Les Occidentaux accusent régulièrement les aéronefs militaires russes de se livrer à des provocations en s’approchant de leurs espaces aériens ou d’avoir une attitude « dangereuse et non professionnelle » quand ils interceptent un de leurs appareils. Désormais, les États-Unis et l’OTAN rendent la pareille en s’approchant des marches russes, particulièrement dans la région de la Mer Noire à proximité de la Crimée et de la Mer Baltique près de l’enclave de Kaliningrad. Ces deux régions sont considérées par l’OTAN comme potentiellement à risques en raison des tensions qui perdurent avec l’Ukraine d’une part et les pays nord-européens (pays Baltes, Pologne et maintenant Suède) d’autre part. Ces deux zones sont fortement militarisées et le rattachement de la Crimée (qui abrite l’importante base navale de Sebastopol) à la Russie en 2014 n’est pas reconnue par la communauté internationale.
L’US Air Force utilise intensivement des bombardiers B-52H pour affirmer sa puissance, notamment en mettant eu œuvre les six appareils basés temporairement en Grande Bretagne sur la base de la RAF de Fairford. Ils y sont arrivés le 22 août en provenance de la base aérienne de Minot située dans le Nord Dakota.
Ainsi, le 28 août, un B-52 a été intercepté rudement par deux Su-27 au dessus de la Mer Noire. Il aurait servi d’appât permettant à deux quadriréacteurs RC-135V/W Rivet Joint (appareils de SIGINT -renseignement d’origine électromagnétique- qui captent les communications radio et les signaux électroniques émis par les radars adverses avec de capacités de brouillage) de recueillir des informations sur la défense aérienne russe sur zone.
Le même jour, trois autres B-52 basés en Grande-Bretagne et deux aux États-Unis ont survolé 30 pays de l’OTAN étant escortés par des chasseurs des pays concernés. Les Russes ont donc intercepté dans la région de la Baltique trois avions de guerre électronique (un RC-135V/W américain, un Challenger CL-604 danois et un Gulfstream S-102 suédois) qui accompagnaient un B-52.
Le 4 septembre, les Américains ont renouvelé l’exercice avec trois B-52 (identifiés comme Julia 51, 52 et 53) qui ont survolé l’Ukraine escortés par des Su-27 locaux. Un B-52 s’est approché de la Crimée. Au même moment, plusieurs avions SIGINT américains et un Sentinel R1 plus un AirSeeker britannique (version britannique du Rivet) de la RAF ratissaient un maximum de renseignements électromagnétique sur les défenses de la région. L’alerte donnée, un des cinq Tu-214 russes spécialisés dans les relais de transmissions a décollé de Moscou pour rejoindre la Mer Noire. Il a vraisemblablement participé au trafic radio mis en œuvre par la défense aérienne russe locale qui a dépêché quatre Su-27 et quatre Su-30.
Si tous ces mouvements ont permis aux forces de l’OTAN de recueillir des informations stratégiques sur la défense aérienne russe dans la zone de la Crimée et de Kaliningrad, l’inverse est aussi vrai. Ce n’est pas tous les jours que les Russes peuvent s’entraîner en grandeur réelle à traquer des bombardiers et des avions espions de l’OTAN. Les appareils occidentaux avaient laissé leurs transpondeurs allumés mais il est possible que d’autres avions SIGINT ne l’aient pas fait. Cependant, le ministre de la défense russe, Sergueï Choïgu, a déclaré début septembre que ce n’était pas le nombre de ces missions de reconnaissances (qui ont augmenté de 30% par rapport à août 2019) qui l’inquiétait vraiment mais le fait que les B-52 simulaient des tirs sur des objectifs terrestres ce qui, pour le moins, peut être considéré comme un acte agressif.
Cela dit, les zones de frictions terrestres, aériennes et navales sont de plus en plus nombreuses dans le monde. L’OTAN emmené par Washington vient défier Moscou sur ses marches (quand l’Europe ne demande pas via Berlin au Kremlin de s’expliquer sur une affaire criminelle), le président turc Erdoğan menace au nom d’Allah d’en découdre avec les Grecs et avec le maréchal Haftar soutenu par Moscou et le Caire, etc. Le monde n’est pas à l’abri d’un incident dramatique qui pourrait mettre le feu aux poudres. Le seul début de solution passe par les négociations diplomatiques. Emportés par des intérêts internes, les dirigeants politiques de plusieurs grandes (et moyennes) puissances jouent sur l’escalade en pensant qu’on leur sera gré de la désescalade qui devrait suivre – sauf incident majeur -. Ce jeu est extrêmement « dangereux et non professionnel ».
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