Si les premières tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont observées non pas au Haut-Karabagh (aussi appelé Artsakh), mais à la frontière nord azéri-arménienne en juillet 2020, ce n’est que le 27 septembre 2020 que les combats éclatent réellement, provoquant la mobilisation générale et l’instauration de la loi martiale dans ces deux pays.
Après treize jours de combats et de bombardements, le 10 octobre, une médiation russe permet aux deux parties de s’entendre sur un cessez-le-feu et une reprise des négociations. Quand ces lignes étaient écrites, les escarmouches et tirs d’artillerie ponctuels continuaient.
Cette seconde guerre du Haut-Karabagh est un des épisodes du conflit armé opposant l’Azerbaïdjan et l’Arménie pour le contrôle du Haut-Karabagh, État non reconnu par la communauté internationale depuis son indépendance unilatérale de l’Azerbaïdjan en 1991. Pour les experts militaires, nul doute que l’Azerbaïdjan a planifié et préparé l’offensive contre le Karabakh. Frappé de plein fouet par la dégringolade des cours du pétrole au printemps, à laquelle s’ajoutent un marasme économique et une pandémie de Covid, Bakou a joué la carte du nationalisme (1).
Toutefois, après cinq jours, l’armée d’Azerbaïdjan n’avait pas atteint ses objectifs initiaux, ne prenant ni Mardakert, ni Fizuli dans le sud du Haut-Karabakh, où le terrain est moins montagneux et plus propice aux opérations offensives.
Et ce n’est certainement pas les Arméniens qui ont déclenché les combats, puisqu’ils ont gagné la guerre des années 1990 et occupent, depuis lors, tout le territoire qu’ils souhaitaient. Leur politique unique : normaliser le statu quo.
D’autant plus que l’Azerbaïdjan aurait de grandes difficultés à occuper toute la région du Haut-Karabakh, car le terrain, montagneux, est difficile d’accès et il est tenu fermement par les troupes arméniennes.
Ce conflit ennuie les « grands », Américains comme Russes. Les premiers, parce qu’ils sont proches des deux belligérants, et que la fermeture de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan serait malvenue. Les seconds, parce qu’ils sont liés aux deux frères ennemis : avec l’Azerbaïdjan par le corridor RAI (Russie-Azerbaïdjan-Iran) ; et avec l’Arménie par l’union douanière de l’Union eurasiatique et surtout par l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), équivalent de l’OTAN. La Russie devrait donc intervenir militairement au côté d’Erevan ; heureusement pour Moscou, le Haut-Karabagh n’est pas inclus dans ce traité. D’ailleurs, le 7 octobre, Vladimir Poutine affirmait que la Russie n’interviendrait pas aux côtés des Arméniens, dans la mesure où « les affrontements ne se déroulaient pas » sur le territoire arménien. Se positionnant en arbitre régional, Moscou, qui vend également des armes à l’Azerbaïdjan, appelait les deux camps à arrêter les combats et se disait même prêt à collaborer avec la Turquie, alliée de l’Azerbaïdjan, pour aider à la résolution de ce conflit.
Seul « gagnant » de cette situation : Ankara. Bien que n’étant pas à l’origine de cet affrontement, les Turcs sont présents auprès de leurs frères azéris, avec des avions de combat, des drones et leurs pilotes, et des mercenaires de l’Armée nationale syrienne. En condamnant l’« attaque arménienne », le président Recep Tayyip Erdoğan se pose en défenseur des peuples turciques du Caucase et de l’Asie centrale et flatte la population turque touchée par la crise économique. Parallèlement, il tente de marginaliser l’influence de la Russie dans cette région.
De son côté, l’Iran n’a rien à gagner dans ce conflit. Même si l’on a assisté à un rapprochement irano-azéri ces dernières années, Téhéran reste fidèle à l’Arménie. Le conflit a mis aussi en lumière l’« alliance » de fait entre la Turquie et Israël – lequel fournit également de l’armement à l’Azerbaïdjan.
1. Comme l’Arménie, qui souffre des mêmes maux, pétrole en moins.
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