Les tensions ne cessent de monter entre Washington et Pékin, l’administration de Joe Biden suivant - pour une fois - la politique menée par celle de son prédécesseur, Donald Trump.

La question se pose donc d’un déclenchement d’une guerre militaire (sur les autres plans, économique, influence ou renseignement, c’est déjà le cas) qui pourrait survenir par exemple si la Chine décidait de « récupérer » Taiwan comme la Russie l’a fait avec la Crimée.
Les Américains ont gardé fort justement un très mauvais souvenir la guerre du Pacifique (106.000 morts), de celle de Corée (37.000 morts) et surtout du conflit vietnamien (60.000 morts) car ce denier s’est terminé par une défaite cuisante.
Et le point central est là : combien les deux camps sont capables de « sacrifier » de soldats dans un conflit hypothétique.
La Chine impériale puis communiste s’est toujours montrée peu avare du sang de ses populations dans le passé perdant des millions de ses compatriotes dans les différents conflits. Rien qu’en Corée, 360.000 soldats chinois ont été tués.
Pour contourner le problème, les Américains ont pratiqué comme ils l’ont fait en Europe centrale et au Proche-Orient : en appuyant des mouvements de contestation ou/et séparatistes via des ONG pilotés par leurs services. En Chine, la crise de Hong Kong et le sort du Xinjiang semblaient être des terrains favorables à cette tactique jusqu’à l’arrivée de la pandémie de Covid-19 qui a détourné l’attention mondiale de ces deux théâtres d’opérations psychologiques. Sur le plan de légalité internationale, il est évident que toute action d’influence dirigée contre la Chine pourrait être considérée comme une politique d’intrusion dirigée contre un État souverain mais il y a belle lurette que la Maison-Blanche ne s’en soucie plus.

Si un conflit militaire se déclenchait dans la région, il ne faut pas oublier que la Corée du Nord reste un allié de Pékin avec un accord de défense toujours en vigueur. Il est évident que la position de la Russie – inconnue à l’heure actuelle mais pas forcément favorable aux États-Unis – serait aussi importante à moins que le Kremlin ne décide de rester neutre regardant ses deux adversaires potentiels s’étriper. Le grand mystère est la position que l’Inde adopterait sans doute tentée d’utiliser la situation à son profit.

Washington compte sur ses alliés locaux pour porter le fer, essentiellement le Japon et la Corée du Sud. Mais, comme au poker, il n’est pas certain que ces derniers « suivent » car ils ont en mémoire les conflits du XXè siècle et l’adversaire déterminé que représentait la Chine. Ils y réfléchiront certainement à deux fois avant de s’engager sauf si leurs intérêts vitaux sont directement menacés. La défense de quelques îlots inhabités mérite sans doute de grandes déclarations à l’ONU, quelques manoeuvres maritimes et aériennes « dangereuses et non professionnelles » (expression communément employée par le Pentagone) mais surtout pas un engagement militaire de grande ampleur.

Il reste le problème de Taiwan. Il est peu probable que les citoyens américains – qui gardent à l’esprit les guerres décrites en début d’article) soient disposés à « mourir pour cette île ». Cette cause n’est pas la leur. Et surtout, la Chine est une puissance nucléaire qui peut frapper directement le territoire américain. Plus le temps passe et que les technologies se développent notamment dans le domaine sous-marinier et des missiles balistiques, plus cette option jugée actuellement comme « probable » passerait au niveau du « possible ». Certes, les Américains ont de leur côté la possibilité de laminer les 14 milliards de Chinois mais ces derniers peuvent aussi faire beaucoup de mal aux 333 millions d’Américains sans compter leurs alliés qui recevraient une bordée histoire de… Il est évident que ce scénario du pire n’est souhaité par personne mais, d’un point de vue purement technique, il est faisable.

Il est prévisible que l’US Navy va continuer à faire des ronds dans l’eau en Mer de Chine méridionale avec parfois le renfort de quelques navires européens, australiens ou néo zélandais venus assurer leur indéfectible alliance avec Washington, mais sans aucune valeur tactique véritable (un peu sur le plan diplomatique, et encore, personne n’est dupe). Inutile de compter le nombre de forces en présence comme cela se faisait du temps de la Guerre froide car les navires et avions de guerre – en dehors d’un incident imprévisible – ne s’affronteront pas de peur de déclencher une escalade incontrôlable.
Par contre, il est juste constater que les Chinois ont tout de même l’avantage du terrain, la zone d’incidents possibles étant à portée de leur aviation terrestre

Tout cela doit être examiné dans le temps long, ce que le président américain, comme tout homme, ne connaîtra pas. Il ne se trompe pas en désignant la Chine comme la puissance qui pourra concurrencer le leadership des États-Unis. Plus globalement, heureusement que les déclarations des différents dirigeants politiques relèvent plus du « Tartarin de Tarascon » (ils proclament haut et fort ce qu’ils n’ont surtout pas l’intention de faire) que de la real-politique (qui se fait discrètement en coulisses). Comme l’affirmait un général turc que l’auteur avait rencontré il y a de (très) longues années en parlant des relations turco-iraniennes (pays qui se détestent sincèrement, mais c’est une autre histoire) : « quand on n’a pas les moyens de gagner une guerre contre un adversaire, on est bien obligé de négocier ». Ce bon sens devrait être appliqué aujourd’hui dans bien des domaines…
Une note d’optimisme tout de même. L’alerte est loin d’être une nouveauté. Alain Peyrefitte, ministre du général de Gaulle a écrit l’essai « Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera » qui est paru en 1973 (chez Fayard)…

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Texte

Alain Rodier

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