Depuis des années, tous les observateurs s’entendaient pour souligner que le Proche et Moyen-Orient étaient en pleine recomposition. Cela était dû aux « printemps arabes » (devenus des « hivers arabes ») et à la volonté de l’administration américaine de se désengager de la région (pour se retourner contre la Chine) tout en préservant la sécurité de l’État Hébreu. La Maison Blanche aurait accompagné ces « accords d’Abraham » (selon l’expression du président Donald Trump) qui sont les premiers du genre conclus depuis ceux de 1994 entre Israël et la Jordanie. l’Égypte avait été le pays précurseur en 1979 et le président Sadate l’avait payé de sa vie en 1981 assassiné par des activistes du Jihad Islamique, mouvement issu des Frères musulmans qui donnera naissance à Al-Qaida « canal historique ».

Jeudi 13 août, Israël et les Émirats arabes unis ont ainsi annoncé avoir conclu un accord de paix négocié sous l’égide de Washington. Après de longues négociations tripartites, il a été conclu entre Donald Trump, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et le cheikh Mohammed Bin Zayed Al-Nahyane, le prince héritier d’Abou Dhabi. Ce dernier a affirmé que l’accord comportait l’arrêt de l’annexion israélienne de nouveaux « territoires palestiniens […] Lors d’un appel entre le président. Trump et le Premier ministre Netanyahu, un accord a été trouvé pour mettre fin à toute annexion supplémentaire de territoires palestiniens ». Toutefois, Netanyahou ne semble pas être sur la même longue d’onde ayant affirmé dès le 13 soir: « j’ai apporté la paix, je réaliserai l’annexion ».

Le communiqué officiel des trois pays assure que leurs dirigeants ont « convenu de la normalisation complète des relations entre Israël et les Émirats arabes unis […] Cette avancée diplomatique historique va faire progresser la paix dans la région du Moyen-Orient et témoigne de la diplomatie audacieuse et de la vision des trois dirigeants ainsi que du courage des Émirats arabes unis et d’Israël pour tracer un nouveau chemin qui permettra de révéler l’énorme potentiel de la région ». Des délégations israéliennes et des Émirats doivent se rencontrer dans les semaines à venir pour définir les détails de cet accord et ouvrir des

représentations diplomatiques. Si les EAU ouvrent comme cela est prévu une ambassade, elle sera installée à Tel-Aviv et pas Jérusalem, ville considérée par les pays arabes comme une zone occupée et la capitale de l’Etat palestinien.

Il était de notoriété publique qu’Israël entretenait depuis des années des excellentes relations avec les pays sunnites de la région. L’Arabie saoudite, pour des questions de leadership dans le monde musulman ne pouvait se permettre d’ouvrir la voie à une normalisation. Les EAU qui n’ont pas vocation à la même influence pouvaient faire la démarche pour le compte de Riyad. Mais derrière cette véritable révolution, il faut aussi voir la diabolisation de l’Iran chiite (et de son allié de fait le Qatar, « victime collatérale » non souhaitée par Washington) voulue par les USA et l’Arabie Saoudite. Enfin, mais cela n’étonnera personne, la « cause palestinienne » n’est pas vraiment à l’ordre du jour des pays arabo-musulmans.

Ces derniers évènements démontrent à l’envi que le monde ne connaît pas aujourd’hui une « guerre des civilisations » et encore moins une « guerre des religions » mais une profonde fracture au sein de l’Islam entre les chiites et les sunnites, ces derniers étant eux-mêmes éclatés entre les Frères musulmans, les salafistes, les wahhabites, les taliban, etc.

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Alain RODIER

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