Alors que les médias occidentaux étaient tournés vers le couronnement de Charles III, discrètement Téhéran a procédé à l’exécution par pendaison de l’opposant irano-suédois Habib Chaab, condamné à mort pour « terrorisme ».

Il était accusé d’être le dirigeant du Harakat al-Nidal ou ASMLA (Mouvement arabe de lutte pour la libération d’Ahvaz) un groupe séparatiste arabe de l’ouest du pays(1).

L’agence de l’autorité judiciaire Mizan Online a publié le communiqué suivant : « la condamnation à mort de Habib Chaab […] à la tête du groupe terroriste Harakat al-Nidal, a été exécutée aujourd’hui ce matin. »

La justice avait confirmé sa condamnation à mort le 12 mars, une décision réprouvée par la Suède. Le ministre suédois des Affaires étrangères, Tobias Billstrom, avait déclaré : « la peine de mort est un châtiment inhumain […] et la Suède, comme le reste de l’UE, condamne son application en toutes circonstances. »

Selon des organisations de défense des droits humains, l’Iran serait le pays où les exécutions sont les plus nombreuses après la Chine. Ainsi, il aurait été procédé à 582 pendaisons en 2022 soit une augmentation de 75% par rapport aux années précédentes.

Il avait été enlevé par les services spéciaux iraniens à Istanbul en octobre 2020 et n’était réapparu qu’un mois plus tard incarcéré en Iran.

La télévision iranienne a publié en novembre de la même année une vidéo dans laquelle il s’accuse d’un attentat meurtrier qui a ciblé septembre 2018 un défilé militaire à Ahvaz, chef-lieu de la province du Khouzestân. Il y avoue travailler pour les services spéciaux saoudiens.

En mars 2023, la justice iranienne avait condamné à mort six hommes présumés membres de l’ASMLA. Ils avaient été accusés d’avoir « suivi les ordres de leurs chefs européens, comme […] Habib Chaab. »

En janvier, Téhéran avait déjà provoqué l’indignation internationale en exécutant un ancien responsable de la Défense, l’Irano-Britannique Alireza Akbari, reconnu coupable d’espionnage(2).

En février, l’Allemagne a expulsé deux diplomates en poste à Berlin pour protester contre la condamnation à mort, confirmée en avril, du dissident irano-allemand Jamshid Sharmahd. Il est accusé d’avoir participé à un attentat contre une mosquée à Chiraz, dans le sud de l’Iran, qui avait fait 14 morts en avril 2008.

Actuellement, au moins 16 détenteurs de passeports occidentaux (dont six Français) sont détenus en Iran, la plupart d’entre eux étant des binationaux, situation qui n’est pas reconnue par Téhéran.

Parmi eux figure l’universitaire iranien Ahmadreza Djalali résident en Suède mais qui a été arrêté lors d’une visite en Iran en avril 2016. Il a été condamné à mort en 2017 pour espionnage pour le compte d’Israël. Il a obtenu la nationalité suédoise pendant sa détention. Selon sa famille, il serait toujours dans le couloir de la mort.

 

Les relations irano-suédoises sont également tendues en raison du dossier du pasdaran Hamid Noury alias Hamid Abbasi, un ancien gardien de prison collaborateur de la justice iranienne. Il a été condamné à la perpétuité le 14 juillet 2022 en Suède pour son rôle dans les massacres de prisonniers politiques survenues en 1988 dans la prison de Gohardasht.

Attiré hors d’Iran par un piège monté par un de ses proches, il a été arrêté à son arrivée en Suède le 9 novembre 2019. Son procès a suscité la colère de Téhéran, qui dénonce des poursuites « politiques » et des « accusations sans fondement et fabriquées contre l’Iran ». Dans les faits, le Guide suprême iranien, Rouhollah Khomeiny, avait publié en juillet 1988 un décret stipulant que tous les prisonniers politiques qui restaient inébranlables dans leur soutien à l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK), devaient être exécutés (mais aussi des membres d’autres mouvements d’opposition.) Les chiffres varient car beaucoup de victimes ont été enterrées clandestinement mais il y aurait eu autour de 3.000 exécutions.

Dans cette période de grandes tensions entre l’Iran et le monde occidental encore accentuées par le soutien apporté à Moscou par Téhéran dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine, il est devenu extrêmement dangereux d’effectuer un déplacement dans ce pays.

Le site des Ministère des Affaires étrangères français était très clair dès la fin 2022 : « Les ressortissants français de passage en Iran sont invités à quitter le pays dans les plus brefs délais compte tenu des risques de détention arbitraire auxquels ils s’exposent.

Tout visiteur français, y compris binational, s’expose à un risque élevé d’arrestation, de détention arbitraire et de jugement inéquitable. Ce risque concerne également les personnes effectuant une simple visite touristique. En cas d’arrestation ou de détention, le respect des droits fondamentaux et la sécurité des personnes ne sont pas garantis. »

 

1.     Voir : « IRAN : les services secrets très efficaces dans leur chasse aux opposants » du 17 décembre 2020.

2.     Voir : « IRAN : pendaison d’un ‘espion’ travaillant pour les Britanniques » du 16 janvier 2023.

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Texte

Alain Rodier