Une dizaine d’avions multirôle israéliens ont tiré dix munitions sur un complexe résidentiel de Doha le 9 septembre 2025 après-midi lors d’une opération baptisée « Atzeret HaDin » (le jour du jugement). Ils ciblaient des hauts dirigeants politiques du Hamas convoqués à une réunion destinée pour préparer une réponse à la proposition américaine d'accord sur la libération des otages israéliens retenus à Gaza.

Techniquement, ils ont eu besoin d’au moins un ravitaillement en vol. Selon le World Street Journal (WSJ), les appareils israéliens auraient tirés des missiles air-sol depuis l’espace aérien irakien n’empiétant pas dans le ciel saoudien. Le site Intelligence Online (IOL) émet l’hypothèse de l’emploi de missiles Silver Sparrow de Rafael Advanced Defense Systems et Raytheon. Leur portée est de 2.000 kilomètres mais ils ne peuvent être mis en œuvre en mission de guerre qu’avec l’accord de Washington…

Beaucoup de mystère entoure cette frappe – en particulier sur une participation éventuelle américaine au moins dans les domaines du renseignement et logistique -.

À noter que la chasse qatarie pourtant armée de 36 Rafale, 33 F-15 et 14 Typhon n’est pas intervenue…

Le siège de la représentation au Qatar du Hamas a été gravement endommagé. Six personnes auraient été tuées mais aucun haut responsable visé. La villa visée serait celle de Khalil al-Hayya, le chef du bureau du Hamas à Gaza, membre du comité directeur du mouvement et négociateur en chef.

Un haut responsable israélien a déclaré aux médias que les membres du Hamas visés incluaient Khalil al-Hayya, et Zaher Jabarin, dirigeant de Cisjordanie en exil.

Les victimes identifiées sont le fils de Khalil al-Hayya, Humam, son directeur de bureau, Jihad Abou Labal, trois gardes du corps et un agent de sécurité qatari. 33 civils auraient été blessés.

Benjamin Netanyahou aurait ordonné le déclenchement de cette opération après la fusillade revendiquée par le Hamas, qui a fait 6 morts dans une station de bus à Jérusalem-Est le 8 septembre. Le communiqué officiel du gouvernement précise : « en raison d’une opportunité opérationnelle […] le Premier ministre et le ministre de la Défense ont décidé de mettre en œuvre la directive donnée la veille. »

Tous les états-majors du monde – en particulier israéliens, pays qui se considère comme en état de guerre depuis sa création – ont des plans d’action préétablis qui peuvent être lancés en quelques heures.

Mais sur le plan purement technique, cette action est un échec car elle n’a atteint aucun des objectifs assignés tout en provoquant une nouvelle protestation internationale d’envergure.

Même les États-Unis – bien que prévenus à l’avance – ne sont pas à l’aise avec cette affaire car le Qatar constitue une de leurs pièces maîtresse au Proche-Orient et accueille la base militaire d’Al-Udeid, la plus importante sur zone et siège depuis 2002 du CENTCOM, le commandement des forces américaines au Moyen-Orient. En janvier 2024, les États-Unis et le Qatar ont renouvelé pour dix ans le contrat d’exploitation de cette base.
Selon l’agence Reuters, cette attaque devait aboutir à la fin temporaire ou permanente des négociations de cessez-le-feu à Gaza.
Pour, Franck Loweinstein, ancien envoyé spécial des États-Unis pour le Moyen-Orient, cette frappe signifie non seulement que le gouvernement israélien a perdu tout intérêt à négocier un cessez-le-feu, mais qu’en plus c’est aussi le cas pour l’administration Trump.

Cela met en évidence les divisions internes qui existent au sein de l’équipe dirigeante israélienne.
Le Shin Bet voyait une « opportunité exceptionnelle » de neutraliser plusieurs cadres supérieurs du Hamas rassemblés dans la résidence de Khalil al-Hayya.
L’argument avancé était sans ambiguïté : « la branche extérieure du Hamas maintient une ligne dure qui fait obstacle à tout progrès dans les discussions [concernant la libération des otages]. »
C’était aussi le point de vue du Premier ministre Benyamin Netanyahou, du ministre de la Défense Israel Katz et de Ron Dermer, ministre des Affaires stratégiques.

