Un juge de la cour fédérale de New York a inculpé le 13 juillet quatre Iraniens pour conspiration liée à une tentative d’enlèvement, pour violation de sanctions économiques, fraudes financières, etc… Un cinquième prévenu vivant aux États-Unis qui est aussi visé par d’autres accusations (mais pas de complot d’enlèvement) a été arrêté.
Les Iraniens présentés comme des officiers de renseignement sont : Alireza Shahvaroghi Farahani alias Vezerat Salimi ou Haj Ali, 50 ans, Mahmoud Khazein, 42 ans, Kiya Sadeghi, 35 ans et Omid Noori, 45 ans. Ils sont actuellement en fuite étant vraisemblablement retournés en Iran. Selon l’acte d’accusation, ils auraient conspiré pour enlever une « journaliste de Brooklyn ».
Bien que n’étant pas nommée, Masoumeh « Masih » Alinejad-Ghomi, une journaliste activiste des droits humains a déclaré qu’elle était la cible des services spéciaux iraniens. Elle irrite profondément Téhéran, car elle est directrice et productrice sur Voice of America (service en persan) et correspondante de Radio Farda, un media d’opposition au régime iranien basé à Prague. Ces deux organismes sont financés par le Broadcasting Board of Governors (BBG) qui gère la politique d’influence américaine à travers des radios et télévisions diffusées à l’international. Elle s’est également distinguée en prenant parti pour le mouvement « antivoiles » en Iran.
Enfin, la citoyenne iranienne vivante en Californie, Niloufar Bahadorifar alias Nellie Bahadorifar, 46 ans, a été appréhendée le 1er juillet pour avoir soutenu les missionnaires sur le plan financier. Depuis 2015, elle aurait reçu 445.000 dollars. C’est elle qui aurait recruté un détective privé pour qu’il surveille l’opposante et ramène des photos et des vidéos « de bonne qualité » de sa personne et de son environnement.
Selon les autorités US, le complot dirigé par Farahani aurait débuté au moins depuis juin 2020. Il s’agissait d’enlever la journaliste à New York, de l’embarquer sur une embarcation rapide qui aurait rejoint un navire en haute mer qui l’aurait acheminée vers le Venezuela. Depuis ce pays « ami » de Téhéran, elle aurait été ramenée dans son pays natal – pour y être jugée -.
D’après Amnesty International, les services iraniens ont arrêté le 23 septembre 2020 trois des membres de sa famille vivant en Iran. Ils auraient publié une déclaration condamnant les agissements de Masih Alinejad. Mais en fait, une tentative pour l’attirer dans un pays tiers où il aurait plus facile de l’enlever qu’aux États-Unis, aurait été montée dès 2018 mais les proches de la journaliste avaient refusé de collaborer en servant d’appât(1), ce qui explique vraisemblablement leur arrestation ultérieure et leur repentance de 2020.
Selon Washington, le groupe d’officier de renseignement désigné préparait aussi des opérations contre des opposants vivant en Grande Bretagne, au Canada et aux Émirats arabes unis (EAU).
Il est parfaitement exact que les opposants au régime iranien restent la cible principale des services spéciaux de Téhéran (le Ministère du renseignement et les pasdarans). Après la révolution de nombreuses opérations homo ont été menées à l’étranger, celle dirigée contre Chapour Bakhtiar et son secrétaire le 6 août 1991 à Suresnes ayant particulièrement marqué les esprits, du moins en France. Il semble que la stratégie actuelle se situe moins dans l’élimination physique d’opposants à l’étranger que dans des manoeuvres plus subtiles mais dont le résultat est tout aussi tragique.
S’il semble indiscutable que cette opposante iranienne ait fait l’objet d’une surveillance approfondie – et c’est d’ailleurs à cette occasion que les traitants iraniens ont dus être identifiés par le FBI -, ce projet d’enlèvement en plein New York puis une exfiltration par la mer reste du domaine du folklorique. Il semble également étrange qu’une cellule des services iraniens se soit vue confier de si nombreuses missions dans des pays étrangers (Canada, Grande-Bretagne et EAU). Il est possible que la communauté du renseignement américaine qui est hostile à toutes reprise de négociations avec l’Iran dans le cadre du JCPOA ait trouvé là un moyen de diabolisation qui devrait faire reculer l’administration Joe Biden.
Il a beaucoup été question de l’arrivée à la présidence iranienne d’un « conservateur » en la personne du juge Ebrahim Raïssi (l’investiture de cette personnalité qui a envoyé à la corde nombre d’individus doit avoir lieu le 3 août). Mais il est utile de ne pas oublier que c’est sous l’autorité de présidents « réformistes » comme Hassan Rohani (2013 – 2021) et Mohammad Khatami (1997 – 2005) que les opposants ont été le plus pourchassés. La raison en est simple : ils se méfiaient moins avec des présidents qualifiés de « modérés » et ont baissé la garde. Au moins, avec les « conservateurs », tout le monde sait à quoi s’en tenir.
1. C’est ce qui est arrivé en 2019 au journaliste iranien Ruhollah Zam réfugié en France. Il s’est rendu à un rendez-vous « mystérieux » à Bagdad où il a été enlevé par les Iraniens. Il a été exécuté en 2020 après un procès expéditif. Voir article raids.fr du 15 décembre 2020 : « IRAN : un opposant pendu ».
Pour aller plus loin : ARTE : À visage dévoilé – Le combat de Masih Alinejad – Disponible : du 14/07/2021 au 18/10/2021
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