En 2021, le président Centre africain Faustin-Archange Touadéra a fait appel à la société militaire privée Groupe Wagner pour assurer sa garde rapprochée et pour participer au rétablissement de la stabilité du pays. La coopération et l’aide économique françaises ont alors cessé à sa demande.

Il a organisé un référendum portant l’établissement d’une nouvelle Constitution. Le vote est prévu le 30 juillet 2023. Si le oui l’emporte, le nombre de mandats  présidentiels ne sera plus limité et leur durée sera portée de cinq à sept ans. Cela permettra à ce docteur en mathématiques doublement diplômé (Lille-1 et Yaoundé) de se représenter en 2025 et peut-être de devenir président « à vie ».

Des forces supplémentaires de Wagner sont arrivées en juin à Bangui, la capitale de la RCA, pour assurer la sécurité du référendum dont le résultat est connu à l’avance. Officiellement selon la chaîne Wagner Telegram, les mercenaires ne sont déployés qu’en soutien des forces de l’ordre locales.

Une carte décrivant la situation le 23 mai 2023 en RCA indique qu’une partie du territoire du pays reste hors du contrôle du gouvernement. Cela interroge sur la légitimité du référendum mais cela ne semble pas être un des soucis du gouvernement.

Selon l’ambassadeur de Russie en RCA, Alexander Bikantov, à la mi-juillet le nombre de « conseillers russes » (sans préciser les « officiels » et ceux de Wagner) était de 1.890 dans le pays. Par ailleurs, il a confirmé qu’il y avait eu une récente rotation de personnels.

Le rapprochement du président Touadéra avec Moscou a des conséquences dans sa politique étrangère, puisqu’il est l’un des chefs d’État à apporter reconnaitre l’indépendance des républiques populaires de Donesk et Lougansk en février 2002. La RCA s’est abstenu lors des votes condamnant à l’ONU l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

En plus d’aider le gouvernement à établir le contrôle des territoires, les Russes sont activement impliqués dans la sécurisation des ressources en métaux précieux, en bois rare et aussi en or. Ils ont obtenu de droit d’exploitation sur certaines d’entre-elles. De plus, ils se sont aventurés dans la production d’alcool dans le cadre de leurs activités.

Il est à noter que Sergueï Chubko alias « Pioneer », l’ancien chef des opérations de Wagner en République centrafricaine aurait pris le commandement de la base Asipovichy en Biélorussie.

Le nom de son remplaçant n’est pas connu (de l’auteur).

Cet individu de 47 ans a servi dans les troupes aéroportées russes de 1944 à 2002.

À partir de 2003, il est devenu président de la commission des affaires de la jeunesse dans l’administration de Novorossiysk. En 2005, il a été nommé chef adjoint de l’administration d’Okrug. Dès 2014, on le retrouve à la tête de la Société cosaque de la ville de Novorossiysk spécialisée dans la sécurité avec Gennady Vidergold, Oleg Kolesnikov et Leonid Nazarov.

Il quitte cette entreprise en 2021.

Entre-temps, il a rejoint Wagner le 26 janvier 2017 et a servi en Syrie où il a fait partie du groupe qui a tenté de prendre un champ pétrolier près de Deir-Ez-Zor en 2018. Les mercenaires de Wagner ont alors été durement étrillés par des frappes aériennes américaines.

Il est retourné en Russie en 2020 où il a occupé des emplois dans des entreprises de logistique et de sécurité. Il est revenu en Syrie mais le 2 juillet 2021, il s’est retrouvé chef des opérations de Wagner en République centrafricaine.

Compte tenu des succès de Wagner en République centrafricaine, en particulier dans la répression de la rébellion et de l’opposition, leurs perspectives dans le pays devraient encore s’améliorer une fois la constitution modifiée.

Leurs capacités d’envoyer des forces importantes et facilement disponibles est un atout pour le Kremlin. Il est possible qu’elles poursuivent leur expansion à travers toute l’Afrique subsaharienne. À noter que pour l’instant, rien ne dit que Moscou est lié au coup d’État qui est survenue au Niger (que le Kremlin a d’ailleurs condamné). Mais des « appels à la Russie » commencent à apparaitre lors de manifestations soutenant les putschistes. Reste à savoir ce que feront les nouveaux dirigeants à Niamey.

La politique russe en Afrique

Les opérations de la SMP Wagner sont à intégrer dans la politique menée par le Kremlin en Afrique qui est très offensive. Comme ailleurs, la Russie cherche se faire de nouveaux « alliés » ou au moins à obtenir une neutralité bienveillante dans l’affrontement – pour le moment indirect – qui l’oppose aux pays occidentaux emmenés par les États-Unis.

Début 2023, le ministre des Affaires étrangères russe Sergeï Lavrov, a mené coup sur coup deux tournées africaines.

Le forum Russie-Afrique des 27 et 28 juillet a lieu alors même que Moscou vient de se retirer de l’accord permettant l’exportation de céréales ukrainiennes par la mer Noire. Mais la Russie a assuré qu’elle était prête à offrir ses céréales gratuitement aux pays africains qui en ont le plus besoin pour combler les produits ukrainiens.

Le président Poutine a précisé : « Notre pays est en mesure de remplacer les céréales ukrainiennes à la fois sur une base commerciale et sous la forme d’une aide gratuite aux pays africains les plus nécessiteux […] D’autant plus que nous nous attendons à nouveau à une récolte record cette année […]  Pour être précis, je dirais que dans les prochains mois, dans les trois à quatre prochains mois, nous serons prêts à fournir gratuitement au Burkina Faso, au Zimbabwe, au Mali, à la Somalie, à la République centrafricaine et à l’Érythrée 25 000 à 50 000 tonnes de céréales, et nous assurerons également la livraison gratuite de ces produits aux consommateurs ».

Les délégations de 49 pays africains dont 17 chefs d’État (contre 43 au sommet de Sotchi en 2019) ont fait le déplacement. Une surprise, la venue du président camerounais Paul Biya qui ne s’était jamais rendu en Russie en 41 ans de pouvoir.

Pourtant derrière le rideau médiatique tendu, la solution n’est pas aussi idyllique que la Russie voudrait le faire croire.

Ainsi, les échanges commerciaux demeurent faibles entre Moscou et le continent africain.

Depuis que l’ « opération spéciale » en Ukraine s’est enlisé et alors que les sanctions occidentales fragilisent l’économie de la Russie, ses capacités réelles d’engagement financier vis-à-vis de l’Afrique interrogent.

Certes, ces dernières années, Moscou a annoncé le renforcement de ses partenariats militaires avec de nombreux pays dont le Cameroun, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud, la Centrafrique ou bien encore le Mali mais cela reste pour l’instant limité.

Outre le domaine sécuritaire, la Russie entretient effectivement un important partenariat agricole avec le continent africain dont elle est le premier fournisseur de blé au monde.

Pour les Africains, la question aujourd’hui est de savoir si la Russie est encore en capacité de mener des investissements car elle n’est plus aussi puissante financièrement qu’elle ne l’était lors du sommet de Sotchi de 2019.

Chose étrange, le patron de Wagner Prigojine est réapparu en marge du sommet de Saint-Pétersbourg saluant le représentant de RCA, Freddy Mathurin Mapouka, dans les couloirs de son hôtel…

De même, Viktor Bout, le légendaire trafiquant d’armes russe a aussi été photographié lors d’une table ronde portant sur « les nouvelles routes logistiques Russie-Afrique »…

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Texte

Alain Rodier