Durant les mois de confinement, aucun État dans le monde n’a baissé la garde, militairement parlant ; et plusieurs l’ont fait savoir à coups de démonstrations de force importantes. Celles-ci ont eu lieu durant tout le mois d’avril, au plus fort de la progression de la pandémie. La compétition stratégique des grandes puissances militaires s’est poursuivie – pour la coopération, on verrait plus tard ! Témoin, les États européens qui, face à la crise, ont quelque peu joué personnel. Donc, début avril, la flotte chinoise avec le porte-avions Liaoning, navire amiral, croisait en mer de Chine, après plusieurs incidents entre la marine de Pékin et des navires japonais et vietnamiens. En réponse, Washington décidait de faire manoeuvrer des bombardiers stratégiques basés à Guam, à grand renfort de publicité. Au même moment, dans l’Atlantique-Nord, le porte-avions Charles-de-Gaulle participait à des manoeuvres de l’OTAN, tandis que l’épidémie de Covid-19 se propageait à bord. Les mauvais esprits diront que la Royale ne pouvait pas rééditer l’épisode de l’US Navy quand le commandant de l’USS Theodore Roosevelt décida de stopper sa mission pour cause de propagation du coronavirus parmi ses marins, et cela à l’encontre du secrétaire de la Marine. De son côté, Londres maintenait, malgré un léger retard, les essais opérationnels de son porte-avions HMS Queen Elizabeth. Pendant ce temps, Moscou essayait d’intimider, par des survols à basse altitude de Su-24, Su-27 et Su-30SM, le destroyer USS Donald Cook, qui croisait au large de la Lituanie. À une échelle moindre, l’Iran harcelait avec ses vedettes rapides les navires américains dans le golfe Persique. Et profitant du désengagement occidental et des cantonnements des unités nationales en Irak et en Syrie, le groupe État islamique lançait les attaques les plus importantes jamais réalisées depuis sa quasi-disparition du théâtre des opérations. La question est de savoir, selon les experts, si les décisions de maintenir les exercices, les déploiements et les combats relevaient de l’opportunisme stratégique ou de la poursuite des activités planifiées, et cela malgré un contexte pandémique. Quand les pays européens semblaient empêtrés dans leurs problèmes de stocks de masques et de produits sanitaires, les États « stratèges » que sont la Chine, la Russie et la Turquie (tous d’anciens empires) continuaient d’afficher leurs ambitions et leur vision à long terme. Pour le moment, la Chine apparaît comme la seule puissance à avoir profité de la situation sur le plan militaire. Elle a, par exemple, décidé de créer deux nouveaux districts régionaux dans les archipels contestés des Spratley et des Paracels. Une forme d’annexion, en somme. Le jeu des puissances autoritaires n’a pas changé : il est simplement plus visible en cette période.

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