La deuxième semaine de février a été marquée par de nombreux bombardements d’infrastructures ukrainiennes dans toute la profondeur du pays visant particulièrement les sources énergétiques. Denys Shmyhal, le Premier ministre ukrainien a déclaré : « globalement, deux douzaines de centrales thermiques sont toujours endommagées par les frappes continuelle […]

Si nous rajoutons à cela le fait qu’une partie de nos installations énergétiques sont occupées, alors nous avons perdu temporairement 44% de nos centrales nucléaires, 75% de nos installations d’énergie thermique et 33% des machineries de chauffage de bâtiments. Depuis quatre mois, toutes les secondes une sous-station de la société Ukrenego [société d’état chargée du transport de l’électricité] est attaquée ». Toutefois, il a tenu à préciser : « malgré cette terreur, la majorité absolue des Ukrainiens continue à avoir du chauffage, de l’eau et de l’électricité. Les réparations sont en cours et nous avons assez de ressources pour finir l’hiver… »

Première attaque d’un drone naval russe ?

Un drone marin russe aurait attaqué dans la nuit du 10 février le pont routier et de chemin de fer de Zatoka au sud d’Odessa, région stratégique ukrainienne.

Si les informations sont confirmées, ni Kiev ni Moscou n’ayant officiellement fait de commentaire sur cette action, ce serait la première fois que la Russie aurait employé cette méthode. Le drone serait arrivé de Mer Noire. La presse ukrainienne rapporte que « les piliers du pont ont été endommagés » mais, étant donnée la taille de l’édifice, il est possible que la charge était trop faible pour le rendre inutilisable.

Ce pont avait déjà été attaqué dans le passé mais par des missiles russes.

Situation sur le terrain

Parallèlement, les forces russes ont continué à exercer une pression sur de nombreuses portions du front. S’il n’a pas été constaté de percée significative, le travail de grignotage mètre par mètre s’est poursuivi vraisemblablement au prix de pertes humaines importantes. Mais l’objectif de Vuhledar dans l’Oblast de Donetsk n’est pas tombé ce qui entraîne la fureur du chef de La SMP Wagner. Par contre, la situation des forces ukrainiennes qui tiennent Bakmout est, de l’aveu même de Kiev, « difficile ».

Globalement, l’artillerie russe délivre deux fois plus de feux que son homologue ukrainienne mais les matériels occidentaux fournis à Kiev lui assurent une plus grande précision donc un meilleurs rapport nombre-efficacité. Toutefois un bémol, l’industrie d’armement occidentale ne parvient pas à fournir ce que tire l’Ukraine journellement. La raison en est simple : les industriels attendent les commandes étatiques (payées) pour ouvrir de nouvelles chaînes de production. Ils ne peuvent le faire « gratuitement ».

L’offensive russe se préciserait

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que Moscou avait lancée son offensive attendue depuis longtemps…
Les forces nécessaires se mettraient en actuellement en place. Ainsi, selon les services de renseignement ukrainiens, des éléments des 3è et 144è divisions de fusiliers motorisés, de la 90è division de chars soutenus par la 76è division aéroportée et des éléments non définis du secteur Sud de Russie sont déployés le long de la ligne Svatove-Kreminna.

La 2è division de fusiliers motorisés qui a été déployée dans l’Oblast de Louhansk en provenance de la Biélorussie ne serait pas encore en ordre de marche.
La situation en Biélorussie dans cette affaire est peu claire. N’étant sûr de rien, Paris a pressé les ressortissants français présents sur place à quitter le pays le plus rapidement possible.
De son côté, Washington a prié ses ressortissants de quitter la Russie.

Toutefois, si les conditions climatiques sont encore favorables aux évolutions des blindés, cette période devrait se terminer d’ici deux à trois semaines. Comme l’année dernière à la même époque, les forces russes risquent de s’embourber une nouvelle fois.