À l’inverse, plusieurs figures influentes du système sécuritaire – notamment le chef d’état-major Eyal Zamir, le patron du Mossad David Barnea, le conseiller à la sécurité nationale Tzachi Hanegbi et le directeur du renseignement Shlomi Binder – ont fait part de leurs « inquiétudes concernant le calendrier retenu. »
Le narratif officiel israélien parle de renseignements acquis par le Shin Bet, les services de renseignements intérieurs. Le Mossad va avoir beau jeu de dire que le Shin Bet s’est fourvoyé en empiétant sur ses plates-bandes (le Shin Bet « à l’intérieur », le Mossad « à l’extérieur », même si c’est plus compliqué que cela) et sur le fond, s’est trompé : une guerre interservices vieille comme leurs dates de création, semble repartie…

Si le principe d’une action contre la direction du Hamas à l’étranger fait toujours consensus parmi les responsables politiques et militaires israéliens, c’est le moment choisi qui aurait soulevé de vives controverses. L’attaque intervenait en effet au moment précis où l’équipe Trump venait de présenter sa nouvelle proposition d’accord global pour libérer les otages.

Enfin, une assurance aurait été donnée dans le passé par Israël au Qatar (comme à la Turquie) que le Mossad n’éliminerait pas des dirigeants islamistes en exil. Les puristes pourront toujours dire que le Mossad n’était pas directement impliqué dans l’affaire du 9 septembre…

La réaction de Washington ne s’est pas fait attendre. Interrogé pour savoir si cette attaque l’avait pris par surprise, Donald Trump a répondu : « je ne suis jamais surpris par quoi que ce soit, surtout en ce qui concerne le Moyen-Orient […] mais je vous dirai ceci : je ne suis pas satisfait de la situation, pas satisfait de tous les aspects, nous devons récupérer les otages, mais je n’aime pas ce qui vient de se passer. »
Sa porte-parole Karoline Leavitt a d’ailleurs souligné qu’il s’agissait d’un « bombardement dirigé contre un pays souverain et allié proche des États-Unis, qui œuvre courageusement et au péril de sa sécurité pour faciliter les négociations de paix. » Elle a qualifié cette frappe de contraire « aux intérêts tant israéliens qu’américains », tout en admettant que « l’objectif de démantèlement du Hamas, qui prospère sur la détresse des Gazaouis, demeure légitime. »

Washington a également révélé que Donald Trump avait chargé son émissaire spécial Steve Witkoff d’alerter « sans délai » les autorités qataries. Mais pour le porte-parole de la diplomatie qatarie, Majed al-Ansari : « l’appel d’un officiel américain est parvenu au moment même où les déflagrations se faisaient entendre. »
Ce dernier qui est aussi conseiller du Premier ministre du pays, Mohammed bin Abdulrahman Al Thani, a émis le communiqué suivant : « l’État du Qatar condamne fermement l’attaque israélienne lâche qui a visé des immeubles résidentiels abritant plusieurs membres du Bureau politique du Hamas à Doha, la capitale qatarie. Cette attaque criminelle constitue une violation flagrante de toutes les lois et normes internationales et constitue une grave menace pour la sécurité des Qataris et des résidents du Qatar […] l’État du Qatar confirme qu’il ne tolérera pas ce comportement israélien irresponsable ni la perturbation continue de la sécurité régionale, ni aucun acte portant atteinte à sa sécurité et à sa souveraineté.»

Pour ceux qui avaient encore un doute, il semble évident que l’État hébreu poursuit sa politique de « loi du talion » qu’il avait promis après les massacres du 7 octobre 2023. C’est une réplique à l’opération « colère de Dieu » qui a suivi la prise d’otages et l’assassinat de onze Israéliens lors des JO de 1972 à Munich. À noter qu’elle ne s’est terminée qu’en 1992 soit vingt ans après les faits !
Plus globalement, cette opération constitue un défi aux normes internationales de souveraineté, d’une menace à la stabilité régionale et, plus encore, d’un coup porté à la diplomatie au moment où le monde entier en a besoin pour éviter de basculer dans une guerre incontrôlée.