Le groupe Wagner a annoncé le 6 juin avoir achevé sa mission de soutien à la junte militaire malienne dans sa lutte contre les insurgés islamistes : « la SMP Wagner a achevé sa mission principale au Mali », a déclaré le groupe dans un communiqué publié sur sa chaîne Telegram officielle. « la SMP Wagner rentre au pays.»

Confronté à une guerre civile qui dure depuis 2012, une junte militaire a pris le pouvoir à Bamako en 2020. Après avoir rompu ses liens avec la France et d’autres partenaires occidentaux, le Mali s’est tourné vers Moscou afin d’obtenir un soutien politique et militaire. La SMP Wagner a donc été dépêchée en 2020 à la grande joie de la population.

Dans un message vidéo, Wagner a affirmé que les combattants russes étaient arrivés avec « les meilleures armes et la technologie militaire la plus avancée. […] Nous avons aidé les patriotes locaux à créer une armée forte et disciplinée, capable de défendre leur territoire. Toutes les capitales régionales sont revenues sous le contrôle des autorités légitimes […] Nous avons tué des milliers de militants et leurs commandants qui terrorisaient les civils depuis des années.»
Enfin, Wagner a accusé les forces occidentales d’avoir « pillé méthodiquement » les richesses naturelles du Mali. Toutefois, la SMP russe a aussi été accusée de « se payer sur la bête » en exploitant les réserves d’or du pays.
Wagner n’a fait aucune mention de ses pertes, notamment d’un revers majeur en juillet 2023, lorsque des rebelles touaregs ont tendu une embuscade à un convoi dans le nord du Mali.

Selon Al Jazeera, environ 1.500 combattants russes de Wagner opéraient au Mali en mars 2025 en soutien des Forces armées maliennes (FAMa).
Après la mort de son chef Evgueni Prigojine dans un « accident » d’avion après son soulèvement raté contre le Kremlin en 2023, le ministère russe de la Défense a créé l’Africa Corps, une organisation de volontaires qui dépend directement du ministère de la Défense, donc in fine du Kremlin…

Le bilan de Wagner

Les mercenaires de Wagner sont parvenus à ramener un certain calme dans la zone des trois frontières et à prendre plusieurs villes du nord.

Mais, ils ont procédé avec une telle brutalité que la majorité des Maliens du nord ont été poussés dans le camp séparatiste.

La prise du repaire touareg de Kidal en novembre 2023 a été le point d’orgue de l’action de Wagner mais aussi la limite de son expansion. Une fois cette ville tombée, les combattants du CSP-DPA (Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad) [NdA : qui deviendra le Front de libération de l’Azawad (FLA) fin 2024] se sont réfugiés au sud de la Mauritanie, et de façon moins prononcée en Algérie, ce pays n’acceptant d’accueillir que des civils désarmés.
Le reste des forces se sont cantonnés à Boughessa, In Afarak et surtout à Tinzawaten au nord-est du Mali, dernière bourgade avant l’Algérie la sœur jumelle de la localité algérienne de Tinzawatine.

Le tournant de Tinzaoutène

À la fin juillet 2024, le groupe CSP-DPA et les jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM – Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn, JNIM) ont affronté un convoi de 24 véhicules et environ 80 à 150 hommes du groupe Wagner près de Tinzaoutène.
Les forces du CSP-DPA, dirigées par Alghabass Ag Intalla, ont opposé une résistance acharnée.

Le 26 juillet, une tempête de sable a permis aux rebelles de se regrouper et de contre-attaquer.
Le 27 juillet, alors que les forces russo-maliennes se repliaient, elles sont tombées dans une embuscade du GSIM dirigé par Sedane Ag Hita et Abdorrahmane Zaza.

