Le 11 mars, le groupe séparatiste Baloutches BLA (Baloch Liberation Army) le plus important après le BLF (Baloch Liberation Front) a revendiqué l'exécution de 50 otages à bord du train « Jaffer Express » qui avait été pris d’assaut dans la province de Nushki, dans le sud-ouest du Pakistan.

Le train transportait près de 450 passagers lorsqu’il a été attaqué par des combattants armés. Durant la phase initiale, six personnes ont été tuées dont le conducteur du train. Plusieurs bombes ont explosé près de la ville de Sibi détruisant la voie ferrée et bloquant ce train parti de Quetta pour rallier Peshawar.

Après une trentaine d’heures de combats, les forces de sécurité pakistanaises ont réussi à libérer environ 350 otages à l’occasion d’une vaste opération de sauvetage qui s’est soldée par des échanges de tirs nourris échangés avec les séparatistes. Les autorités pakistanaises ont rapporté que 32 à 35 insurgés avaient été tués lors des affrontements alors que la BLA n’en n’annonce que neuf.

29 membres des forces de sécurité auraient également été tués. Cependant, certains des assaillants, vêtus de « vestes explosives » se sont mélangés aux passagers compliquant les opérations de libération d’otages.

Le gouvernement pakistanais a déclaré que l’opération se poursuivait avec la recherche des passagers emmenés par leurs ravisseurs dans les montagnes avoisinantes. La situation restait extrêmement tendue car les autorités redoutent que d’autres attaques ne soient lancées sur d’autres objectifs, la tactique des assauts multiples ayant été largement employée ces derniers temps.

Les deux principaux groupes insurgés du Balouchistan – BLA et BLF – sont responsables de nombreuses attaques dans la province. La BLA évolue vers une stratégie de guerre urbaine, tandis que la BLF, dirigé par le Dr Allah Nazar Baloch depuis 2004, reste concentré sur la guérilla, les embuscades et les attaques contre des projets de développement, principalement à Awaran, Panjgur et Turbat. Le projet « nouvelle route de la soie » développé par la Chine qui doit passer par le Pakistan est particulièrement visé.

La BLA est notamment présente dans les centres ruraux et urbains, avec une forte concentration dans les zones ethniques baloutches telles que les districts de Makran, Kalat, Quetta, Sibi et Nasirabad dans la province du Balouchistan.

Les groupes insurgés exploitent à fond les réseaux sociaux pour diffuser leur propagande attisant le sentiment antiétatique et permettant de recruter de nouveaux adeptes.

Ils mènent désormais des attaques coordonnées, contrôlent les autoroutes et ciblent des groupes ethniques d’autres provinces, notamment du Pendjab. Les Pendjabis sont en effet considérés comme des « privilégiés » ce qui les désigne comme des cibles. Dans le cas du dernier attentat, les activistes les ont séparé des autres passagers et, soit les ont assassinés, soit les ont emmené avec eux en otages pour ensuite les « négocier »…

Dans ce pays musulman très pieux, les groupes insurgés recrutent désormais des femmes comme combattants – ce qui est formellement interdit par les textes sacrés de l’islam sauf dans le cas de légitime défense -. Comme Boko Haram au Nigéria et les « veuves noires » tchétchènes en Fédération de Russie, nombre d’attentats suicide sont commis par des femmes voire des très jeunes filles.

Par ailleurs, la classe instruite du Baloutchistan rejoint de plus en plus l’insurrection, poussée par un sentiment de marginalisation et de frustration lié aux disparités perçues en matière de développement et de droits fondamentaux entre sa province et le reste du pays.

Les campagnes sur les réseaux sociaux et les actions de sensibilisation du public ont entraîné une détérioration des relations entre l’État et la société, l’opinion publique se tournant de plus en plus vers la BLA et développant un sentiment favorable à son égard. De plus, le groupe insurgé semble chercher à se faire une place sur la scène politique provinciale, ce qui pourrait lui permettre d’acquérir une légitimité politique à long terme.

La lutte des séparatistes baloutches s’étend également à l’Iran voisin les combattants ne reconnaissant par la frontière(1).

(1) Voir : « Iran : la situation s détériore au Sistan-Balouchistan » du 6 octobre 2022.