Israël à l’offensive

Dans la nuit du17 au 18 mars, Israël a mené les frappes les plus meurtrières sur la bande de Gaza depuis janvier, rompant ainsi un calme relatif depuis l’accord de cessez-le-feu du 19 janvier tout en bénéficiant d’un effet de surprise qui a permis de neutraliser des cadres de haut niveau qui avaient relâché leurs mesures de discrétion.
L’accord de cessez-le-feu de 42 jours entre Israël et le Hamas a conduit à la libération de 33 otages, dont huit décédés et à l’augmentation de l’aide humanitaire à Gaza. Il a expiré le 5 mars après l’échec des tentatives de prolongation.
Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré que le Hamas « a refusé à plusieurs reprises de libérer les otages [restants] et a rejeté toutes les propositions » avancées par l’envoyé américain Steve Witkoff et les médiateurs.
Le 12 mars, Witkoff a proposé un « accord-relais » à Doha pour prolonger la première phase du cessez-le-feu initial en trois phases jusqu’au 19 avril, en échange de la libération de cinq otages vivants et des dépouilles de dix otages décédés. Cependant, le 15 mars, il a déclaré que le Hamas avait réagi en « revendiquant publiquement sa flexibilité tout en formulant en privé des exigences totalement irréalisables sans un cessez-le-feu permanent. »
Le 18 mars soir, lors d’une allocution télévisée, le Premier ministre Netanyahou a expliqué que la reprise des opérations militaires était une « condition nécessaire » pour contraindre le Hamas à restituer les otages retenus en captivité depuis le 7 octobre 2023.
Dans les faits, il semble que le gouvernement israélien profite du soutien d la nouvelle administration Trump et de sa situation militaire écrasante dans la région pour détruire un maximum d’objectifs humains et matériels qui pourraient représenter un danger pour l’État hébreu dans les années à venir.

Alors que les attaques ont touché des dizaines de cibles, le ministère de la santé de Gaza, dirigé par le Hamas, porte à plus de 413 le nombre de victimes ces bombardements. Plus d’un millier de personnes ont été blessées. Des frappes plus modérées ont eu lieu les jours suivants mais – selon le Hamas – faisant monter le nombre de victimes à plus de 500 tués.
Cette opération militaire a été déclenchée après que l’armée israélienne a identifié « plus de 20.000 combattants du Hamas et du Jihad islamique » qui se seraient redéployés dans la bande de Gaza durant les deux mois de cessez-le-feu. Selon Tsahal, le Hamas préparait des attaques imminentes justifiant cette reprise des hostilités. Ces assertions sont vraisemblablement exagérées et ont servi de prétexte pour relancer les bombardements.
Mais il est un fait que les activistes armés palestiniens n’ont cessé depuis le cessez-le-feu de s’exhiber dans des uniformes et véhicules immaculés ce qui a permis aux services de renseignement israéliens d’acquérir de nouvelles cibles.
Ainsi, l’armée israélienne a neutralisé plusieurs hautes personnalités du Hamas et du Jihad islamique palestinien (JIP).
Parmi les victimes figurent Issam al Dalis, responsable des affaires gouvernementales, Yasser Harb et Muhammad al Jamasi, membres du bureau politique, Ahmed al Hatta, sous-secrétaire du ministère de la Justice , le général Mahmoud Abu Watfa, sous-secrétaire du ministère de l’Intérieur, et le général Bahjat Abu Sultan, directeur général du Service de sécurité intérieure.
Les Comités de résistance populaire, une organisation terroriste affiliée au Hamas, ont déclaré qu’une frappe aérienne israélienne avait tué Muhammad al Batran, commandant de leur unité d’artillerie et membre du Conseil central des brigades militaires du groupe.

Ainsi, Jamil Al-Wadiya Abou Omar, commandant le bataillon Shujaiya du Jihad Islamique a aussi été neutralisé.

L’armée israélienne a désormais annoncé des ordres d’évacuation pour tous les Palestiniens résidant dans les zones situées le long de la frontière de la bande de Gaza, déclarant : « L’armée israélienne a lancé une forte offensive contre les organisations terroristes. »

Le cabinet du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a bien précisé qu’Israël allait encore intensifier ses opérations militaires contre le Hamas.
Les bombardements sont désormais accompagnés d’opérations terrestres, Tsahal ayant repris le contrôle du corridor stratégique de Netzarim.

