Dernier bouleversement pour l’armée russe en Ukraine. Le chef d’état-major général (CEMA) russe Valeri Guerassimov prend les rênes de l’ « opération spéciale » russe en Ukraine.

Moscou a de nouveau remplacé le commandant de son offensive en Ukraine, le général d’armée Sergueï Sourovikine en nommant à sa place le général d’armée Valéri Guerassimov, le chef d’état-major des armées. Cette annonce a été faite par le ministre de la défense Sergueï Choïgou le 11 janvier 2023.
Dans un communiqué, le ministère précise que Guerassimov est nommé « commandant du groupement combiné de troupes » déployées en Ukraine en remplacement de Sergueï Sourovikine arrivé à ce poste en octobre.

C’est un véritable désaveu pour ce dernier qui se retrouve au poste d’adjoint avec les généraux Oleg Salyoukov (chef d’état-major de l’armée de terre – CEMAT -) et Aleksey Kim (commandant en second l’armée de terre). Pour mémoire, c’est lui qui avait prôné l’évacuation de Kherson et l’établissement d’une ligne de défense renforcée pour empêcher la progression vers l’est de l’armée ukrainienne.

Il n’est pas le premier à être « remercié » puisque cela était arrivé à ses deux prédécesseurs (certes non officiellement nommés), le général d’armée Alexander Dvornikov puis le colonel-général (équivalent à général de corps d’armée) Gennady Valeryevich Zhidko(1).

Toujours selon le ministère, ce changement s’explique par un « élargissement des missions » à remplir et la « nécessité » d’une « interaction plus étroite » entre les composantes de l’armée. Cette nouvelle nomination laisse perplexe les observateurs. Y-a-t-il une volonté de changer radicalement de stratégie en prévision d’une offensive future ? En effet, Guerassimov en temps que chef d’état-major général, a à sa disposition tous les moyens de l’armée russe. La présence à ses côtés des deux plus importants commandants (le CEMAT et son adjoint) de l’armée de terre laisse à penser que l’effort pourrait porter sur la manœuvre du corps blindé-mécanisé.

Ou sont-ce les avancées sanglantes du groupe Wagner à Soledar et Bakhmout emmené par leur propriétaire et fondateur Evgueni Prigojine qui irritent l’armée (dont il s’est permis de critiquer vertement les généraux). Il semble qu’il faisait un peu ce qu’il voulait sur la partie de front qui lui était assignée en Ukraine et que le général Sergueï Sourovikine n’était pas parvenu à le faire rentrer dans le rang. Le fait de mettre le plus haut gradé de l’armée aux commandes pourrait changer la donne.

Cela dit, si Guerassimov est indéniablement un fidèle du président Poutine, il n’a pas particulièrement brillé en tant que chef des armées depuis le déclenchement de l’« opération spéciale » le 24 février. C’est tout de même sous sa responsabilité que l’armée russe a connu échec sur échec : faillite du renseignement militaire, de la logistique, de la stratégie employée pour l’invasion … Certes, des leçons ont pu être tirées (Sergueï Sourovikine semblait l’avoir fait) des échecs rencontrés mais le corps de bataille russe est aujourd’hui bien affaibli et vraisemblablement avec des réserves de munitions qui laissent à désirer.

Si ce n’est pas encore une guerre interne au Kremlin, c’est au moins une lutte d’influence au plus haut niveau de la défense. Et le président Poutine reste bien silencieux… Étrange.

1. Voir « nomination officielle d’un commandant pour l’‘opération spéciale » russe en Ukraine » du 10 octobre 2022.

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Texte

Alain Rodier

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