Les Américains ont aujourd’hui leur « Fort Alamo » perdu au milieu de étendues désertiques. C’est la « garnison Al-Tanf (ALG) » qui se trouve en Syrie à la frontière Jordanienne et irakienne.
Cela est revenu sur le devant de la scène lorsque des chasseurs bombardiers russes ont attaqué le 15 juin un poste de combat de l’opposition syrienne qui se situait dans l’enceinte des installations. Cela aurait été une « réponse » à une attaque lancée précédemment par ce groupe sur un véhicule de l’armée russe (sans précisions). Les Américains auraient été avertis de la frappe par l’état-major russe 35 minutes avant son déclenchement.
Le général d’armée Michael Erik Kurilla qui a pris la direction de l’U.S Central Command le 1er avril 2022 s’est rendu sur zone à la fin juin, entre autres pour soutenir les hommes de la garnison composée de 300 membres des forces spéciales et des « combattants étrangers » présents sur place.
Cette base avait été établie en 2016 lorsque Washington avait, à sa seule initiative, décidé d’intervenir en Syrie pour combattre Daech. Cette installation excentrée par rapport à majorité des forces engagées à l’époque au Kurdistan syrien (situé à l’est de l’Euphrate) est entourée d’une « zone de déconflixion » de 55 kilomètres de profondeur négociée avec les Russes.
Dans un premier temps, sa mission a été d’empêcher les mouvements transfrontaliers pour Daech (le long de l’autoroute M2 qui relie Bagdad à Damas). Pour cela, les forces spéciales américaines avaient formé à partir de 2015 en Jordanie le groupe de rebelles syriens, la « Nouvelle Armée Syrienne – NAS – » ( Jaych Suriya al-Jadid ). La NAS a rejoint la Syrie et a chassé Daech de la région d’Al-Tanf. Les forces spéciales US ont alors occupé la position. Le groupe rebelle La NAS a été dissoute en 2016 pour réapparaitre sous l’appellation d’« Armée des commandos de la révolution » ( Maghaweir Al-Thawrah).
Ensuite, le proto-État Islamique ayant disparu sur le terrain, la mission a évolué. Les Américains ont privilégié la résistance au régime de Bachar el-Assad avec des opposants formés en Jordanie. Il s’agissait aussi d’entraver le déploiement progressif des milices patronnées par l’Iran. Le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine en 2022 a définitivement placé les Russes présents en Syrie depuis septembre 2015 (à la demande de Damas) dans la liste des adversaires des Américains. Cependant, toutes les précautions sont prises pour éviter un contact belliqueux direct avec l’armée russe.
Au mois de juin 2022, les Américains ont dénoncé la multiplication d’incidents « dangereux et non-professionnels » de la part des forces russes et iraniennes. Ainsi des appareils russes auraient effectué des manœuvres agressives vis-à-vis d’appareils. Les Russes n’appliqueraient plus les accords de déconflixion qui stipulaient que les deux parties devaient être d’accord avant le lancement de toute opération en Syrie.
Le général Kurilla a une explication pour l’attitude offensive reprise par Moscou en Syrie : Le colonel-général Gennady Valeryevich Zhidko(1) serait de retour après un bref séjour d’un mois en Ukraine. Il y avait été dépêché pour régler la cacophonie apparente du commandement les forces d’invasion russes. Apparemment et à l’étonnement des observateurs, il semble qu’il ait fait preuve d’efficacité et il est de retour en Syrie où il avait dirigé le corps expéditionnaire de 2016 à 2021.
Bien que le commandement US n’ait pas communiqué officiellement sur les reproches faits aux Iraniens en Syrie, plus globalement il estime à 29 le nombre d’incidents anti-américains qui se sont déroulés depuis octobre 2021 de par le monde. En Syrie, la base d’al-Tanf avait subi un raid de cinq drones suicide lancés le 16 octobre 2021 vraisemblablement lancés par des milices chiites dirigées par Téhéran. À noter que les deux lance-roquettes Himars qui arment la garnison n’avaient pas riposté pour ne pas provoquer une escalade. Les provocations de la composante navale des pasdarans contre l’US Navy dans le Golfe persique sont monnaie courante depuis des années. Tout cela a comme conséquence que l’administration Biden va vers un durcissement de ses positions vis-à-vis de Téhéran ce qui n’augure rien de bon pour les négociations sur le nucléaire iranien (JCPOA). Il est vrai que depuis que les conservateurs sont au pouvoir à Téhéran, eux-mêmes ne paraissent plus y croire vraiment.
Les USA tentent de fédérer autour d’eux un front anti-iranien comprenant – sans beaucoup de difficultés – Israël, l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis.
1. Voir : « Ukraine : changement du commandant général russe » du 9 juin 2022.
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