Le secrétaire général des Nations Unies António Guterres, a exprimé sa colère face aux frappes aériennes israéliennes à Gaza. « Je suis furieux des frappes aériennes israéliennes à Gaza […] J’appelle instamment au respect du cessez-le-feu, au rétablissement de l’aide humanitaire sans entrave et à la libération inconditionnelle des otages restants », a ajouté le secrétaire général de l’ONU.
Les bombardements en Syrie et au Liban
Il est moins question des frappes aériennes qui ont lieu presque quotidiennement au Sud-Liban et en Syrie pour détruire des stocks d’armes et de munitions pouvant servir au Hezbollah libanais.
Dans ce dernier pays, le régime actuel emmené par le Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui est en danger sur sa frontière libanaise et dans la province de Lattaquié n’a pas les capacités politiques et militaires de répliquer.
La question des tribus druzes et des Forces démocratiques syriennes emmenée par les Kurdes qui devraient être intégrées au sein du nouveau ministère de la défense avant la fin de l’année n’est pas totalement résolue malgré la signature médiatisée d’accords allant dans ce sens(1).
En février, des tensions ont de nouveau explosé le long de la frontière occidentale de la Syrie avec le Liban après d’intenses affrontements lorsque la nouvelle armée syrienne a déployé des renforts à Al Qusayr, dans l’ouest de Homs, pour réprimer les réseaux de contrebande et les groupes militants. Ces affrontements ont entraîné la mort de plusieurs militaires de la nouvelle armée syrienne, ainsi que de membres de tribus libanaises et de membres affiliés au Hezbollah.
La dernière vague de violences a éclaté le 16 mars, le ministère syrien de la Défense accusant le Hezbollah d’avoir infiltré le territoire syrien et tué trois soldats syriens. Le Hezbollah a cependant nié toute implication, affirmant n’avoir aucun lien avec les événements survenus à la frontière syro-libanaise. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a affirmé que les affrontements avaient débuté lorsque des membres de tribus libanaises ont combattu des membres de « Liwa Ali Bin Abi Taleb », une unité affiliée au ministère syrien de la Défense. Selon cette version des faits, un membre d’une tribu aurait été poignardé au cours des combats. Des soldats syriens auraient ensuite été attirés en territoire libanais, où ils auraient été pris en embuscade et tués. Les affrontements se sont concentrés dans deux zones clés le long de la frontière : la région entre Qasr, au Liban, et Matrabah, en Syrie, ainsi que Hawsh al Sayed Ali, un village syrien habité par des chiites libanais.
Bien qu’il soit situé en Syrie, Hawsh al Sayed Ali est généralement considéré comme un village libanais sous la juridiction du district libanais du Hermel.
La violence s’est intensifiée lorsque les villages de Qasr, Kouakh, Sahlat Ma et Hawsh al Sayed Ali ont été touchés par au moins 50 roquettes et obus de mortier. Ces attaques ont endommagé trois habitations civiles et une station-service, provoquant des déplacements massifs de population, notamment à Qasr et Hawsh al Sayed Ali.
La région de la Bekaa au Liban, frontalière avec la Syrie, abrite de puissantes tribus libanaises qui jouent un rôle important dans le tissu politique et social de la région et depuis son essor dans les années 1980, le Hezbollah n’a cessé d’étendre son influence dans cette zone en nouant des liens avec ces tribus, s’appuyant sur leurs hiérarchies traditionnelles pour renforcer sa présence.
Au fil du temps, les relations du Hezbollah avec ces tribus se sont renforcées, notamment dans le cadre d’activités comme les trafics d’armes et de drogue, sources de revenus essentielles du groupe suite au renforcement des sanctions internationales.
Parallèlement, les tribus ont conservé une certaine autonomie vis-à-vis de l’État libanais, profitant de la faiblesse des forces de sécurité et du manque de développement économique de la région.
Même si les membres des tribus ont agi indépendamment contre les forces syriennes, le Hezbollah a probablement au moins fourni un soutien militaire et logistique.
En réponse à l’escalade de la violence, l’armée libanaise a annoncé avoir contacté les autorités syriennes afin de maintenir la sécurité et la stabilité le long de la frontière.
Les Forces armées libanaises ont continué de déployer des renforts et des armes lourdes à la frontière, menant également une frappe aérienne sur une position d’artillerie syrienne à Hawsh al Sayed Ali.
Après deux jours de combats intenses, un cessez-le-feu a été conclu entre les ministères de la Défense libanais et syrien le 17 mars. Cependant, cet accord ne marquera probablement pas la fin des hostilités entre les forces syriennes, les membres des tribus libanaises et les combattants affiliés au Hezbollah.
Le nouveau gouvernement syrien semble déterminé à exercer un contrôle total sur cette frontière poreuse, témoignant d’une intolérance croissante à l’égard du Hezbollah et du projet régional plus vaste de l’Iran. Les tensions persistantes mettent en lumière le conflit entre les intérêts de l’État syrien et les ambitions du Hezbollah de faire de la frontière un corridor pour les livraisons d’armes iraniennes.
Les Houthis au Yémen

