En dehors de la rencontre symbolique des président Poutine et Xi Jinping(1), le sommet régional de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui s’est tenu à Samarkand en Ouzbékistan les 15 et 16 septembre a permis de conclure un cessez-le-feu entre le Kirghizistan et le Tadjikistan.

Les faits

Selon le Kirghizistan, les forces tadjikes ont bombardé du 14 au 16 septembre matin Batken, une ville frontalière située dans une zone contestée entre les deux pays. 19 000 habitants de cette localité ainsi que des villages voisins auraient été évacués plus à l’est.

 

Le Kirghizistan a été fait état d’« affrontements intenses […] violents » qui se déroulaient dans cette zone frontalière disputée depuis l’éclatement de l’URSS en 1991. Le Tadjikistan a été accusé de « bombarder le territoire kirghiz avec tout son arsenal disponible » et de continuer à déployer des « équipements lourds » dans la région, peut-être en prévision d’une invasion. Celle de l’Ukraine semble avoir donné des idées à certains dirigeants politiques.

Mais Douchanbé a répliqué que : « le Kirghizistan n’a pas traversé la frontière [et] tout a commencé lorsque [les Tadjiks] sont entrés sur notre territoire ». De plus, les forces kirghizes ont été accusées d’avoir ouvert le feu sur des postes frontaliers tadjiks mais sans faire état pour l’instant de victimes.
Des affrontements survenus entre les deux pays quelques jours auparavant avaient fait deux victimes dans les rangs des gardes-frontières tadjiks et plusieurs blessés des deux côtés.
Le Service kirghiz des gardes-frontières a annoncé le 16 septembre après-midi que les chefs des Comités de sécurité nationale du Kirghizistan et du Tadjikistan étaient parvenus à un accord de cessez-le-feu.
Les présidents kirghiz Sadyr Japarov et son homologue tadjik, Emomali Rakhmon, ont officialisé ensuite ce cessez-le-feu mais les combats ont causé la mort d’au moins 59 personnes du côté kirghize et 35 du côté tadjik.
Les 17 et 18 septembre, des tirs sporadiques étaient signalés sur zone. Le président Poutine s’est entretenu téléphoniquement le 18 septembre avec ses deux homologues pour faire un point de situation et appeler au calme. Mais il semble que sa marge de manœuvre est très réduite car il est accaparé par l’invasion de l’Ukraine.

La frontière entre le Tadjikistan – au pouvoir quasi-dictatorial – et le Kirghizistan -relativement démocratique – est le théâtre d’affrontements meurtriers réguliers. Près de la moitié des 970 kilomètres de frontière commune tracées du temps de l’URSS est contestée et les négociations pour délimiter un nouveau tracé sont très lentes.
L’année 2021 a connu un grand nombre d’affrontements entre les deux parties. Ils ont causé la mort de plus de 50 personnes et laissant craindre l’élargissement du conflit. Il semble que les dirigeants des deux pays sont tentés de désigner un ennemi extérieur à des fins de politique intérieure.
À noter que le Tadjikistan aurait mis en œuvre pour la première fois des drones d’origine iranienne Ababil 2 qu’il fabrique sous licence depuis mai 2022(2).

Depuis le début de l’attitude agressive de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine et encore plus depuis 2021, il est constaté une multiplication des crises qui éclatent à l’intérieur ou entre différentes républiques de l’ex-URSS (révoltes de 2022 au Kazakhstan, en Biélorussie, conflits arméno-azéri de 2021 et 2022, etc.). Cela est vraisemblablement la conséquence de l’affaiblissement de l’influence du Kremlin qui est totalement accaparé par l’« opération spéciale » lancée en Ukraine. Les observateurs pensaient que la recomposition des pays de l’ex-URSS avait eu lieu juste après sa dislocation en décembre 1991. Il semble que cette recomposition – mais cette fois en profondeur – a débuté avec l’invasion de la Crimée en 2014 et s’accélère depuis 2021. Personne ne peut prévoir quelle forme elle va revêtir.

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Texte

Alain Rodier

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