À savoir que le 1er juillet, directeur exécutif et le rédacteur en chef de l’agence de presse d’État russe Sputnik en Azerbaïdjan ont été arrêtés par les forces de police azéries. Ils ont été condamnés dès le lendemain à quatre mois de prison pour « fraude, d’entrepreneuriat illégal et de légalisation de biens obtenus par des moyens criminels. »
L’agence azerie APA a rapporté également que deux membres du Service fédéral de sécurité russe (FSB) figuraient sept personnes arrêtées après le raid sur les bureaux de Sputnik Azerbaïdjan (propriété de Rossiya Segodnya, société exploitée par le gouvernement russe.)
Un autre média d’État russe, Ruptly, a déclaré qu’un de ses journalistes a été appréhendé après avoir tenté de filmer l’action policière dans les bureaux de Sputnik à Bakou.
Bien que l’accréditation de l’agence ait été officiellement révoquée en février, le ministère de l’Intérieur azéri a indiqué que Sputnik Azerbaïdjan aurait poursuivi ses activités en utilisant des sources de financement illégales.
À noter que plus de 50 journaux et 10 agences de presse russes sont représentés en Azerbaïdjan. Sputnik, Ruptly et autres filiales de Rossiya Segodnya sont considérées comme des outils de diffusion de la propagande du Kremlin à l’étranger.
En sus, le 1er juillet, le ministère de l’Intérieur azéri a annoncé avoir démantelé deux groupes criminels à Bakou en arrêtant des ressortissants russes soupçonnés de trafic de drogue en provenance d’Iran et de mener des opérations de cyberfraude.
Les tensions entre les deux pays avaient monté d’un cran après l’arrestation de plus de cinquante citoyens azéris à Ekaterinbourg lors de raids menés par le FSB russe le 27 juin.
Ces arrestations seraient liées à des crimes anciens non résolus datant des années 2000.
Six personnes des Azéris appréhendés avaient aussi un passeport russe.
Deux d’entre-elles – les frères Huseyn et Ziyaddin Safarov – sont décédées et trois autres ont été grièvement blessées lors de l’interpellation.

La chaîne de télévision azérie AnewZ a déclaré que ces arrestations avaient été menées en raison d’un « délit au faciès ». À savoir que pour les Russes, les Azéris sont des « Caucasiens » ce qui, dans leur imaginaire, est péjoratif.
Des experts médico-légal ont révélé que dépouilles des Azéris décédés qu’ils avaient récupéré portaient des traces de « traumatismes contondants et non de blessures par balle » soulevant des questions sur les circonstances de ces décès.
Le ministère Azéri des Affaires étrangères a condamné l’opération comme étant « brutale et injustifiée » et a appelé les autorités russes à « mener une enquête urgente sur cette affaire et à traduire en justice les auteurs de cette violence inacceptable dès que possible. »
L’Azerbaïdjan a convoqué le chargé d’affaires russe à Bakou pour protester contre ces violences inacceptables.
De son côté, le ministère de la culture azéri a publié la déclaration suivante : « en réponse aux exécutions ciblées et extrajudiciaires et aux actes de violence contre les Azéris en raison de leur appartenance ethnique, perpétrés de manière manifeste par les forces de l’ordre russes dans la région d’Ekaterinbourg en Fédération de Russie – et compte tenu du caractère systématique de tels incidents ces derniers temps -, tous les événements culturels prévus en Azerbaïdjan impliquant des entités publiques et privées russes ont été annulés. »
Le parlement azéri pour sa part s’est retiré des négociations bilatérales prévues à Moscou et a annulé la visite d’un vice-Premier ministre russe.
Le raid sur Sputnik du 1er juillet a été la suite logique.
Les autorités russes ont dénoncé des « actes inamicaux de la part de Bakou et l’arrestation illégale de journalistes russes. »
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré que Moscou cultivait des liens avec Bakou depuis de nombreuses années sur la base du respect mutuel, mais que des acteurs inconnus essayaient maintenant de les perturber pour s’enrichir personnellement.
Il y a plus d’un demi-million d’Azéris en Russie ainsi qu’une importante diaspora russe en Azerbaïdjan, qui est la plus grande de la région.

Les relations entre Moscou et Bakou s’étaient notablement refroidies après le crash d’un avion de ligne azéri Embraer 190 au Kazakhstan le 25 décembre 2024 tuant 38 des 67 personnes à bord.
Les enquêtes sur l’accident avaient révélé que le vol 8243 d’Azerbaïdjan Airlines avait été endommagé par un tir de la défense aérienne russe au-dessus de Grozny en Tchétchénie. Ensuite, selon Bakou, l’appareil serait devenu incontrôlable à cause de la guerre électronique russe. Toujours selon les mêmes sources, Moscou espérait vraisemblablement que l’avion s’écraserait en mer Caspienne pour faire disparaitre les preuves.
Le président Vladimir Poutine avait présenté ses excuses au président Aliyev pour ce qu’il avait qualifié d’« incident tragique » sans toutefois en reconnaître la responsabilité russe.
En réponse, Aliyev n’a pas voulu assister aux célébrations du 80ème Anniversaire de la Victoire en Russie en mai 2025.
Malgré ces rapports de plus en plus dégradés, les deux pays restent liés économiquement, notamment par le biais de la réalisation du « corridor de transport international Nord-Sud / occidental », un itinéraire ferroviaire et naval, conçu pour assurer la liaison de transport entre la Russie et l’Inde via l’Iran qui permet à Moscou de contourner les sanctions occidentales.

