Le maréchal Idriss Déby Itno âgé de 68 ans est « mort au front » alors qu’il qui venait tout juste d’être réélu le 11 avril pour un sixième mandat avec 79,32% des voix.

Le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna a déclaré : « Le président de la république, chef de l’État, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad ».

Le 17 avril, d’intenses combats avaient opposé l’armée tchadienne et une colonne de rebelles du « Front pour l’alternance et la concorde du Tchad » (FACT) de Mahamat Mahadi Ali qui avançait vers la capitale N’Djamena depuis le sud libyen. Elle avait été bloquée à environ 300 kilomètres an nord de la capitale et les autorités avaient affirmé avoir neutralisé de plus de 300 rebelles et fait 150 prisonniers.

Le 19 avril au soir, une rencontre aurait eu lieu à Mao au nord de N’Djamena entre le président Déby, une partie de son état-major et des responsables des FACT. Cette réunion aurait dégénéré provoquant la mort de Déby et de quatre de ses généraux.

Le lendemain, l’Assemblée nationale et le gouvernement étaient dissous, un couvre-feu établi de 18h à 5h du matin, les frontières fermées et la Constitution suspendue. Un Conseil militaire de Transition (CMT) de quinze généraux était mis en place avec à sa tête le général de corps d’armée Mahamat Déby Itno (37 ans) commandant la Garde présidentielle. Il devrait gouverner jusqu’à la tenue de prochaines élections fixées dans 18 mois. Il s’est engagé à rendre une pouvoir à un gouvernement civil « démocratiquement élu »…

Cette mort est une perte considérable car le président tchadien était considéré comme le principal élément stabilisateur dans cette région particulièrement tourmentée. Ses hommes intervenaient souvent quand le feu brûlait soit au Sahel, soit aux environs du lac Tchad. Il était le membre le plus sûr du G5 Sahel qui regroupe le Tchad, le Niger, le Mali, la Mauritanie et le Burkina Faso.

Au pouvoir après avoir renversé en décembre 1990 Hissène Habré, le président Déby Itno était contesté par plusieurs mouvements rebelles. Il avait toujours pu compter sur Paris pour se maintenir au pouvoir comme en 2008 et en 2019.

Toutefois, clairvoyant, il s’était montré très critique à l’égard de l’intervention franco-britannique en Libye en 2011 pressentant la déstabilisation globale qui allait suivre ainsi que la menace jihadiste qui allait s’étendre. En 2013, il avait envoyé ses hommes combattre aux côté des Français au Mali lors de l’opération Serval. Leur apport avait vital, particulièrement durant la bataille de l’Adrar des Ifoghas. En février 2021 il avait décidé l’envoi d’un bataillon supplémentaire dans la zone contestée des trois frontières, au Niger.

N’DJamena joue un rôle primordial dans les opérations actuelles menée par la France au Sahel puisque le poste de commandement de la force Barkhane est installé sur la base « Sergent chef Adji Kosseï » dans la capitale tchadienne. L’armée tchadienne qui est très solide compte néanmoins de nombreux morts dans ses rangs depuis 2013.

Outre la lutte contre les organisations jihadistes au Sahel (« le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » et « l’État islamique dans le Grand Sahara »), l’armée tchadienne est aussi engagée dans les opérations menées contre le groupe nigérian Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) particulièrement dans la région du lac Tchad. Noter qu’il était considéré comme un « apostat » (traître à l’islam) par les jihadistes qui lui reprochaient ses relations avec Israël, particulièrement depuis sa visite dans l’État hébreu en 2018 et la venue de Benyamin Netanyahou au Tchad en 2019… C’est un jeune fils trentenaire du président, Abkelkerim Idriss Déby, qui serait chargé des relations avec Israël.

Nul doute que la période va être très difficile dans les semaines et mois à venir, tous les opposants tentant de profiter de la déstabilisation du régime pour le renverser. Si Mahamat Déby Itno a souvent connu le feu aux côtés de son père, sa jeunesse constitue un handicap pour être reconnu par toutes les autorités coutumières du pays. Il est aussi vraisemblable que les groupes islamistes vont accentuer leur pression sur les forces tchadiennes, ce qui était déjà le cas ces derniers mois.

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Texte

Alain Rodier

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