Une fois de plus, le conflit russo-ukrainien démontre que lors des guerres de toutes intensités, les belligérants utilisent parallèlement des technologies de pointe et des inventions centenaires. Cela s’explique par le fait que les forces armées sont toujours sous-équipées en temps de paix et que les besoins de la guerre sont évolutifs en fonction des situations rencontrées, des consommations en munitions et des pertes en matériels. Ces deux derniers doivent être constamment renouvelés à la hausse. De plus, la mobilisation de contingents supplémentaires de recrues oblige à les équiper avant de les entraîner.

Cela a toujours été le cas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, même dans les conflits dits de « basse intensité » – ce qui n’était pas cas pour les guerres d’Indochine, de Corée, du Vietnam.

En Ukraine, les chars Abrams peuvent côtoyer des chars antique T-54/55 même si en réalité, les combats de chars restent extrêmement rares, les vieux matériels servant plus de canons d’assaut que comme des chasseurs de chars.

Il peut aussi être observé des drones FPV guidés par Starlink équipés de caméras thermiques armés de munitions datant des années 1950.

La cavalerie montée est aussi réapparue…

La logistique en arrière du front est assurée par une gamme variée de véhicules allant de charrettes tirées par des chevaux (comme pour les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale) à des véhicules électriques….

Des mitrailleuses Maxim modèle 1910 très appréciées durant la Première Guerre mondiale viennent compléter la défense anti-aérienne, particulièrement contre les drones russes.

Au début de l’invasion russe, les deux camps avaient des arsenaux similaires hérités de l’époque de la guerre froide – avec quelques modèles légèrement modernisé mais le noyau des deux armées était toujours basé sur l’armée soviétique des années 1980.

Toutefois, la Russie avait une avance dans les domaines des drones de reconnaissance, de la guerre électronique et de la capacité de frappe à longue distance avec des stocks de missiles de croisière et balistiques.

L’Ukraine, en revanche, avait des communications numériques mieux développées, ainsi que des armes antichars modernes fournies par l’Occident.

Le début de la guerre en Ukraine a ressemblé au départ à un affrontement entre deux armées soviétiques des années 1980.

Cependant, cette situation ne pouvait pas durer faute de matériels suffisants. En effet, le complexe militaro-industriel qui avait soutenu l’armée soviétique avait disparu depuis le démantèlement du pacte de Varsovie. Les deux camps ont dû racler les fonds de tiroirs des arsenaux avant de se tourner vers des solutions plus modernes.

Les signes de cette véritable régression technologique sont apparus quand les membres de la défense territoriale ukrainiens ont été équipés par les mitrailleuses Degtyarev de la fin des années 1920.

De leur côté, les miliciens des républiques populaires contrôlées par la Russie dans le Donbass soviétique ont reçu des casques SSh-68 et, dans certains cas, des Casques SSh-40 de la Seconde Guerre mondiale ainsi que des fusils à répétition Mosin-Nagant.

Les Russes handicapés par leurs télécommunications défectueuses ont été contraints d’acheter des talkies-walkies Baofeng chinois facilement interceptables.

Le développement des drones de reconnaissance s’est accéléré après l’offensive russe car les deux partis ont connu des pénuries de munitions d’artillerie – les stocks étant épuisés ou détruits par l’adversaire.

L’utilisation de drones tueurs a pallié à ces manques permettant la destruction de cibles ponctuelles parfois  légèrement blindées précédemment traitées par l’artillerie.

Les drones de reconnaissance, suicide ou de bombardement sont par la force des choses devenus incontournables. Les exemples syrien, libyen et arméno-azéri avaient servi de leçon.

C’est leur présence qui a empêché la concentration de grandes unités des deux côtés.

En l’absence d’un système de messagerie militaire sécurisé, les Russes se sont raccrochés à Telegram tandis que les Ukrainiens sont allés plus loin en utilisant le service Discord favoris par les joueurs en ligne, permettant des appels vidéo de groupe et visionnant en direct de multiples émissions de drones.

L’artillerie russe a été renforcée par l’apport d’obusiers D-20 récupérés du stockage, suivis par des modèles D-1 datant de 1943…

Le principal avantage de ce dernier était leur capacité à utiliser des obus d’artillerie obsolètes qui rouillaient dans les entrepôts depuis le milieu du XXe siècle. Les incidents ont été nombreux car, même pour les munitions, il y a des dates de péremption.

Les forces armées ukrainiennes, ainsi que l’artillerie occidentale, ont également mis en service des canons soviétiques D-44, développés en 1944, dont certains ont été installés sur des véhicules MT-LB, les transformant en canons automoteurs de fortune.

Au fil du temps, les deux parties ont bricolé des véhicules pour qu’ils portent des pièces d’artillerie.  L’avantage réside dans la rapidité de sortie de batterie par rapport à une pièce tractée. C’est une question de sécurité pour la pièce et les servants qui peuvent être la cible de tirs de contre-batterie…

Parmi les leçons qui seront tirées de cette guerre, c’est qu’il convient de ne pas se débarrasser trop vite de matériels jugés comme obsolètes même si leur conservation a un coût.

Durant la guerre froide, l’armée française – avec toutes les lacunes qui ont été maintes fois été décrites – était tout de même capable de mobiliser des unités de réserve qui nourrissaient en particulier le Défense Opérationnelle du Territoire. Ces régiments couplés à des unités d’active (composés majoritairement d’appelés du contingent) récupéraient dans des centres de mobilisation des vieux GMC, des jeeps willys et les réservistes étaient armés de fusils Mas 36 et de FM 24×29 (et certes de PM Mat 49.) Mais cela semblait utile pour garder les points sensibles de l’arrière contre des attaques éventuelles de Spetsnaz du Pacte de Varsovie épaulés par des activistes de la « 5ème colonne ». Cette DOT créée en 1967 a été démantelée en 1984 mais remplacée principalement par des éléments de gendarmerie.

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Texte

Alain Rodier