La citoyenne américaine Ana Belén Montes, arrêtée le 21 septembre 2001 (dix jours après les attentats du 11 septembre) et condamnée l’année suivante à 25 ans de prison pour espionnage au profit de la Havane a été libérée le 6 janvier 2023.
Cette ancienne analyste au sein de la Defense Intelligence Agency (DIA), le service de renseignement militaire américain, était incarcérée à la prison fédérale de Carwswell à Fort Worth (Texas) sous le numéro 25037-016. Toutefois, elle est placée durant cinq ans (le reste de sa peine) sous le régime de la liberté conditionnelle. Elle ne pourra pas travailler pour le gouvernement ou de contacter des « agents étrangers » sans autorisation.
Née le 28 février 1957 à Marseille, elle était restée célibataire. Elle a reconnu avoir espionné de 1992 à 2001 pour le compte de Cuba. Toutefois, le FBI estime qu’elle aurait commencé bien plus tôt, vraisemblablement en 1985. Elle a reconnu avoir fourni aux services cubains des noms de quatre agents américains travaillant à Cuba, le détail de manœuvres navales américaines se déroulant dans la zone ainsi que nombre d’informations qui intéressaient la Havane. Mais elle n’aurait pas tout dit et, selon la presse nord-américaine, elle serait aussi responsable (indirecte) de la mort d’au moins un membre des forces spéciales US au Salvador. Si, comme le suspecte le FBI, elle a espionné dès 1985, cela impliquerait aussi qu’elle aurait aussi fourni des informations aux Soviétiques via les services cubains qui entretenaient les meilleurs rapports avec leurs homologues de Moscou.
En 2012, Michelle Van Cleave, ancienne directrice du contre-espionnage américain sous le président George W. Bush, a déclaré devant le Congrès que Montes avait « compromis tout – pratiquement tout – ce que nous savions sur Cuba et sur la façon dont nous agissions là-bas ». En clair, la politique officielle et surtout clandestine de Washington vis-à-vis de Cuba était lue comme à livre ouvert par les services cubains.
Ana Montes, née d’un père d’origine portoricaine, médecin militaire de son état, agissait par idéologie. Elle n’a pas été rémunérée pour ses services (dans ce cas là, les agents de renseignement sont défrayés pour leurs dépenses). Elle était en effet opposée à la politique des États-Unis en Amérique latine. Selon un rapport de l’inspecteur général du département de la Défense, elle aurait été particulièrement révoltée par le soutien américain apporté aux Contras nicaraguayens qui s’étaient opposés au régime sandiniste (marxiste-léniniste) avec le soutien de la CIA.
Ana Belén Montes qui était devenue marxiste lors de ses études (un classique dans les universités anglo-saxonnes) avait exprimé ouvertement ses opinions politiques alors qu’elle était employée au bureau de la liberté de l’information du ministère de la justice de 1979 à 1985. Cela aurait attiré l’attention d’officiers de renseignement cubains.
Elle aurait d’abord été approchée par un camarade de classe de l’Université Johns Hopkins en 1984 puis présentée à un Officier traitant (OT) cubain. Toujours selon le même rapport, c’est à l’occasion d’un dîner à New York qu’elle « a accepté sans hésiter de travailler avec les Cubains pour » aider « le Nicaragua ». L’environnement de la jeune femme étant terminé, les services cubains ont donc « tamponné » directement la cible qu’ils avaient estimé très « réceptive ».
Curieusement, elle aurait séjourné quelques mois à Cuba où elle aurait reçu une formation d’agent clandestin. À son retour, elle a intégré la DIA comme analyste en septembre 1985. Elle est devenue spécialiste (senior analyst) de Cuba en 1992.
Pendant près de deux décennies, elle a régulièrement rencontré des « correspondants » cubains dans des restaurants de Washington DC. Le FBI n’a jamais donné l’identité de ces OT. Pour transmettre les informations classées qu’elle recueillait, elle envoyait des messages codés souvent sur des disquettes informatique. Elle recevait ses instructions via un appareil radio à ondes courtes mais utilisait aussi des téléphones publics avec des cartes prépayées. Les communications ne duraient alors pas plus d’une minute.
En 1996, un collègue intrigué par son attitude l’a signalé à sa hiérarchie. Il lui a été demandé de la surveiller avec plus d’attention. Mais une enquête officielle n’a été officiellement diligentée que quatre ans plus tard. Elle a alors été surveillée par des agents du FBI qui ont – entre autres – perquisitionné clandestinement sa résidence. Les preuves amassées étant accablantes, elle a été arrêtée le 21 septembre 2001 et condamnée en 2022 à 25 ans de prison. La Havane a alors lancé une intense campagne pour la faire libérer en la surnommant : « la reine de Cuba ».
Dans cette affaire, le contre espionnage américain semble avoir été bien léger ne s’étant rendu compte de rien lors de son recrutement par la DIA en 1985. Une banale enquête de sécurité – obligatoire avant d’accéder à des informations confidentielles – aurait dû faire ressortir ses opinions politiques et surtout, son séjour à Cuba avant son intégration à la DIA en 1985. Elle serait même retournée dans l’île à plusieurs reprises en utilisant une identité fictive et en changeant son apparence physique en particulier avec une perruque.
Par la suite, son signalement par un collègue n’a pas été suivi d’une enquête en bonne et due forme. Il faut reconnaître qu’elle ne sortait jamais un papier de son bureau faisant confiance à sa prodigieuse mémoire pour retranscrire ensuite les informations qu’elle avait lue et qui pouvaient intéresser ses traitants.
De nombreux autres cas ont été découverts aux USA, mais venant majoritairement des services secrets chinois, soviétiques (puis russes) et cubains.
Théoriquement, Ana Belén Montes doit désormais garder une certaine discrétion mais elle a tout de même laissé filtrer qu’elle ne « comprenait pas l’embargo américain maintenu contre Cuba »…
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