L’explosion qui a détruit vers 05 H 00 du matin le dimanche 11 avril l’approvisionnement électrique du site nucléaire de Natanz en Iran est attribuée par de nombreux observateurs au Mossad même si la méthode employée reste pour le moment inconnue (sauf des Israéliens, des Iraniens et sans doute des Américains que l'Etat hébreu est bien obligé d'informer).

Est-ce une attaque informatique qui a conduit à cette explosion ou le Mossad a-t’il employé une méthode plus classique – la pose de charges explosives au bon endroit) mais extrêmement difficile à mettre en place sur un site aussi protégé que celui de Natanz ?

Un raid aérien, tout en restant une option possible, reste très improbable en raison des distance à parcourir au dessus de pays étrangers sans être détecté et de la précision nécessaire pour obtenir l’effet voulu. Ce qui semble certain, c’est que les Israéliens avaient une connaissance approfondie des installations top-secret iranienne car ils ont visé au bon endroit et au bon moment !

En effet, le président Hassan Rohani avait lancé la veille de ce sabotage – et à grands renforts de publicité – la production d’une ligne de 164 centrifugeuses « IR-6 » installées au sein du complexe nucléaire de Natanz qui devaient servir à augmenter le stock d’uranium enrichi produit par l’Iran. Déjà en janvier, l’enrichissement avait été porté à 20% (contre les 3,67% autorisés…).

Il avait aussi procédé au lancement de l’alimentation en gaz d’uranium de deux autres cascades de 30 « IR-5 » et de 30 « IR-6s » pour les tester. Il avait également donné le coup d’envoi d’essais devant permettre de vérifier la « stabilité mécanique » d’« IR-9s », la dernière génération de centrifugeuses iraniennes.

Toute cette technologie avait pour but d’enrichir de l’uranium plus rapidement et en quantité plus importante que les centrifugeuses de première génération « IR-1 » qui sont les seules à être autorisées par l’accord de Vienne pour la production d’uranium. En matière de recherche et développement, ce même accord permet à l’Iran à tester un nombre limité d’« IR-4 » et d’« IR-5 ». Les mesures présentées par Rohani allaient donc à l’encontre des engagements pris par Téhéran dans le cadre du « Joint Comprehensive Plan of Action » (JCPOA) de 2015.

Bien que les autorités iraniennes prétendent que les dégâts sont mineurs, selon les experts internationaux, la remise en état du site pourrait prendre de neuf mois à un an.

L’attaque a été ressentie comme une véritable humiliation par l’Iran. Déjà, Téhéran a déclaré officiellement à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que l’enrichissement de l’uranium va être porté à 60% avec deux cascades d’« IR-4 » et d’« IR-6 » sur le site de Natanz ! C’est sans doute de la propagande mais cette option est désormais sur la table… Cela va aussi permettre aux durs du régime d’en tirer profit lors de l’élection présidentielle de juin.

Ce sabotage intervient également juste après du lancement des pourparlers au début avril à Vienne entre Washington et Téhéran, via les signataires européens de l’accord JCPOA.

Mais le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait prévenu : « Je n’autoriserai jamais l’Iran à obtenir la capacité nucléaire qui lui permettrait de mener à bien son objectif génocidaire d’éliminer Israël ».

Le site de Natanz avait déjà attaqué dans le passé par le fameux virus stuxnet puis une nouvelle fois en 2020 avec une explosion survenue sur les installations en surface. Ces sabotages vont dans la continuité de la guerre secrète menée par Israël destinée à entraver l’effort nucléaire et balistique iranien : sabotages d’installations sensibles, assassinats ciblés de scientifiques, etc.

Un incident surprenant est survenu au porte-parole du ministère de l’énergie, Behrouz Kamalvandi, qui visitant le site endommagé après l’explosion, serait tombé d’une hauteur de sept mètres. Le port du casque lui aurait sauvé la vie mais, gravement blessé, il est hospitalisé. Cela n’a vraisemblablement rien à voir avec ce qui a été évoqué ci-avant mais…

Sur le plan politique, Israël qui se considère comme en guerre contre l’Iran, n’a pas l’intention de laisser les États-Unis revenir sur la politique de « sanctions maximum » initiée par l’administration Trump. Son action est destinée à pousser en avant les radicaux iraniens avec lesquels il sera impossible de discuter d’une manière ou d’une autre. L’option optimale serait une frappe aérienne de tous les sites nucléaires iraniens connus mais cela serait alors le déclenchement d’une guerre régionale dans laquelle aucun acteur (en dehors d’Israël) ne semble vouloir s’engager. On sait quand une guerre commence, pas quand et comment elle se termine!

Enfin, sans être trop pessimiste et surtout sans regretter l’ère Trump, depuis que l’administration Biden est au pouvoir, les risques de guerre semblent se multiplier chacun accusant l’autre d’être à l’origine de provocations « intolérables » :
. l’Iran qui se sent obligé de réagir au sabotage de Natanz (qui sabote surtout le timide rapprochement de Washington vers Téhéran),
. l’OTAN qui veut répondre à la « menace russe » aux frontières de l’Ukraine et en Crimée et Moscou qui affirme être prêt à se défendre contre toute intervention de l’OTAN sur zone,
. les risques d’incidents navals en Mer de Chine qui sont en augmentation car les gesticulations des navires de guerre sont de plus en plus nombreuses,
. les Américains qui quitteront l’Afghanistan d’ici le 11 septembre et cela va être la curée pour les talibans.
Pour l’instant, seule l’Europe du Nord et l’Arctique ne participent pas activement à cette montée des tensions comme c’était devenu une habitude…

Il semble que le président Joe Biden a senti le danger puisqu’il a proposé à son homologue russe, Vladimir Poutine, de le rencontrer dans un pays tiers dans les prochains mois… Il serait judicieux que ce soit dans les toutes prochaines semaines. Il serait peut-être bon qu’il fasse la même chose avec Xi Jinping.
Et pendant ce temps là, l’Union européenne regarde et fulmine tout en se chamaillant sur des questions protocolaires…

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Texte

Alain Rodier

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