Le service de contre-espionnage norvégien PST, (Norwegian Police Security Service - Politiets sikkerhetstjeneste -) a révélé fin octobre une affaire d’espionnage digne d’un roman de John le Carré. Sauf que le titre ne s’appelait pas « l’espion qui vient du froid »(1)° mais « l’espion qui va vers le froid ».

Jose Assis Giammaria se présentait comme un chercheur brésilien né en 1984 ayant obtenu un poste à l’université Arctique de Norvège située à Tromsø au nord de la Norvège.

Son parcours l’a amené au Canada où il a obtenu en 2015 obtenu un « bachelor of arts » (l’équivalent d’une maîtrise) en sciences politiques à l’université d’Ottawa, tout en s’engageant en parallèle en politique pour le Nouveau parti démocratique canadien (NDP) présenté comme proche des sociaux-démocrates.
Il a ensuite a suivi pendant trois ans un master en études stratégiques à Calgary. Ila publié en 2019 un article dans une revue spécialisée à propos de l’importance pour le Canada d’établir une base navale permanente en Arctique.
Il est connu que l’Amérique latine a souvent servi aux services soviétiques puis russes de région privilégiée pour créer de varies-fausses identités à ses clandestins. Les registres d’état civil n’étant pas centralisés et, parfois même ayant disparu lors de catastrophes de type incendie ou inondations. Les clandestins prennent donc une identité d’une personne réelle mais décédée en graissant la patte à des fonctionnaires véreux, ce qui ne manque pas en Amérique latine… La Canada est parfois jugé intéressant comme « sas de sécurité » avant de rejoindre le pays ciblé. Le Canada a également une réputation – totalement usurpée – de pays « tranquille » et « ordinaire ».

En réalité l’identité réelle de Jose Assis Giammaria serait Mikhail Mikushin, un « colonel » russe du GRU né le 19 août 1978 à Yekaterinburg. Il a vécu à Malysheva avant de rejoindre en 2004 Moscou pour intégrer l’Académie militaire diplomatique du GRU ; il a appris le portugais et, une fois formé a rejoint le Canada en 2011. A noter qu’il ne semble pas être passé par le Brésil. Ces informations très précises sont données par Bellingcat, le célèbre site d’enquêtes financé en grande partie par la National Endowment for Democracy (NED) et que la rumeur dit proche des services de renseignement anglo-saxons. Cela dit, Oslo dit ne pas être « certain » de l’identité du prévenu mais penser qu’il n’est pas brésilien…
Enfin, la découverte de ce cas serait due à un autre service de renseignement qui aurait transmis l’information à Oslo dans le cadre normal des échanges entre alliés. Les seuls à pouvoir détenir ce type d’information sont les Anglo-saxons.

Le suspect a été placé pour un mois en détention à l’isolement pour permettre l’enquête et surtout, pour ne prendre la poudre d’escampette. La première inculpation concerne une violation des lois sur l’immigration. D’autres chefs d’inculpation dont celle « d’activité d’espionnage contre des secrets d’État de nature à nuire aux intérêts fondamentaux de la nation » devraient bientôt tomber.
En effet, le PST le soupçonne de travailler sur la politique arctique de la Norvège et les menaces « hybrides », sujet prioritaire pour Moscou pour les vingt années à venir.
Il risque trois ans d’emprisonnement et il est difficile de l’expulser vers la Russie tant qu’elle ne reconnaît pas sa nationalité. En effet, l’ambassade de Russie a Oslo affirmant qu’elle ne savait pas de « qui et de quoi il s’agissait » a critiqué ce qu’elle a appelé la « spy mania » norvégienne.

Il faut reconnaître que la Norvège a arrêté neuf citoyens russes dans les semaines précédentes. Ils sont accusés d’avoir fait voler des drones dans son espace aérien malgré l’interdiction (de survol) décrétée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Certains auraient photographié des sites sensibles ou classifiés. Des navires de pêche russes qui ont toujours le droit de faire escale en Norvège malgré l’interdiction de l’UE et des navires de recherche russes ont aussi attiré l’attention des autorités.

Oslo a renforcé ses mesures de protection depuis que des drones inconnus ont été aperçus à proximité d’installations pétrolières et gazière après le sabotage des gazoducs Nordstream 1 et 2.

Cette affaire présente quelques curiosités : la différence d’âge de quatre ans entre l’identité réelle et la fictive. Généralement, elle ne doit pas dépasser les un à deux ans. Le fait que ce clandestin ait laissé des traces en Russie que Bellingcat a pu obtenir. La formation d’un Officier Traitant clandestin exige une discrétion renforcée. De plus, il aurait dû effectuer un séjour au Brésil de manière à étayer au moins visuellement sa légende de manière à pouvoir répondre à des questions de personnes connaissant le pays. En ce qui concerne son grade de colonel, pour Bellingcat, tous les OT russes repérés par le site ont ce rang (il n’y a que Vladimir Poutine qui a terminé lieutenant-colonel mais selon Serguei Jirnov, auteur de plusieurs livres sur le KGB, ce dernier a complètement raté sa carrière d’espion…).

1. Le titre l’espion qui venait du froid » vient du fait que le personnage central (il n’y a pas de « héro » dans la vie réelle des officiers de renseignement) Alec Leamas avait été sorti du « réfrigérateur » où il avait été volontairement plongé pour lui créer une légende plausible.

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