Le mouvement autonomiste a alors revendiqué la mort de 84 mercenaires de Wagner et de 47 soldats maliens ainsi que la capture de plusieurs prisonniers. Ils ont également saisi ou détruit de nombreux véhicules et équipements militaires, dont un hélicoptère Mi-24.
Il a reconnu de son côté la perte d’une dizaine de combattants et plusieurs blessés.
Cette défaite a été la plus lourde infligée au groupe Wagner en Afrique depuis son déploiement. Elle a mis en lumière les vulnérabilités de la coalition russo-malienne face à des forces rebelles bien organisées et connaissant parfaitement le terrain.

En octobre 2024, les FAMa-Wagner ont lancé un second assaut avec plus de moyens et d’hommes mais l’Algérie a averti Moscou de son opposition à cette opération devant se dérouler à sa frontière. Moscou a du renoncer pour ne pas se mettre en délicatesse avec son allié historique. La colonne d’une soixantaine de véhicules a rebroussé chemin à quelques kilomètres de Tinzawaten, les FAMa et Wagner abandonnant le terrain sans combattre.

En effet, si l’Algérie avait facilité l’arrivée du groupe Wagner au Mali en 2020, Alger avait ensuite dénoncé la « présence de mercenaires » au Sahel et en Libye.

Depuis la fin 2024, la situation sécuritaire s’est encore dégradée des affrontements s’intensifiant dans de vastes zones du Mali.
Bamako est encerclée par la katiba Macina, les attaques contre les bases des FAMa au Nord sont quasi quotidiennes. Pour compléter le tableau, l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) est passé lui aussi à l’offensive.
À noter que la SMP et les FAMa avaient été accusées de crimes de guerre dont le plus important a eu lieu fin mars 2022 lors d’un massacre commis à Moura, petite ville du centre du Mali qui a fait plus de 500 morts civils. Aujourd’hui, les frappes de drones touchent essentiellement des civils mais sont absentes pour assurer la défense des postes gouvernementaux menacés…

Wagner remplacé par l’Africa Corps

Dans les faits, dès janvier 2025, Moscou a décidé de remplacer Wagner par l’Africa Corps (ou Corps expéditionnaire russe – CER) composé de volontaires ayant signé un contrat avec le ministère de la Défense.
Un premier contingent est arrivé mi-janvier 2025 mais il a d’abord fait face au refus des autorités maliennes de cesser ses relations avec Wagner devenu l’épine dorsale de son armée.
L’Africa Corps s’est installé dans la région de Bamako pour former une première brigade blindée malienne et pour protéger la capitale et le quartier général des FAMa de Kati, au nord de Bamako.
Mais en juin, les effectifs de l’Africa Corps ont atteint le millier de combattants. Dans la réalité, de nombreux mercenaires et responsables de Wagner sont passés sous pavillon de l’Africa Corps dont Andreï Ivanov alias « Kep », Ruslan Zaprudsky alias « Rusich » et Alexander Kuznetsov alias « Ratibor ».

Il s’agit donc majoritairement d’un changement de pavillon et à terme, d’un renforcement de la présence russe. Un bombardier Su-24M serait d’ailleurs arrivé à Bamako en avril. Ses capacités de frappes air-sol sont supérieures à celles des Su-25 déjà déployés sur zone (sept tonnes d’emport contre quatre.)

Et la suite ?

Les groupes séparatistes et jihadistes commencent à s’unir. Un exemple est constitué par la célébration de la fête de l’Aïd le 30 mars 2025 qui s’est tenue en présence de l’émir du GSIM Iyadh Ag Ghaly et le tout-puissant Amadou Koufa, chef de la katiba Macina donné plusieurs fois pour mort.

Par ailleurs, des rumeurs courent quant à des négociations entreprises par Bamako pour se rapprocher du GSIM avec la possibilité de l’établissement futur d’un « émirat » au Nord-Mali dirigé de manière autonome par des jihadistes…

La présence de la Russie, même si elle est affaiblie au Mali, ne sera pas affectée sur le continent africain dans son ensemble puisque son influence s’étend sur plus de 15 pays.
Le Kremlin entend continuer à y jouer un rôle de premier plan pour s’assurer le soutien d’un maximum de pays du « Sud global. »