Les États-Unis se sont dits troublés par l’annonce faite le 6 octobre par l’ambassadeur Mikhaïl Oulianov, représentant russe auprès de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) sise à Vienne en Autriche selon laquelle Moscou reviendrait sur sa ratification d’un traité de 1996 interdisant les essais d’armes nucléaires.

L’annonce d’Oulianov a alimenté les tensions entre les plus grandes puissances nucléaires du monde, dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine alors que les États-Unis soutiennent Kiev.

À savoir qu’Oulianov a déclaré sur les réseaux sociaux que « la Russie envisage de révoquer la ratification (qui a eu lieu en 2000) du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) […] L’objectif est de retrouver sur un pied d’égalité avec les États-Unis qui ont signé le traité mais ne l’ont pas ratifié. » Il a toutefois précisé que « la révocation ne signifie pas l’intention de reprendre les essais nucléaires ».

Il convient de souligner que même si Washington a signé mais n’a pas ratifié le TICE, les États-Unis observent un moratoire sur les explosions expérimentales d’armes nucléaires depuis 1992.

En réponse à l’annonce de la Russie, le Département d’État américain s’est dit « perturbé » par cette décision. Un porte-parole du département d’État américain a publié un communiqué disant : « une telle démarche, prise par n’importe quel État partie, met inutilement en danger la norme mondiale contre les essais d’explosions nucléaires ». Et de poursuivre : la Russie ne devrait pas « utiliser le contrôle des armements et une rhétorique nucléaire irresponsable dans une tentative infructueuse de faire pression sur d’autres États » suggérant que le projet de Moscou était d’influencer des pays qui soutiennent l’Ukraine dans sa lutte contre les forces russes.

La déclaration d’Oulianov intervient un jour après que le président russe Vladimir Poutine ait déclaré que Moscou pourrait réévaluer sa ratification du traité. S’exprimant le 5 octobre lors d’un forum réunissant des experts en politique internationale, il a relevé  que les États-Unis avaient signé mais pas ratifié le traité de 1996 tandis que la Russie s’était exécutée. Il avait suggéré que la Russie pourrait ajuster sa position pour refléter celle des États-Unis : « en théorie, nous pourrions révoquer la ratification […] C’est aux membres de la Douma d’État de décider ».

Les USA ont effectué 1125 essais nucléaire, l’URSS 720 (pour mémoire, la France 210).

À la suite de ces déclarations, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté « tous les États dotés d’armes nucléaires à réaffirmer publiquement leurs moratoires sur les essais nucléaires et leur engagement en faveur du TICE ».

Robert Floyd, directeur exécutif de l’OTICE qui contrôle le respect du pacte, a déclaré dans un communiqué qu’il serait « préoccupant et profondément regrettable qu’un État signataire reconsidère sa ratification du TICE […] La Fédération de Russie a constamment réaffirmé son ferme soutien au TICE depuis sa création, en aidant à négocier le traité au sein de la Conférence du désarmement, en le signant le jour de son ouverture à la signature, le 24 septembre 1996, et en le ratifiant en juin 2000 […] Le TICE a établi une norme puissante contre les essais nucléaires et apporte une contribution inestimable à la paix et à la sécurité internationales, pour le bien de l’humanité. Il est plus important que jamais de renforcer cette contribution ».

Il est évident que le geste politique du président Poutine (la Douma ne faisant que suivre ses instructions) constitue une sorte de chantage vis-à-vis de ses adversaires, États-Unis, Grande Bretagne et France, mais aussi un rappel à l’« allié » chinois – qui a signé l’accord en 1996 mais ne l’a jamais ratifié et accessoirement à la Corée du Nord qui n’a rien signé du tout.

Si dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine, de nombreuses options nucléaires ont déjà été mises sur la table (emploi d’armes « tactiques »), il y en a une qui a été négligée : si dans l’avenir la situation tourne mal pour la Russie, Moscou pourrait se réserver le droit de procéder à un essai nucléaire à titre d’« avertissement ». La possible sortie de l’accord TICE peut être l’annonce de cette nouvelle carte à jouer.

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Texte

Alain Rodier