avec la Russie ce qui constitue un risque important qui ne fera que s’accroitre avec le temps.

(1) Voir : « Évaluation de la menace russe par les services de renseignements danois » du 6 octobre 2025.

(2) Voir : « Menaces sur l’Arctique » du 22 février 2024.

(3) Voir : « La flotte du Nord russe manœuvre dans l’Arctique » du 12 septembre 2024.