Le Département du trésor américain via son bureau du contrôle des biens étrangers (OFAC) a désigné les codirigeants de la « Nueva Familia Michoacana », Johnny Hurtado Olascoaga alias « El Pez » ou « El Mojarra » et Jose Alfredo Hurtado Olascoaga alias « El Feyo » ou « El Fresa », comme des criminels recherchés aux USA selon l’ordre exécutif 14059. Ils sont accusés d’« avoir mené - ou tenté de mener - des activités liées au du trafic de drogues ».

Ces deux leaders sont effectivement actuellement en liberté. Armando Hernández Hernández ou Héctor García, alias « El Player » présenté comme le chef de ce cartel dans l’article cité en renvoi (1) est en fait emprisonné. Connaissant la permissivité des pénitenciers mexicains, cela ne l’empêche sans doute pas de communiquer avec l’extérieur et de continuer à avoir de l’influence sur cette organisation criminelle.

Selon la DEA (Drug Enforcement Administration), la « Nouvelle famille Michoacana » est responsable de l’accroissement de la présence de fentanyl (un analgésique opioïde très puissant) et ses dérivés aux États-Unis.
Cette drogue aurait été la responsable de la mort de 71.000 citoyens américains en 2021.
Toujours selon la DEA, un dérivé dont les cachets ressemblent à des bonbons est actuellement très en vogue : le « rainbow fentanyl ». Il serait destiné aux jeunes de manière à les rendre adductifs à cette drogue. Cette version des faits est contestée par certains experts qui ne voient pas l’intérêt financier à court terme pour les trafiquants.

La « Nueva Familia Michoacana » a succédé à la « Familia Michoacana » qui avait été désignée comme « groupe criminel » par les États-Unis en 2009. La lutte contre ce cartel s’était alors intensifiée provoquant son éclatement en 2010.
À son tour elle a été qualifiée de « groupe criminel » en 2021. Elle est présente dans au moins 35 municipalités mexicaines des États du Michoacán, de Guerrero, de Morelos et de Mexico.

Elle serait en expansion tirant ses revenus du trafic de drogues (fentanyl, marijuana, opium, héroïne, methamphétamine), activités minières illégales, racket, etc.

Elle n’hésite pas à s’en prendre aux représentants de l’État(1) et aux bâtiments officiels recrutant pour cela de très jeunes sicarios qu’elle se charge de former.

Johnny Hurtado et Jose Hurtado sont désormais les deux criminels les plus recherchés au Mexique, une prime de 500.000 dollars étant offerte pour tout renseignement permettant leur capture.

Et la politique dans tout cela ?

Dimanche 27 novembre, le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador « AMLO » venant du « Mouvement pour la régénération nationale » (Morena), parti de gauche nationaliste, a lancé une grande manifestation dans les rues de Mexico en soutien à sa politique. AMLO bénéficie au bout de quatre années de présidence de près de 60% d’opinions favorables d’après diverses enquêtes d’opinion.
À l’issue de la marche, le président prononcé un discours d’une heure en affirmant qu’il respecterait la Constitution qui lui autorise un seul mandat de six ans – qui se termine en 2024 -.
Il a réitéré les axes de sa politique : « priorité aux pauvres […] hausse du salaire minimum […] austérité budgétaire sans créer de dettes nouvelles ».
Il a aussi demandé à Washington de stopper toute politique hostile envers les Mexicains qui travaillent aux États-Unis.

Cette manifestation répondait à une autre qui avait regroupé quelques dizaines de milliers de personnes à la mi-novembre s’opposant à un projet de réforme électorale. Le président avait alors estimé que ses adversaires défendaient en fait « le racisme, le classisme et la corruption ».

Sur le plan sécuritaire, devant la situation catastrophique qui a vu 33.308 meurtres en 2021, chiffre vraisemblablement sous-évalué car il ne prend pas en compte les « personnes disparues », le président a confié à l’Armée plusieurs grands chantiers ainsi que des tâches de sécurité publique dans un pays qui n’arrive pas à se sortir de la violence créée par les cartels de la drogue.
Il a justifié sa décision de faire passer la Garde nationale sous l’autorité de l’Armée en ces mots : « pour qu’elle ne soit pas victime de corruption, comme avec l’ancienne police fédérale ». Il est vrai qu’un des problèmes du Mexique reste la corruption de nombreux membres des forces de sécurité et pénitentiaires à « tous les étages ». Il faut comprendre que les fonctionnaires se voient souvent proposer « plata o plomo » (de l’argent ou du plomb) pour eux et pour leurs proches… Seule l’Armée semble relativement préservée…

1 Voir : « Mexique un cartel revient sur le devant de la scène en assassinant 17 policiers » du 22 mars 2021.
2. Le parti Morena est en position de force face à une opposition divisée entre le PRI, l’ancien parti au pouvoir pendant 70 ans, le PAN (droite) et le PRD (gauche).

Publié le

Texte

Alain Rodier

Photos

DR