Il est utile de prendre un peu de recul, les informations qui fuitent habilement dans la presse étant biaisées par ceux qui en sont à l’origine. N’ayant pas les capacités de lancer cette offensive décisive, il est possible que les Russes se contentent de poursuivre une guerre d’usure sur l’ensemble de la ligne de front avec comme objectif d’épuiser le potentiel humain ukrainien.
D’ailleurs, le 13 février, le renseignement britannique semblait assez « modéré » dans ses estimations : les forces russes protègent les extrémités de leur dispositif au nord et au sud des 1.288 kilomètres de front tout en faisant effort au centre. Elles craignent une offensive ukrainienne dans la région sud de Zaporizhzha qui pourrait menacer la Crimée… C’est un dilemme pour les Russes…

Le survol d’un missile russe de la Moldavie

Le 10 février, le commandant des forces ukrainiennes, le général Valery Zaluzhny, a affirmé que des missiles tirés depuis des navires russes en Mer Noire avaient traversé l’espace aérien de la Roumanie, pays membre de l’OTAN, et de la Moldavie.

Le ministère de la Défense roumain a bien dit avoir repéré un missile russe mais il ne serait passé uniquement au dessus de la Moldavie.

Suite à cette information, la Première ministre moldave pro-européenne Natalia Gavrilita a présenté sa démission. Elle a évoqué « un manque de soutien et de confiance dans le pays ». Il faut dire que la veille, les services de renseignement moldaves avaient confirmé des informations ukrainiennes selon lesquelles Moscou projetait de renverser le gouvernement de Chisinau jugé trop pro-européen.
La présidente Maia Sandu Maia Sandu qui a accusé Moscou de mener en Moldavie une « guerre hybride » a nommé Dorin Recean (lui aussi pro-européen) chef du gouvernement. Extrêmement dépendante de la Russie, la Moldavie peuplée de 2,6 millions d’âmes a vu ses importations de gaz fortement chuter. Elle doit aussi composer avec la garnison russe présente dans la région séparatiste de Transnistrie situé à l’est du pays.

Kiev a maintenu que la Bulgarie avait été survolée par un missile russe et que l’OTAN devrait réagir… Le principal porte-parole du Département d’État américain, Vedan Patel, a confirmé le vol au dessus de la Moldavie mais sans évoquer la Bulgarie : « pour l’instant, nous n’avons pas d’indication d’une menace directe russe dirigée contre la Moldavie ou la Roumanie […] Plus globalement, nous soutenons la souveraineté de la Moldavie et son intégrité territoriale comme sa neutralité garantie constitutionnellement ».

Les « ailes de la liberté » tardent à venir

Le président Zelinski serait rentré furieux de sa tournée européenne n’étant pas parvenu à obtenir des promesses de livraisons d’avions occidentaux – surtout des F-16 – qu’il a surnommé les « ailes de la liberté ». L’excuse mise en avant est que la formation des pilotes et des personnels au sol était très longue (quelques pilotes seraient toutefois en cours de formation par l’US Air Force).

Le Premier-ministre slovaque, Eduard Heger a bien affirmé que des discutions pour la fourniture de MIG-29 allaient débuter. Un certain nombre de pilotes ukrainiens pourraient être plus rapidement opérationnels sur ce type d’appareil qu’ils connaissent déjà. Cependant, ils se compteraient qu’en quelques dizaines…

Les nouvelles « brigade d’assaut » ukrainiennes

Kiev dit se tenir prêt à faire face à l’importante offensive russe attendue dans l’est (voir précédemment) et prépare la sienne au sud en direction de l’Oblast de Zaporizhia visant le hub routier et ferroviaire de Melitopol. L’objectif final est la reprise de la Crimée.
Selon la presse ukrainienne, dans ce but, les forces armées ukrainiennes seraient en train de constituer des « brigades d’assaut de la Garde nationale » dont la mission sera de reprendre le Donetsk et la Crimée. Les « volontaires » sont âgés de 30 à 35 ans voire 40 ans pour ceux qui ont une expérience militaire spécifique.

En conclusion

Cela dit, des deux côtés, dévoiler ses soi-disant intentions à l’avance relève de la guerre psychologique. Si les buts à atteindre des deux partis sont connus, la manière d’y parvenir relève du secret-défense. Cela exposé, il convient de ne pas prendre trop au sérieux les déclarations de certains responsables politiques comme celles du leader de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, qui a affirmé le 7 février vouloir prendre Odessa, Kharkiv et Kiev puis d’atteindre la Pologne… C’est certes un homme dangereux mais surtout un mégalomane sanguinaire.

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Texte

Alain Rodier

Photos

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