La police italienne épaulée par des unités militaire a mené une vaste opération anti-mafia en Sicile le 11 février pour tenter de casser la reconstitution de Cosa Nostra qui centralise de nombreux groupes criminels siciliens sous l’autorité de la Coupole.

Cette opération qui a conduit à plus de 183 premières interpellations est considérée comme la plus importante depuis des années. Elle fait suite aux libérations de chefs mafieux survenues ces dernières années à la fin de leurs peines.

D’ailleurs, plusieurs « boss » qui avaient été libérés figurent parmi les personnes arrêtées. En particulier Tommaso Lo Presti, qui a passé 12 ans en prison avant sa libération en 2023. En 2024, il y avait eu un tollé lorsqu’il a été révélé que Lo Presti avait célébré ses noces d’argent dans une église de Palerme où le procureur anti-mafia Giovanni Falcone a été inhumé après avoir été assassiné en 1992 dans une explosion gigantesque sous sa voiture. Son épouse et trois gardes du corps sont également morts dans l’attentat. Ce meurtre avait été commandité par Toto Riina alors « Capo di tutti capi » qui présidait la Coupole.

Son confrère, le juge Paolo Borsellino, a lui aussi été assassiné la même année, toujours sur ordre de Toto Riina.

Il n’en était pas à son coup d’essai ayant fait exécuter en 1982 le général de carabinier Carlo Alberto dalla Chiesa, rendu célèbre par sa lutte contre les Brigades rouges. Lui, son épouse et son garde du corps étaient tombés sous les balles de tueurs mafieux alors qu’il venait d’être nommé préfet de Palerme.

Les opérations conduites à Palerme coordonnées par la Direction Anti-Mafia du District de Palerme dirigée par le procureur Maurizio de Lucia avec le chef de la Direction Nationale Anti-Mafia, Giovanni Melillo, visaient des clans de Palerme établis dans les quartiers de «Porta Nuova», «Pagliarelli», «Tommasotale Natale – San Lorenzo», «Santa Maria del Gesù» et «Bagheria».

Mais la pieuvre est toujours vivante

Des arrestations ont également eu lieu dans d’autres villes italiennes, les chefs d’accusation étant d’ « association de malfaiteurs de type mafieux, tentative d’assassinat, extorsion, commise ou tentée, aggravée par des méthodes mafieuses, association visant au trafic illicite de stupéfiants, complicité personnelle, délits liés aux armes, contre les biens, contre la personne, jeu illégal et autres ».

Mais les enquêteurs pensent que les « boss » qui sont toujours derrière les barreaux sont encore actifs utilisant des mini-téléphones cryptés qui leur ont été fournis clandestinement par le passé. La police a déclaré avoir découvert les transmissions cryptées en dissimulant des dispositifs d’écoute dans les maisons et les voitures des suspects et de leurs proches.

Cependant, les autorités ne seraient pas encore parvenue à casser certains codes ce qui limite leur capacité d’interprétation.

De plus, Cosa Nostra limite désormais au maximum les rencontres physiques entre mafieux notoires (donc surveillés par la police) en communiquant par différents moyens électroniques.

Selon La Repubblica, la police tente toujours de traquer les membres de chats qui portent des surnoms tels que Robert de Niro et Spider Man.

Rappel historique

Pendant plus de 100 ans, la Cosa Nostra a eu le contrôle des villes et villages locaux, extorquant des fonds aux entreprises et réalisant de gros profits grâce au trafic de drogue.

En 1993, le Capo di tutti capi Salvatore « Toto » Riina, avait été arrêté à Palerme (mort en détention en 2017). Il avait été remplacé par Bernardo Provenzano qui est resté en cavale durant 43 ans sans quitter longtemps la région de Corleone (il est mort en détention en 2016).

Enfin, le dernier haut responsable Matteo Messina Denaro est tombé en 2023 en se rendant dans une clinique pour se faire soigner d’un cancer dont il est mort la même année.

Pour lancer cette opération, la police a déclaré qu’elle avait pour but de réprimer une série d’infractions présumées allant de l’association mafieuse au trafic de drogue en passant par des tentatives de meurtre et d’agressions armées.

Selon les enquêteurs, la reprise progressive de Cosa Nostra a été, en même temps, la cause et l’effet de l’augmentation des revenus du crime organisé. Le système d’extorsion (le « pizzo ») est toujours au centre des activités de la mafia sicilienne, à la fois comme un outil permettant de contrôler des territoires et de faire rentrer de l’argent frais. Ainsi, de nombreux établissement touristiques dont des restaurant doivent payer des « assurances » pour protéger leurs activités. Même l’industrie de la pêche est traditionnellement touchée, souvent via les grossistes qui imposent leurs prix.

Le développement technologique apporte de nouvelles ouvertures à Cosa Nostra. En particulier, lesecteur des jeux et des paris numériques est une activité de plus en plus des plus rentable.

Cosa Nostra comme les trois autres grandes mafias italiennes, est toujours active dans l’immobilier et la santé. Elle profite de la vague écologique pour faire des affaires dans la vente de terrains pour y construire des parcs d’éoliennes – également souvent sous son contrôle – et le retraitement des déchets toxiques reste une activité traditionnelle.

Les autorités ont par le passé coupé de nombreuses tentacules de « la pieuvre » mais elles repoussent en permanence en s’adaptant rapidement à l’évolution de la société.

Réaction politique

La présidente du Conseil, Giorgia Meloni a déclaré sur X : «une opération extraordinaire menée aujourd’hui par les Carabiniers du Commandement Provincial de Palerme a conduit à l’arrestation de plus de 180 personnes, dont plusieurs chefs, portant un coup très dur à Cosa Nostra. […] Un résultat qui confirme l’engagement incessant de l’État dans la lutte contre le crime organisé ».

Il convient de souligner que Cosa Nostra fut combattue rudement à l’époque de l’Italie fasciste de Benito Mussolini. Il avait nommé Cesare Mori préfet de Palerme en charge d’éradiquer la mafia de Sicile. De nombreux mafieux émigrèrent vers les États-Unis où il renforcèrent la criminalité italo-américaine et créant « La Cosa Nostra ». Quand les troupes alliées débarquèrent en Sicile en 1943, ils s’appuyèrent sur la mafia italo-américaine via son deuxième Capo di tutti capi, Lucky Luciano.

Au fur et à mesure de la reconquête de l’Italie, les administrations locales furent remises par l’Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) à de nombreux responsables « en odeur de mafia » et surtout anti-communistes.

Le crime organisé est la principale menace pour les sociétés développées. La guerre indispensable contre ce phénomène mondial ne s’arrêtera jamais car ses capacités d’adaptation, d’infiltration et de corruption sont infinies

1. Voir : « LE CRIME ORGANISÉ EST PRÉSENT PARTOUT » du 22 janvier 2024.