La Russie renforce progressivement sa flotte sous-marine du Pacifique. Curieusement, pour ses sous-marins d’attaque, elle continue à être dotée majoritairement de submersibles diésel-électriques alors que tous les grands pays préfèrent l’option à propulsion nucléaire. L’avantage est clair, ces bateaux peuvent rester en plongée beaucoup plus longtemps et leur rayon d’action ne dépend que de la résistance de l’équipage - généralement estimée à quatre mois -.

Ainsi, la flotte russe du Pacifique a reçu six sous-marins « projet 636.3 » qui appartiennent à la troisième génération des « projets 636 M Paltus », eux-mêmes héritiers des « projets 877 », les historiques sous-marins de classe Kilo.

Par contre, ils sont considérés parmi les sous-marins moins bruyants au monde d’où leur surnom de « trou noir dans l’Océan ».

La vitesse maximale en plongée est de 20 nœuds. La profondeur maximale qui peut être atteinte est de 300 mètres ce qui est un classique depuis la Seconde Guerre mondiale. Le déplacement sous l’eau est d’environ trois mille tonnes. L’équipage est fort d’une cinquantaine d’hommes. Ces bateaux peuvent rester 45 jours à la mer sans ravitaillement.

Les chantiers navals de l’Amirauté  de Saint-Pétersbourg (qui font partie de l’United Shipbuilding Corporation, USC) est en charge de la construction de ces submersibles dont six exemplaires ont été livrés à la flotte de la mer Noire. Mais n’ayant pas de navire ukrainien à se mettre sous la dent, ils se sont contentés de lancer des missiles mer-sol Kalibr.

Les six sous-marins de la flotte du Pacifique sont le Magadan, l’Ufa, le Mozhaisk, le Petropavlovsk-Kamchatsky, le Volkhov et l’Izhevsk.

Ils devraient être tous pleinement opérationnels en 2024, date à laquelle devrait débuter la construction de six autres exemplaires.

Cette flotte est destinée à engager une bataille navale contre des navires ennemis et, pour le moment, ce sont les Américains qui tiennent le rôle mais la menace pourrait s’étendre à ses alliés si ces derniers s’engagent trop directement.

D’un autre côté, malgré les échanges politiques récents au plus haut niveau entre la Russie et la Chine, l’« amitié sans limites » entre les deux pays semble n’être qu’un « tigre de papier ». En effet, Pékin Chine a pour la première fois voté « oui » à une résolution à l’ONU qualifiant Moscou d’« agresseur ». Pour être précis : la résolution A77/L65 intitulée « Coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l’Europe » ne concerne pas en premier lieu la guerre en Ukraine mais son préambule précise : « considérant également que les difficultés sans précédent auxquelles se heurte actuellement l’Europe à la suite de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, et contre la Géorgie auparavant, et de la cessation de la qualité de membre de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe, appellent une coopération renforcée entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de l’Europe. » Les alliances peuvent parfois s’inverser ou disparaître mais il n’est pas certain que l’actuelle qui ne tient que par son anti-américanisme tienne avec le temps. Les marines respectives pourraient alors avoir un rôle à jouer… C’est la mission des stratèges de tenter de voir loin!

Le sous-marin Volkhov a fait ce printemps une démonstration de tir en lançant missile Kalibr alors qu’il était en position immergée. Il a visé une ciblé située à 1.000 kilomètres ce qui montre que les attaques « en meutes » de la Seconde Guerre mondiale font désormais partie de l’Histoire. Les tirs de torpilles sont toujours possible mais sur des cibles molles (des navires civils) ou, plus encore, contre des sous-marins ennemis.

Les « projets 636.3 » peuvent emporter jusqu’à quatre missiles de croisière 3M-54 Kalibr (portée de 300 à 2.400 kilomètres selon version, charge militaire de 200 à 400 kilos – mais qui peut être également thermonucléaire -).

Il est évident que les stratèges russes ont étudié cette possibilité, non pas en tant que moyen de dissuasion, mais en tant qu’arme tactique. À savoir que si l’on en parle beaucoup pour le champ de bataille terrestre pour annihiler une concentration de forces blindées ennemies, il en est moins question pour le combat naval. Et pourtant, ce type d’arme serait dévastateur contre une task force adverse du genre « groupe aéronaval ».

Pour en revenir à la routine, ces sous-marins sont aussi capables de déposer des mines de fond qui peuvent considérablement entraver les mouvements de l’adversaire.

Quand ils sont en surface, leur défense n’est plus assurée, comme dans le passé, par des mitrailleuses lourdes ou des canons de 20 mm mais par des missiles anti-aériens portables. Il est vrai que c’est la faiblesse des sous-marins classiques : ils sont contraints de faire régulièrement surface ou de naviguer au schnorkel, ce qui les rend détectables.

La flotte russe du Pacifique compte aujourd’hui vingt sous-marins anti-navires : treize à propulsion classique, sept à propulsion nucléaire. Ces derniers sont de classe Oscar II, Akula I et un Lassen (le seul construit).

 

Bien sûr, il convient de ne pas négliger les quatre sous-marins nucléaires stratégiques opérationnels qui menacent directement le continent américain même s’ils ne sont pas tous à la mer en permanence. Les classe Borei K-551 Vladimir Monomakh, K-550 Alexander Nevsky, K-552 Prince Oleg et le tout récent K-533 généralissime Suvorov.

Les classe Delta III qui accusent plus de quarante ans d’âge (Riazan, Podolsk, Saint-Georges le Victorieux) ont vraisemblablement été retirés du service.

Les Borei sont armés de missiles balistiques RSM-56 Bulava qui peuvent emporter au moins six têtes nucléaires (mirvées) à des distances allant de 8.000 à 10.000 kilomètres.

Il convient d’ajouter à ces navires le « cuirassé sous-marin » K-329 Belgorod qui devrait être principalement affecté à la zone Pacifique tout en dépendant directement du Kremlin.

En plus des « missions spéciales » qui peuvent lui être confiées, il est armé de six torpilles « Poséidon ». Ce sont des sortes de drones autonomes ayant un rayon d’action de plus 10.000 kilomètres. Ces « armes nouvelles » peuvent évoluer à mille mètres de profondeur à la vitesse de cent kilomètres heure. Autant dire que cette technologie les rend quasi impossible à intercepter. Leur charge militaire qui se situerait entre trente et cent mégatonnes serait destinée à exploser à quelques kilomètres des côtes d’un pays ennemi. Cela provoquerait un tsunami radioactif dévastateur…

Le 20 avril, l’amiral Sergei Avakyants qui commandait la flotte du Pacifique a été démis de sa charge (et muté dans un « placard ») juste après un « exercice surprise » de huit jours ordonné par le Kremlin. Il a été remplacé le 21 avril par le chef de la flotte russe de la Baltique, l’amiral Viktor Liina qui est un ancien sous-marinier. Ce dernier a passé son commandement au vice-amiral Vladimir Vorobyov.

1.     Voir : « RUSSIE : deux nouveaux sous-marins pour la Flotte du Pacifique » du 23 décembre 2021.

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Texte

Alain Rodier