Les « Afghanistan papers » ou la guerre ingagnable

Début décembre 2019, le Washington Post publiait un dossier accablant sous le titre « Afghanistan papers », tiré d’un rapport réalisé par le Sigar (Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction) à partir de milliers d’entretiens avec des militaires et des fonctionnaires américains. Un titre qui n’est pas sans rappeler les fameux « Pentagon Papers » qui levèrent à l’époque une part d’ombre sur l’opacité du pouvoir américain dans la guerre du Vietnam dont on ne voyait pas l’issue ; d’où un parallèle avec la guerre en Afghanistan.

Ces documents dévoilent les secrets et les échecs de l’engagement américain en Afghanistan depuis 2001, mais aussi les mensonges des gouvernements américains successifs. Durant 19 années de guerre, 2 300 combattants américains, 1 145 soldats de l’OTAN, 3 814 contractors et 67 journalistes sont morts, ainsi que 65 000 soldats afghans, 43 000 civils et plus de 40 000 talibans, pour un coût de 1 000 milliards de dollars. Et tout cela, pour en arriver à un immense fiasco.

Fiasco que trois administrations successives, Bush, Obama et Trump, ont essayé de cacher. Dans ce rapport, les officiers, les responsables civils et les diplomates expliquent qu’ils sont incapables de savoir qu’elle est la mission réelle, car très rapidement les buts ont été perdus de vue. D’ailleurs, même le secrétaire de la Défense Donald Rumsfeld reconnaît qu’il n’a « aucune visibilité sur l’identité des ‟méchants” »… Les différents intervenants se demandent si l’ennemi c’est les talibans, Al-Qaïda, le Pakistan, ou les chefs de guerre qui composent le gouvernement de Kaboul !

Dès le début, Washington réalise que la mise en place d’un gouvernement afghan est une utopie (en 2006, les Américains annoncent clairement que l’État afghan n’est qu’une « kleptocratie ») et que la formation d’une véritable armée afghane est quasi irréalisable.

La Maison Blanche et le Pentagone vont cacher la vérité aux Américains et mentir sur les chances de succès. Ils ne diront pas que les masses énormes de dollars envoyés en Afghanistan n’auront finalement servi qu’à alimenter la corruption et la production d’opium.

L’un des officiers interrogés déclarera même : « Si les attaques se multipliaient, c’était la preuve que nous étions en train de gagner, que les talibans étaient désespérés »…

Alors que les États-Unis tentent aujourd’hui, par la négociation avec les talibans « désespérés », de sortir de ce bourbier, comment ne pas faire un parallèle, toute proportion gardée, avec ce qui se passe au Sahel ?

Éric MICHELETTI

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