Un sommet conjoint de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), s’est tenu à Riyad le 11 novembre 2023 pour traiter de la question de la guerre de Gaza.

La fusion de deux évènements initialement prévus séparément, avait été demandée par la moitié des ministres des affaires étrangères de l’OCI. Cette condition a frustré la demande palestinienne que le sommet arabe d’urgence soit distinct du sommet de l’OCI afin de concentrer toute l’attention sur l’offensive israélienne à Gaza.

Mais ce sommet a donné lieu à une rencontre historique entre le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane (MBS) et le président iranien Ebrahim Raïssi – la première depuis que les deux pays ont rétabli leurs relations diplomatiques en mars 2023. Ces dernières avaient été rompues après le saccage de l’ambassade saoudienne à Téhéran par des « émeutiers » à la suite de l’exécution le 2 janvier 2016 par Riyad de l’ayatollah Nimr Baqr al-Nimr, la plus haute autorité chiite dans le royaume.

En ouverture du sommet, Mohammed ben Salmane déploré la « catastrophe humanitaire » en cours à Gaza, témoignant de « l’échec du Conseil de sécurité [de l’ONU] et de la communauté internationale à mettre fin aux violations flagrantes par Israël des lois et normes internationales ».

De son côté, Ebrahim Raïssi a réclamé « l’arrêt immédiat des combats à Gaza sans conditions préalables, la levée du siège du territoire, et l’ouverture complète du poste frontière de Rafah, à la frontière égyptienne », afin de permettre l’entrée de l’aide humanitaire. Pour lui, « il ne fait aucun doute que les États-Unis sont aux commandes et sont partenaires dans cette guerre […] Ils apportent un soutien et une assistance sans précédent à Israël et portent l’entière responsabilité de ce crime ».

Selon le Wall Street Journal, si Riyad et Téhéran « sont tous deux opposés à la campagne de bombardements israélienne, ils restent en désaccord sur un certain nombre de questions, notamment le soutien de l’Iran au Hamas et à d’autres groupes armés dans la région ».

Selon le journal italien la Republica, « derrière les déclarations officielles, le sommet de Riyad éclaire une fois de plus les lignes de fracture qui divisent la Ligue arabe en interne et vis-à-vis de Téhéran […] Sur un point surtout : la solution à deux États, que le président iranien Raïssi rejette, parlant plutôt d’un devoir historique des musulmans d’‘armer la résistance [des Palestiniens]’ ».

Le quotidien espagnol El Pais souligne que les participants n’ont pas non plus réussi à s’entendre sur d’éventuelles sanctions « pour faire pression sur l’État hébreu et le reste de la communauté internationale […] Un groupe de pays, parmi lesquels l’Algérie, était favorable à la rupture des liens diplomatiques avec Israël et à l’utilisation du pétrole et des liens économiques pour faire pression. [Mais d’autres pays] qui ont normalisé les relations avec Israël ces dernières années, comme les Émirats arabes unis, préféraient maintenir ouverts les canaux de communication ».

Hashem Ahelbarra, journaliste à Al-Jazeera parle d’« énormes différences et divisions entre les principaux acteurs [d’un sommet] qui avait juste pour but de présenter un semblant d’unité ». Pour lui, à la lecture du communiqué final, « vous avez l’impression que les dirigeants arabes et musulmans ne disposent pas des mécanismes nécessaires pour imposer un cessez-le-feu et un couloir humanitaire ».

La résolution  élaborée par les dirigeants nationaux des 31 pays représentés a souligné la nécessité d’une paix juste et durable fondée sur la solution des deux États (refusée par Téhéran ; le président iranien n’est d’ailleurs pas présent sur la photo de groupe fournie par Riyad).

Elle demande à la communauté internationale de tenir le gouvernement israélien responsable de ses actes et de protéger les droits du peuple palestinien.

Rejetant toute tentative visant à qualifier les attaques israéliennes de « légitime défense », la résolution exige que le Conseil de sécurité des Nations Unies prenne une décision contraignante de mettre fin à l’agression et de limiter l’« occupation coloniale » israélienne, qui a systématiquement violé le droit international, et diverses résolutions de l’ONU.

La résolution demande à la communauté internationale de reconnaître qu’Israël est une puissance occupante, avec toutes les conséquences qui en découlent en droit international humanitaire.

Note de l’auteur : le même jour, les États-Unis ont été l’un des six pays des 192 membres des Nations Unies à voter contre une résolution appelant à la fin de la colonisation israélienne illégale des territoires saisis par la force militaire en violation du droit international.

