La Chine a annoncé le 25 septembre avoir lancé avec succès un missile balistique intercontinental (ICBM) transportant une ogive factice dans l'océan Pacifique.

L’ICBM a été lancé à 08h44 heure locale et « est tombé dans des zones maritimes prévues » a déclaré le ministère de la Défense chinois ajoutant que le tir d’essai était « de routine » et faisait partie de son « entraînement annuel ».

 

L’affirmation par Pékin que c’était un tir « de routine » et « annuel » est pour le moins étrange car Pékin ne procède généralement pas de cette manière.

Les essais d’armes nucléaires de la Chine ont généralement lieu sur son territoire et elle a déjà testé des ICBM vers l’ouest dans le désert du Taklamakan, dans la région du Xinjiang.

Ce serait la première fois depuis 1980 qu’elle lance un ICBM dans les eaux internationales.

Cette année là, fois que la Chine avait effectué un essai d’ICBM qui avait parcouru 9.070 kilomètre avant de plonger dans le Pacifique. Cette opération avait engagé 18 navires de guerre chinois. Elle est encore considérée comme l’une des plus grandes manœuvres navales chinoise.

Selon Drew Thompson, chercheur invité à la Lee Kuan Yew School of Public Policy de Singapour sur X : « le lancement est un signal puissant destiné à intimider tout le monde ».

En effet, la Chine a suspendu ses négociations avec Washington sur le contrôle des armes nucléaires en juillet 2024 en représailles aux dernières ventes d’armes américaines à Taïwan.

Dans un rapport publié en 2023, le Pentagone estime que la Chine possède plus de 500 ogives nucléaires opérationnelles dont environ 350 arment des ICBM.

Le rapport prévoit également que la Chine doublera ce potentiel d’ici 2030.

Par contre les Russes ont connu un grave échec

La Russie a subi un échec catastrophique lors d’un essai de son missile R-28 Sarmat, une arme clef dans la modernisation de son arsenal nucléaire.

Les images capturées par Maxar le 7 septembre. 21 montrent un cratère d’environ 60 mètres de large au silo de lancement du cosmodrome de Plesetsk dans le nord de la Russie. Ils révèlent des dommages importants qui n’étaient pas visibles dans les photos prises plus tôt dans le mois.

Le missile balistique intercontinental RS-28 Sarmat est conçu pour emporter des ogives nucléaires afin de frapper des cibles à des dizaines de  milliers de kilomètres mais son développement a été entravé par de nombreux retards et plusieurs échecs.

Timothy Wright, chercheur associé à l’Institut international d’études stratégiques (IISS) à Londres a déclaré que la destruction de la zone entourant immédiatement le silo de missiles suggérait un échec peu après la mise à feu du propulseur.

Le RS-28 Sarmat (RS-SS-X-29) de 35 mètres de long, connu sous le nom de Satan II a une portée de 18.000 kilomètres et un poids de lancement de plus de 208 tonnes. Ce missile pourrait emporter différentes têtes nucléaires (jusqu’à 15 ogives mirvées de 400 kilotonnes chacune mais aussi des leurres ou le « planeur » hypersonique (hypersonic boost-glide vehicle -HGV-) « Avangard ». Cette arme nouvelle qui pourrait évoluer à plus de Mach 20 (25.000 kilomètre/heure) tout en ayant une trajectoire (qui peut être modifiée ) plus basse que des MIRV est vraisemblablement difficilement interceptable.

Théoriquement, le Sarmat devait être prêt en 2018 en remplacement du SS-18 (ICBM RS-20 Satan) qui date de 1967. Son déploiement a été repoussé à plusieurs reprises.

L’analyste de l’IISS Wright a déclaré qu’une défaillance du test ne signifiait pas nécessairement que le programme Sarmat était en danger. Il précise tout de même : « c’est la quatrième défaillance d’essai successive de Sarmat qui, à tout le moins, repoussera son introduction déjà retardée […] et pourrait tout au plus soulever des questions sur la viabilité du programme».

Nouvelle doctrine d’emploi des armes nucléaires russes qui copie celle des États-Unis.

Les États-Unis et leurs alliés suivent de près le développement par la Russie et la Chine de leurs arsenaux nucléaire respectifs. La guerre en Ukraine et les revendications de la Chine sur Taiwan et le Pacifique Sud accroissent progressivement les tensions entre Moscou, Pékin et l’Occident.

Depuis le début du conflit, le président Vladimir Poutine a déclaré à plusieurs reprises que la Russie possède l’arsenal nucléaire le plus important et le plus avancé au monde, et a averti l’Occident de ne pas franchir un seuil qui pourrait conduire à une guerre nucléaire.

Lors du dernier conseil de sécurité portant sur les armes nucléaires, il a même précisé la nouvelle doctrine proposée par le Kremlin en matière de frappe nucléaire.

« … l’agression contre la Russie par tout État non doté d’armes nucléaires mais avec la participation ou l’appui d’un État nucléaire serait assimilé à une attaque conjointe contre la Fédération de Russie […] les conditions d’engagement par la Russie d’armes nucléaires sont claires […] En cas de recueil d’informations fiables sur un lancement d’attaques aériennes massive et leur franchissement de nos frontières […] nous nous réservons le droit d’utiliser des armes nucléaires … »

En clair,  l’utilisation massive d’armes classiques par un pays non équipé d’armes nucléaires mais soutenu par une autre puissance elle-même nucléaire, qui provoquerait une menace critique pour la souveraineté de la Russie est un nouveau seuil d’emploi possible. Noter que la Biélorussie bénéficie de la couverture nucléaire russe.

Cette déclaration désigne clairement l’Ukraine qui souhaite frapper la Russie dans la profondeur avec des missiles américains, britanniques et français…

Il est en effet possible d’imaginer qu’un des plans de guerre de Moscou (tous les états-majors en font) consisterait à nucléariser une ou plusieurs bases ukrainiennes qui auraient servi de point de départ pour des frappes profondes et massives en Russie. Bien sûr, la réprobation serait mondiale mais cette action diabolique n’obligerait pas les puissances nucléaires occidentales à entrer dans un processus d’escalade qui serait fatal pour tous…Il convient de rappeler que l’idée centrale de la Maison-Blanche a toujours été que le territoire des États-Unis ne doit en aucun cas être pas frappé, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’à présent. Pour ce qui se passe à l’extérieur, c’est différent (Vietnam, Liban, Irak, Libye, Afghanistan, etc.).

Même si c’est du bluff, cela constitue d’une déclaration très grave car il s’agit pour Moscou du retour à l’option de « première frappe ».

Le secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré que les commentaires de Poutine sur la menace nucléaire étaient « totalement irresponsables ».

Il a juste diplomatiquement « oublié »  que c’était une réponse « du berger à la bergère » (avec plus de deux ans de retard) car en avril 2022, l’Administration Biden avait déclaré – sans qu’il n’y ait de polémique particulière – que le « rôle fondamental » de l’arsenal nucléaire américain était de dissuader toute attaque nucléaire mais cela laissait toujours possible l’option de l’utiliser dans des « circonstances extrêmes pour défendre les intérêts vitaux des États-Unis ou de leurs alliés et partenaires ».

Les discours sont étrangement semblables et ce jeu de poker menteur entre dirigeants politiques est sinistre…

De son côté et pour l’instant, Pékin rejette officiellement tout emploi d’une arme nucléaire en premier ou contre une puissance non dotée…

Publié le

Texte

Alain Rodier