S’il est une entité de l’État Islamique qui reste encore peu connue, c’est celle qui se nomme la « province Afrique Centrale » (« wilaya Wasat Ifriqiyah » plus connue en anglais « Islamic State Central Africa Province » – ISCAP -). Comme toutes les autres de par le monde, elle s’est bâtie autour de mouvements préexistants qui ont décidé de faire allégeance à Daech pour obtenir plus de visibilité et afin de recruter de nouveaux adeptes séduits par le côté « révolutionnaire » de cette organisation salafiste-jihadiste. En effet, Al-Qaida ne présente pas cette spécificité, son discours global étant plutôt patriarcal. Il attire donc beaucoup moins les jeunes en mal de reconnaissance.

À l’origine au début des années 1990, les Forces Démocratiques Alliées (FDA ou ADF en anglais) ont fait équipe avec le mouvement ougandais Nalu pour renverser le régime en place à Kampala. N’ayant pas rencontré le succès escompté, les ADF ont repris leur indépendance en 1995-96 et se sont réfugiées dans l’est du Congo où elles se sont dissimulées au sein des populations locales. Toutefois, les ADF restent le groupe armé le plus méconnu de l’Est congolais tout en étant un des plus anciens. En effet, depuis l’arrestation en 2015 en Tanzanie de leur leader ougandais Jamil Mukulu (qui attend dans une cellule européenne d’être jugé par la Cour Criminelle Internationale) remplacé par son compatriote Musa Seka Baluku, elles font figure d’une rébellion qui n’avait pas d’objectif clair. Toutefois, les FDA – influencées par les succès rencontrés par Daech au Proche-Orient – se sont radicalisées en 2015-2016 et ont considérablement accru leurs attaques contre les civils congolais, hommes, femmes et enfants. Elles ont fait allégeance à Daech en octobre 2017 et modifié le nom de l’organisation en Madinat Tawhid wal-Muwahidin (« la cité du Monothéisme et des monothéistes ») ou ADF-MTM. Elles ont alors publiquement déclaré leur intention d’établir la loi islamique en République Démocratique du Congo et en Ouganda (pays à majorité chrétienne). Elles ont reçu des fonds distribués par le « réseau al-Rawi » basé en Irak qui a servi à Daech à financer ses antennes extérieures.

En dehors de Baluku, les principaux responsables de ce mouvement qui serait fort d’un millier d’activistes sont : le chef militaire Lukwago Rashid Swaibu Hood, l’adjoint historique et chef des opérations des FDA, Kayiira Muhammad, le chef du camp Mwalika où sont formées les nouvelles recrues, Amigo Kibirige, son adjoint Nasser Abdu Hamid Diiru, les chefs de guerre Musa Kibuye, Elias Segujja, le Dr. Amisi Kasadha qui ne pratiquerait pas que la médecine…

Les principaux faits de guerre.

En dehors de massacrer les populations civiles, les FDA s’en sont parfois pris aux forces militaires. Le 7 décembre 2017, les FDA ont pris d’assaut la base de la Mission des Nations Unies de Stabilisation pour la République Démocratique du Congo (MONUSCO) de Semuliki près de la frontière ougandaise. Les combats ont fait 15 morts, 53 blessés et 3 disparus parmi les casques bleus tanzaniens. Depuis, ce groupe a revendiqué plus de cinquante opérations (même si ce ne sont pas forcément les FDA qui en sont à l’origine) mais ce n’est que le 18 avril 2019 que Daech revendiquait une première attaque (survenue le 16 avril 2019) en République Démocratique du Congo sous le couvert de la « province d’Afrique Centrale ». Il en profitait pour s’attribuer l’action du 14 novembre 2018 près de Beni qui avait tué huit soldats de l’ONU et au moins douze militaires congolais. Le 22 juin 2020, une patrouille de la MONUSCO tombait dans une embuscade près de la ville de Beni. Un soldat de la Paix indonésien a été tué et un autre blessé. Une revendication de Daech a été émise peu de temps après.

Quelques observateurs pensent que des autorités locales profitent de la présence de ce groupe terroriste pour s’en servir de prétexte pour mener une politique de répression très brutale.

Bien que largement moins connu que l’État Islamique en Afrique de l’Ouest, ÉIAO (qui aurait fait alliance avec l’État Islamique du Grand Sahara, ÉIGS), la province Afrique Centrale semble mener plus d’actions offensives depuis novembre 2019 même si elles sont moins médiatisées. Depuis cette période, elle aurait fait plus de 600 victimes et étendu son action du Nord-Kivu au sud de la province d’Ituri. Pour le moment, il ne semble pas qu’il y ait de liens organiques entre les différents mouvements se réclamant de Daech dans la région. Quant aux Shebabs somaliens, c’est hors de question puisqu’ils sont en guerre ouverte contre Daech.

Comme d’autres mouvements affiliés à Daech, cette « province » profite de la crise du coranivirus pour recruter de nouveaux adeptes en affirmant que cette maladie est voulue par Allah pour punir les « mécréants ». Allant plus avant, tous ceux qui sont touchés par le virus sont invités à rejoindre les pays islamiques car ces derniers détiennent les « vrais médicaments ». Pour eux, la guerre sainte est en conséquence, encore plus pour eux, un devoir sacré. Les vidéos de propagande de la province d’Afrique centrale sont diffusées en langue arabe mais aussi en dialectes luganda et swahili pour étendre leur audience.

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Texte

Alain Rodier

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