La résolution condamne fermement la destruction barbare par les Israéliens des hôpitaux dans la bande de Gaza et le blocus imposé à la région, qui a coupé les approvisionnements essentiels tels que les médicaments, la nourriture et le carburant, ainsi que l’électricité, l’approvisionnement en eau et les services de base.

Pour faire face à la crise humanitaire à Gaza, la résolution appelle à la rupture du siège et à l’entrée immédiate des convois internationaux d’aide humanitaire.

La résolution exprime sa solidarité avec la République arabe d’Égypte et ses efforts pour faire face à l’agression israélienne contre Gaza. Il appuie les initiatives de l’Égypte visant à fournir une aide immédiate, durable et adéquate.

Reconnaissant la nécessité de rendre des comptes, le projet de résolution demande au Procureur général de la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête immédiate sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par Israël contre le peuple palestinien dans tous les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est.

Il charge également la création d’une unité spécialisée de surveillance juridique sous la supervision de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique pour documenter les crimes israéliens dans tous les territoires palestiniens.

La résolution apporte son appui au procès intenté par l’État de Palestine pour que les autorités d’occupation israéliennes soient responsables de leurs crimes, y compris le processus d’avis consultatif de la Cour internationale de Justice.

Afin de dénoncer les pratiques illégales et inhumaines des autorités d’occupation, la résolution demande également la création d’une unité conjointe de surveillance des médias par les deux secrétariats de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique.

La résolution dénonce fermement deux poids, deux mesures dans l’application du droit international, avertissant que cette duplicité sape la crédibilité des États qui protègent l’État israélien de rendre des comptes.

Condamnant le déplacement d’environ 1,5 million de Palestiniens dans la bande de Gaza, qui constitue un crime de guerre en vertu de la quatrième Convention de Genève, la résolution demande aux États parties à la convention de condamner et de rejeter collectivement cette loi.

Le texte rejette catégoriquement toute tentative de transfert forcé individuel ou collectif, de déplacement forcé, d’exil ou de déportation du peuple palestinien, qu’il s’agisse de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem vers toute autre destination. Ces actions doivent être considérées comme des lignes rouges et des crimes de guerre.

Il condamne également l’emprisonnement abusif de milliers de Palestiniens par les Israéliens.

S’agissant des actes et des paroles de haine extrémiste et raciste commis par les ministres au sein du gouvernement d’occupation israélien, la résolution condamne expressément la menace d’un ministre israélien d’utiliser des armes nucléaires contre des Palestiniens, qu’il a considéré comme une grave menace à la paix et à la sécurité internationales.

La résolution demande qu’une conférence soit organisée en vue de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient et d’élimination de toutes les armes de destruction massive dans la région, dans le cadre des efforts déployés par l’ONU pour faire face à cette menace.

Il condamne également le meurtre de journalistes, d’enfants et de femmes, ainsi que le fait de prendre pour cible des auxiliaires médicaux lors des attaques israéliennes contre la bande de Gaza et le Liban. La résolution suscite des préoccupations au sujet de l’utilisation par des militaires de phosphore blanc interdits par la communauté internationale et demande que l’on enquête sur l’utilisation d’armes chimiques par les autorités israéliennes.

L’une des principales dispositions de la résolution appelle tous les pays à cesser d’exporter des armes et des munitions au profit des autorités d’occupation, qui sont utilisées par l’armée israélienne et les colons terroristes pour perpétrer la violence contre le peuple palestinien.

Mais au final, l’engagement en faveur de la paix est réaffirmé dans la résolution en tant qu’option stratégique préférable pour mettre fin à l’occupation israélienne et régler le conflit arabo-israélien.

Le président syrien Bachar el-Assad a participé au sommet extraordinaire, une première pour lui qui sort progressivement de son isolement.

Abdul Rahman Ibn Abdul Aziz Al-Sudais le chef des affaires religieuses du Masjid al-Haram, la mosquée la plus sacrée de La Mecque et président du comité de gestion des deux mosquées saintes a déclaré la veille du sommet que les peuples (musulmans) ne devraient pas s’immiscer dans ce qui se passe à  Gaza car cela devait être laissé aux dirigeants. En résumé, la « rue musulmane » ne doit pas interférer dans les affaires étatiques qui ne regardent que les dirigeants.

En résumé, si les tables politiques sont actuellement renversées au Proche et Moyen Orient en raison de la guerre israélo-palestinienne, en dehors des déclarations fracassantes, il semble que pour l’instant aucun dirigeant du monde musulman ne veut prendre des décisions maximalistes qui pourraient déboucher sur une situation chaotique dont personne ne voit quelle en serait l’issue.

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Texte

Alain Rodier