Le jugement de cinq anciens responsables autrichiens pour manœuvres délictueuses a débuté le 14 avril à Vienne. Ils sont accusés d'avoir accordé l'asile au brigadier général syrien Khaled al-Halabi qui est soupçonné de crimes de guerre, et ce, à la demande du Mossad.

De 2009 à 2013, le brigadier général de l’armée syrienne Khaled al-Halabi a occupé les fonctions de chef de la « branche 335 » du service de la sûreté de l’État à Raqqa. Selon de nombreuses sources, le service qu’il dirigeait a été impliqué dans des arrestations de masse, des tortures, des viols et des meurtres.
Lorsque les forces islamiques radicales ont capturé Raqqa en 2013, Halabi s’est enfui en France y demandant l’asile politique. Mais, le parquet autrichien a précisé qu’un «service partenaire étranger» – sans nommer le Mossad -, a exfiltré « illégalement » ce militaire syrien de France, où il était visé par une interdiction de sortie du territoire, pour le conduire en Autriche «dans une voiture avec des plaques diplomatiques» sans plus de précisions.
Puis les services autrichiens l’ont conduit « à l’aide d’un véhicule de service » dans un logement et lui ont organisé l’obtention de l’asile en décembre 2015, sans respecter leur obligation de rapport au ministère public.
La procureure Ursula Schmudermayer a déclaré devant le tribunal d’État de Vienne que des responsables du renseignement autrichiens s’étaient rendus à Tel-Aviv en mars 2015 pour rencontrer des officiers du Mossad. Elle a déclaré que les officiers du Mossad avait informé leurs homologues que le général syrien résidait en France mais que « la coopération avec la France ne fonctionnait pas comme ils l’avaient prévu ». Ils souhaitaient donc que l’Autriche intervienne.
Le Mossad qui comptait continuer à interroger Halabi en Autriche aurait payé 5.000 euros par mois pour son hébergement.

Les cinq fonctionnaires sont accusés d’avoir abusé de leurs fonctions pour amener Khaled Halabi, en Autriche en 2015 puis pour lui obtenir l’asile.
Quatre sont d’anciens officiers de renseignement et un est un ancien responsable de l’agence d’asile.
L’avocat d’Halabi, Timo Gerersdorfer, a déclaré à l’Associated Press que son client coopérait pleinement avec les autorités autrichiennes et qu’il n’était pas coupable. Il a particulièrement déclaré : « il a fui la Syrie avec l’aide de l’Armée syrienne libre. S’il avait été d’accord avec le régime d’Assad, il serait resté en Syrie ». À la connaissance de l’auteur, il est aujourd’hui injoignable…

Selon une enquête du magazine allemand Der Spiegel et du quotidien autrichien Der Standard, le Mossad avait recruté Halabi, un Druze syrien comme informateur.

La justice autrichienne accuse les anciens responsables du renseignement d’avoir manqué à leurs devoirs de fournir des informations sur le lieu et l’identité de Halabi, en particulier après une réunion en 2016 au ministère autrichien de la Justice. Lors de cette réunion, des représentants de la Commission pour la justice internationale et la responsabilité ont présenté des preuves qu’Halabi était soupçonné d’être impliqué dans des crimes de guerre en Syrie et ils ont déclaré que la France avait ouvert une enquête contre lui pour une éventuelle « torture systématique ».

L’acte d’accusation indique que Martin W., qui était à l’époque un officier principal de l’agence de renseignement intérieure autrichienne, le BVT, a conclu un « accord de coopération avec un service de renseignement partenaire étranger » le 6 mai 2015. L’accord contenait des détails sur la manière de faire venir Halabi de France en Autriche et de l’aider à demander l’asile.
Les avocats des prévenus ont fait valoir que les accusés avaient agi correctement car tous les détails de l’accord de coopération avec le Mossad étaient qualifiés de « strictement confidentiels » ce qui signifiait qu’ils n’étaient pas autorisés à divulguer l’opération à d’autres organes de l’État.
Ils ont également fait valoir que l’accord de coopération avec les services de renseignement israéliens avait aidé l’Autriche à obtenir des informations qu’il n’aurait pas été possible d’obtenir autrement.
Il convient de se rappeler qu’à l’époque, l’Europe était confrontée à l’arrivée d’un grand nombre de réfugiés venant de Syrie et que la menace terroriste était importante.

Gerald W. est accusé d’avoir manipulé la procédure d’asile pour permettre la venue d’Halabi en Autriche. Son avocat a déclaré au tribunal que Gerald W. avait agi de bonne foi, se fiant aux informations qui lui avaient été données selon lesquelles Halabi était en danger en France.

Quant aux services français, ils se sont peut-être rendus compte que cet individu avait très peu de choses intéressantes à raconter – ce qui est un grand « classique » avec les défecteurs (1) -. De plus, il était encombrant avec les poursuites judiciaires entamées à son encontre. Ils ont été vraisemblablement enchantés qu’il ait quitté le territoire français relativement rapidement (deux ans de présence tout de même avec le coût qui va avec…).

Cette affaire qui devrait connaître son épilogue judiciaire rapidement est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire avec les membres d’un service de renseignement qui n’ont pas été couverts par leur hiérarchie. À n’en pas douter, l’enthousiasme de Officiers Traitants (OT) autrichiens va être très modéré par cette affaire et les leurs capacités en renseignement humain vont être considérablement amoindries.

Plus globalement, il est normal qu’un pouvoir politique s’interroge sur l’utilité d’un service secret. S’il décide que cela n’a aucun intérêt pour le pays, il est libre de le supprimer. Il peut alors confier entièrement sa politique extérieure à son Ministère des Affaires étrangères dont c’est le rôle. Curieusement, peu de pays l’ont fait…

1. La « gestion » d’un défecteur est une chose compliquée et chère. D’abord, il convient de vérifier que ce n’est pas un provocateur envoyé par les services adverses. Ensuite, les demandes pour « coopérer » sont souvent exorbitantes (logement, protection, venue de la famille, nouveau job, etc.) pour un résultat généralement maigre (un défecteur n’a des informations que jusqu’au moment de son départ. Après, il devient un « has been »). Il ne présente qu’un intérêt s’il peut être réintroduit dans le dispositif adverse ce qui est exceptionnel.

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Texte

Alain Rodier

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