À l'issue du 32e sommet annuel de la Ligue arabe qui compte depuis le 20 novembre 1993 22 États membres (1), organisé par l'Arabie saoudite le 19 mai, une déclaration conjointe finale a été publiée en ces termes : « nous appelons à mettre fin à l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures des pays arabes et rejetons catégoriquement tout soutien à la formation de groupes armés et de milices en dehors du cadre des institutions de l'État ».

Le moins que l’on puisse constater, c’est que toutes les puissances étrangères sont visées (Occident, Israël, Russie, Chine) mais que les sous-entendus pointe plus directement Washington et ses alliés les plus proches.

Il a également été souligné que l’occupation israélienne de la Palestine reste « l’un des facteurs clés de stabilité dans la région » et condamne « dans les termes les plus forts les pratiques et les violations visant les Palestiniens dans leur vie, leurs biens et leur existence » tout en appelant à la formation d’un État palestinien souverain « sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale ».

La déclaration salue la décision prise par les dirigeants régionaux d’accueillir à nouveau la Syrie dans la Ligue arabe : « nous soulignons l’importance de continuer à intensifier les efforts panarabes visant à aider la Syrie à surmonter sa crise conformément aux efforts arabes conjoints et aux relations fraternelles qui unissent tous les peuples arabes ».

Lors de son discours de clôture à la fin du sommet, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman (MBS) a souligné que la région ne devait pas se transformer en zone de conflit et a rassuré les participants sur le fait que la « paix mondiale » était proche.

Il a également espéré que « le retour de la Syrie dans la Ligue arabe mènera à la fin de sa crise ».

MBS est vraiment à l’œuvre pour une véritable « révolution régionale. » On le voit avec la réouverture des relations avec Téhéran, Damas et dans les rapports qu’il tente d’équilibrer entre les grands acteurs internationaux. Cela dit, les observateurs locaux estiment que les « grandes décisions » – comme la normalisation avec Israël –  ne seront prises qu’après son accession au trône et qu’aujourd’hui, il s’agit d’une phase préparatoire.

Plus tôt dans la journée, il avait personnellement accueilli le président Bachar el-Assad marquant officiellement la fin de l’isolement de la Syrie au Proche-Orient après 12 ans de guerre civile.

Le Premier ministre algérien, Ayman Benabderrahmane, a déclaré pour sa part : « je voudrais chaleureusement souhaiter la bienvenue à la Syrie à son siège parmi ses frères ».

Enfin, Bachar el-Assad a dit : « aujourd’hui, nous sommes confrontés à une opportunité de changer la situation internationale qui apparaît sous la forme d’un monde unipolaire, résultat de la domination de l’Occident, dépourvu de toute éthique et de tous principes […] nous sommes unis contre le mouvement des ténèbres » faisant référence aux groupes armés qui dominent l’opposition syrienne dont certains ont reçu dans les années passées le soutien d’États membres de la Ligue arabe dont l’Arabie saoudite et le Qatar.

Un invité inattendu au sommet a été le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui est arrivé dans un avion de la République française pour s’adresser aux personnes présentes dans ce que certains observateurs régionaux ont qualifié de« pause de divertissement ».

Lors de son discours, le dirigeant ukrainien a évoqué l’histoire d’invasion et d’occupation du monde arabe en affirmant que son pays « ne se soumettra jamais à aucun étranger ou colonisateur […] Malheureusement, il y en a dans le monde et ici, parmi vous, certains qui ferment les yeux … […] Je suis ici pour que tout le monde puisse jeter un regard honnête, peu importe à quel point les Russes essaient d’influencer, il doit toujours y avoir l’indépendance ». 

MBS qui avait rencontré Zelensky plus tôt a parlé pour sa part de « la volonté du royaume de poursuivre les efforts de médiation entre la Russie et l’Ukraine », ajoutant qu’il « soutiendrait tous les efforts internationaux visant à résoudre politiquement la crise d’une manière qui contribue à la sécurité ».

Il est à remarquer que de nombreux responsables politiques proposent leurs services pour jouer les médiateurs entre Moscou et Kiev : l’Arabie saoudite, la Turquie, un groupe de pays africains constitué de l’Afrique du Sud, du Sénégal, de la Zambie, du Congo, de l’Ouganda et de l’Égypte (2). Ils peuvent le faire car ils ne se sont pas rangés dans un des deux camps et en conséquence sont aussi bien reçus dans les deux capitales.

D’ailleurs, pour bien marquer son indépendance après le passage du président Zelensky, le Royaume a reçu le 22 mai le ministre de l’intérieur russe Vladimir Kolokoltsev qui a « échangé » avec son homologue, le Prince Abdulaziz bin Saud.

Mais, en ce qui concerne l’Ukraine, en l’état actuel de la situation il est peu probable qu’ils parviennent à un résultat tangible sur le terrain tant la parole est encore donnée aux armes.

Au sein même de la Ligue arabe, certains pays soutiennent la Russie et ont fait un accueil glacial au président ukrainien dont l’Algérie.

1. Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Comores, Djibouti, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Oman, Palestine, Qatar, Somalie, Soudan, Syrie (suspendue en 2011, puis réadmise en 2023), Tunisie et Yémen.

2. Voir : « Les États-Unis accusent l’Afrique du Sud d’avoir livré des armes à la Russie » du 17 mai 2023.

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Texte

Alain Rodier