Le 22 juillet, Walter Glenn Primrose alias Bobby Edward Fort et son épouse Gwynn Darle Morrison alias Julie Lyn Montague ont été arrêtés à Kapolei sur l’île de Oahu à Hawaï. La justice américaine les a inculpés pour « complot en vue de s’en prendre aux États-Unis, non respect de la législation sur les passeports, usurpation d’identité aggravée et réalisation de faux papiers ».

L’enquête avait été menée par des Agents spéciaux du Diplomatic Security Service (DSS) du Département d’État en coopération avec le FBI. Le couple vivait depuis 35 ans sous le nom de bébés décédés dans les jours ayant suivi leur naissance, une méthode bien connue pour être employée par le KGB pour doter des agents illégaux d’une « vraie-fausse » identité.

Selon des documents judiciaires, une perquisition à leur domicile a permis de mettre la main sur de vieilles photos polaroïd du couple habillé avec un uniforme du KGB. Leur avocat a dit qu’il s’agissait d’une « blague », le couple arborant le même uniforme ce qui semble exact.

Par contre, le juge fédéral a estimé le 28 juillet que le sexagénaire présentait un « risque de fuite » et a ordonné son maintien en détention. Son épouse, toujours incarcérée, comparaîtra début août devant le magistrat.

Tous deux nés en 1955. Selon l’acte d’inculpation, ils ont étudié ensemble de 1970 à 1973 à l’école Calhoun à Port Lavaca au Texas puis, de 1976 à 1979, à l’université Stephen F. Austin à Nacogdoches. Ils se sont mariés le 19 août 1980.
Par contre ce qui est étrange, c’est qu’ils ont pris en 1987 les identités de Bobby Fort et Julie Montague, des bébés décédés en 1967 et 1968 et enterrés dans des cimetières des environs. À la même époque, le couple avait été obligé de quitter le domicile familial de Nacogdoches suite à un délit de forclusion intenté par une banque.

Ils se sont remariés sous leurs nouvelles identités (mais avec douze ans de moins « au compteur ») le 8 août 1988.
« Bobby » s’est engagé dans les gardes-côtes en 1994 où a servi jusqu’en 2016 comme spécialiste en électronique bénéficiant d’habilitations d’accès aux documents classifiés. Son engagement terminé, il a rejoint une société de sous-traitance du ministère de la Défense. Il a alors été détaché à la station aérienne des gardes côtes de Barbers Point à Hawaï. Les personnels qui y servent sont surnommés : les « gardiens du Pacifique ».

Le couple vivait dans un modeste bungalow à Honolulu mais possédaient une maison voisine qu’il louait à des personnels militaires.

Au fil des années, ils se sont procurés de nombreux papiers sous leurs fausses identités dont des permis de conduire et plusieurs passeports (cinq pour « Bobby » et trois pour « Julie »).
Ils ont finalement été repérés en 2018 en essayant de s’inscrire dans le système de sécurité sociale des militaires et gardes-côtes.

L’acte d’accusation ne porte pas (encore) sur des chefs d’inculpation pour espionnage.

Lors des perquisitions, les agents fédéraux ont saisi des lettres adressées aux accusés sous d’autres noms que Bobby, Julie, Walter ou Gwynn, ce qui laisse entendre qu’ils utilisaient plusieurs alias.
Un proche de Gwynn Morrison a déclaré aux agents qu’elle avait vécu en Roumanie quand le appartenait encore au bloc communiste, ce que son avocate nie farouchement.

Quant à son époux « Bobby », en tant que contractuel du Pentagone, il devait signaler tous ses déplacements à l’étranger, ce qu’il a omis de faire pour plusieurs séjours au Canada.

Conclusions

Ce n’est pas l’affaire d’espionnage du siècle. Mais des éléments sont troublants.
Pourquoi ces citoyens américains ont-ils changé d’identité à la mode KGB ?
Pourquoi avoir besoin de tant de papiers d’identité ?

De toutes manières, ayant enfreint la loi américaine, ils étaient devenus une cible facile pour un service étranger car ils pouvaient être dénoncés aux autorités à tout moment (suivant le logo bien connu de « MICE » : Monnaie, Idéologie, « Compromission », Ego).
D’autres facteurs ont pu jouer à l’époque dont l’idéologie (le communisme) et l’ego.
Par contre, s’il y a eu collaboration, elle ne semble pas leur avoir rapporté beaucoup d’argent au couple mais les renseignements qu’il pouvait collecter avaient une faible valeur.

Les photos saisies d’eux en uniforme du KGB (l’auteur a des doutes sur cette affirmation, l’uniforme étant difficilement identifiable au KGB mais peut appartenir à toute autre branche de l’armée soviétique. En fait, cela ressemble plus à des fripes acquises dans un surplus militaire) ne pourront servir de preuve à charge.

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Texte

Alain Rodier

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