L’armée de l’air israélienne a annoncé avoir intercepté ces derniers jours des missiles lancés depuis le Yémen. Les Houthis, ont revendiqué une attaque, affirmant avoir tiré un « missile balistique hypersonique Palestine 2 » contre la base aérienne de Nevatim, dans le sud d’Israël, et que l’opération avait « atteint son objectif ». Le groupe a averti qu’il étendrait sa portée de tir « dans les heures et les jours à venir » si Israël ne cessait pas ses frappes aériennes à Gaza.
Parallèlement, les Houthis ont revendiqué le 19 mars leur quatrième attaque contre le groupe aéronaval USS Harry S. Truman en Mer rouge (présent sur zone depuis fin décembre 2024) membre central du « Carrier Strike Group 10 (CSG-10) » en 72 heures, malgré les frappes auxquelles ils sont soumis depuis plusieurs jours. Les médias houthis ont déclaré que les bombardements américains avaient touché les régions de Hodeida et d’Al-Salif la capitale Sanaa après que des dizaines de milliers de personnes ont manifesté le 18 mars scandant « mort à l’Amérique, mort à Israël ! » Selon le ministère de la Santé houthi, 53 personnes auraient été tuées et une centaine blessées le 15 mars,

Selon des sources saoudiennes, le navire iranien spécialisé dans le renseignement électromagnétique (SIGINT) Zagros qui évolue en Mer rouge depuis février aurait été coulé par l’armée américaine.
L’information a été démentie mais les Américains le soupçonne de transmettre la position de navires de l’US Navy aux Houthis afin qu’ils dirigent plus précisément leurs tirs.

Les Houthis ont ciblé le groupe aéronaval américain avec des missiles et des drones en mer Rouge après le début de la guerre de Gaza en octobre 2023 et jusqu’au cessez-le-feu de janvier 2025, affirmant leur solidarité avec les Palestiniens.

Ils avaient alors ciblé le porte avion USS Dwight D. Eisenhower du « Carrier Strike Group 8 » (CSG-8) alors sur zone.
En 2025, le lieutenant-général de l’armée de l’air américaine Alexus Grynkewich a déclaré aux journalistes qu’il était « difficile de confirmer » les attaques revendiquées par les Houthis car les rebelles manquaient leurs cibles « de plus de 100 miles » (160 kilomètres.)
Sur un plan purement technique, les Houthis ont très peu de chance d’atteindre des navires de guerre croisant dans la région car ils sont armés de systèmes d’alerte et de défense qui les mettent à l’abri des missiles et drones yéménites qui n’ont pas une technologie suffisante pour percer le rideau de protection.
Ils avaient menacé la semaine dernière(2) de renouveler leurs attaques contre les navires israéliens en raison du blocus de l’aide humanitaire imposé par Israël au territoire palestinien, déclenchant une réaction violente et des représailles américaines.
Une base de données créée par ACLED, un organisme de surveillance à but non lucratif, a montré plus de 130 attaques houthies contre des navires de guerre, des navires commerciaux et des cibles israéliennes et autres depuis le 19 octobre 2023.
Washington a promis de continuer à frapper le Yémen jusqu’à ce que les Houthis cessent d’attaquer les navires, le président américain Donald Trump avertissant qu’il tiendrait l’Iran responsable de toute nouvelle attaque menée par le groupe soutenu par Téhéran : « Chaque coup de feu tiré par les Houthis sera considéré, à partir de maintenant, comme un coup de feu tiré par les armes et les dirigeants de l’Iran et l’Iran en sera tenu responsable. »
Dans une lettre qu’il a envoyé au début mars à l’Ayatollah Ali Khamenei, le président Trump a donné un délai de deux mois pour parvenir à un nouvel accord sur le nucléaire…
Dans une interview télévisée sur Fox News, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a déclaré que : « sans l’Iran, il n’y a pas de menace Houthis de cette ampleur […] Ils ont créé ce monstre de Frankenstein, et maintenant ils peuvent le posséder. »
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a condamné les frappes américaines et a déclaré que Washington n’avait « aucune autorité » pour dicter la politique étrangère de Téhéran.
Les Nations Unies ont exhorté les deux parties à « cesser toute activité militaire » tout en exprimant leur inquiétude face aux menaces des Houthis de reprendre leurs attaques en mer Rouge.
1. Voir : « Accord entre Damas et les minorités Kurdes et Druzes » du 12 mars 2025.
2. Voir : « Les Houthis menacent de reprendre leurs frappes » du 11 mars 2025.