Par ailleurs, la Russie reste toujours l’un des principaux fournisseurs d’armes de l’Azerbaïdjan, les responsables des ministères de la Défense échangeant de nombreuses visites.
Mais Bakou entretient les meilleures relations avec la Turquie et avec Israël dont les représentants sont très présents sur place.
Cela empoisonne les relations avec l’Iran qui considère l’Azerbaïdjan comme une menace quasi-directe. Téhéran est persuadé que le Mossad a déployé des bases arrières qui ont participé à la guerre de juin 2025(1).
Mais, alors que la guerre en Ukraine se prolonge, l’Azerbaïdjan – qui a gardé une position neutre concernant l’invasion russe – tente de s’opposer à l’influence hégémonique de la Russie au Caucase profitant du fait que Moscou est affaibli politiquement, militairement et économiquement.
La victoire sur l’Arménie et la reprise du Haut-Karabagh en 2023 que les Russes n’ont pu empêcher bien qu’étant présents militairement sur zone, a grandement participé à cette volonté d’émancipation de l’Azerbaïdjan qui ne veut pas subir le sort de la Biélorussie qui se retrouve de fait sous tutelle de Moscou.

La consécration de la reprise du Haut-Karabagh se tient le 4 juillet 2025 à l’occasion du 17ème sommet des dirigeants de l’Organisation de coopération économique (OCE, fondée en 1985) à Khankendi (Stepanakert), « capitale » de l’ancienne enclave arménienne récupérée lors de la guerre de 2023.
Le président Recep Tayyip Erdoğan et son homologue azéri İlham Aliyev présideront ce sommet de l’OCE qui compte aujourd’hui dix États membres : l’Azerbaïdjan, l’Afghanistan, l’Iran, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Pakistan, le Tadjikistan, la Turquie et le Turkménistan. Si les talibans doivent envoyer une délégation, il n’est pas certain que l’Iran sera représenté mais le Premier ministre pakistanais devrait être là…
Et le monde « parallèle » ?
Mais derrière ces considérations politiques, la situation est plus complexe. Des citoyens azéris seraient mêlés à des trafics qui bénéficient à Moscou sans que l’on sache s’ils agissent à titre privé où s’ils sont commandités.
Ainsi, les autorités britanniques ont identifié deux ressortissants azéris proches du géant pétrolier russe Rosneft comme des acteurs clés d’un vaste réseau ayant transféré illégalement des milliards de dollars de pétrole russe.


Dans un rapport publié le 2 juillet, l’Agence nationale britannique de lutte contre la criminalité (NCA) a désigné Etibar Eyyub et Tahir Garaev comme des figures centrales de ce qu’elle décrit comme un système de « commerce parallèle » de plus en plus sophistiqué, conçu pour dissimuler l’origine du brut russe sanctionné.
Les deux hommes seraient de proches collaborateurs du PDG de Rosneft, Igor Setchine, un allié de longue date du président Vladimir Poutine, qui fait l’objet de sanctions de la part des États-Unis, de l’UE, du Canada et d’autres gouvernements occidentaux.
Selon le rapport, Eyyub et Garaev ont bénéficié d’un « accès privilégié » aux produits pétroliers de Rosneft, ce qui leur a permis de commercialiser plus de brut russe en 2024 que toute autre entité.
On ne sait pas si les incidents récents ne sont pas des règlements de comptes car le monde parallèle – pour ne pas parler du monde criminel – est très actif en Russie et dans le Caucase.
Rapprochement physique de l’Azerbaïdjan de la Turquie.

Enfin, les projets de rapprochement au sens premier du terme, de l’Azerbaïdjan avec la Turquie est en cours de réalisation, un accord sur l’établissement du « corridor de Zanguezour »(2) reliant les deux pays via le Nakhitchevan semblant être en bonne voie après la visite du Premier ministre arménien Nikol Pachinian en Turquie où il a rencontré le président turc à Istanbul le 18 juillet 2025.

Affaire à suivre…
(1) Voir : « IRAN ISRAËL : vers la chute du régime iranien ? » du 16 juin 2025.
(2) Voir : « RUSSIE – IRAN : désaccord sur le corridor de Zanguezour en Arménie » du 11 septembre 2024.