L’école de sniping des forces spéciales (FS) grecques forme des tireurs d’élite depuis 2000, ce qui en fait une école relativement récente, mais qui intègre toutes les composantes du combat moderne. Ses formateurs sont non seulement diplômés des écoles de sniping américaines et de l’OTAN, mais ils ont également servi en tant que cadres dans ces mêmes structures.
Avec de nombreuses autres formations aux opérations spéciales, l’école de sniping des FS grecques fait partie du centre d’entraînement à la guerre non conventionnelle, situé en Macédoine grecque, dans le nord du pays. La formation est réservée aux soldats professionnels, sous-officiers et officiers, ayant au moins huit ans de service au sein de l’armée de terre, de l’aviation, de la marine, de la police ou des gardes-côtes grecs.
La première promotion fut activée en 2000, pour une durée de deux semaines, suivant les suggestions des opérateurs des forces spéciales grecques qui venaient de passer le stage de l’International Long Range Reconnaissance Patrol School (ILRRPS) de l’OTAN. En 2002, la spécialité de tireur d’élite fut mise en place au sein des SOF de l’armée de terre avec un cursus avancé de dix semaines. Les premiers instructeurs étaient successivement passés par l’US Special Forces Sniper Course (SFSC), la NATO Basic Sniper School (BSC) et le High Angle/Urban Sniper Course (HA/U) de l’International Special Training Center allemand.
La sélection des candidats à la spécialité de sniper se déroule dans leur unité d’origine : seuls les meilleurs tireurs sont envoyés à l’école de sniping des forces spéciales. Dès leur arrivée au camp, ils sont soumis à des tests physiques : ils doivent effectuer une course de 3 200 m en moins de 16 minutes, puis 34 pompes et 42 abdos en un temps minimal, nager 50 m en treillis et rangers, et ils finissent par une marche/course de 7 km à parcourir, avec un sac de 20 kg, en moins de 52 minutes.
Les candidats retenus doivent obtenir un bon score au pas de tir avec un M16A2 à 100 m, effectuer correctement une course d’orientation avec carte et boussole. Puis ils passent un examen écrit comprenant des exercices de trigonométrie, de géométrie (avec le théorème de Pythagore) et de mathématiques. La théorie est prépondérante pour comprendre les principes de balistique durant le cours de tir à longue distance. Au moindre échec, les candidats sont renvoyés dans leur unité d’origine.
Le véritable entraînement au sniping commence avec le zérotage de leurs M16A2 à l’aide des organes de visée mécaniques et de lunettes Trijicon ACOG 4×32. Ensuite, ils effectuent des tirs à des distances croissantes : 100, 200, 300, 400, 500 et 600 m, puis à des distances inconnues. Ils doivent estimer leurs distances en utilisant uniquement leurs yeux et des jumelles dépourvues de télémètres, à l’aide de méthodes de mesure baptisées « Spetsnaz », « Boers » et « Max ». Parce que la distance est seulement l’un des paramètres qui affectent la balistique, les stagiaires apprennent à se servir des instruments de mesure du vent, de la température, de l’humidité et de la pression de l’air.
L’entraînement au tir individuel passe progressivement au tir en binôme, le tireur et l’observateur échangeant régulièrement leurs postes pour être aptes à remplir les deux rôles. L’observateur se positionne derrière le tireur et lui donne des estimations balistiques, et en quelques jours, ils deviennent capables de visualiser la vapeur créée par l’ogive en vol vers la cible ! Après avoir tiré des milliers de munitions, les stagiaires maîtrisent l’art du tir de précision à des distances inconnues, avec des scores élevés.
Le concept de sniper des forces spéciales
L’école de sniping des forces spéciales grecques se réfère au concept du binôme de tireurs d’élite, avec un tireur et un observateur. Le meilleur sniper devient observateur et chef du binôme, car l’estimation de la balistique est plus importante pour réussir un tir à longue distance que le tir lui-même. Leurs missions sont la destruction de cibles, la reconnaissance spéciale et la guerre non conventionnelle.
La destruction de cibles comprend la neutralisation de cibles de haute valeur sur et derrière la ligne de front, la destruction à longue distance de soft targets (installations de télécommunication, radar, etc.) et de systèmes d’armes (pièces d’artillerie, lance-missiles, avions, hélicoptères, embarcations de petite taille, etc.), le guidage de tirs d’artillerie et de feux aériens par des avions de combat ou des hélicoptères d’attaque à l’aide de désignateurs laser, ainsi que le soutien de raids et d’opérations spéciales.
La reconnaissance spéciale consiste à établir des postes d’observation, à localiser et observer des installations stratégiques, des unités de combat ennemies, leurs mouvements, des cibles de haute valeur et des systèmes C4I.
Enfin, harcèlement de troupes d’occupation, embuscades, soutien de forces spéciales lors d’infiltrations, désignation de cibles, recueil du renseignement font partie du champ opératoire de la guerre non conventionnelle.
Un entraînement rigoureux
Parce que les snipers des forces spéciales sont également de précieux capteurs de renseignement derrière les lignes ennemies, les candidats apprennent à observer un lieu et à réaliser des croquis topographiques détaillés. Ces connaissances leur servent également dans la désignation et l’acquisition de cibles, la base pour une mission de sniping. Le principal exercice en la matière est baptisé « jeu de Kim » (Kim est le nom du personnage d’espion de Rudyard Kipling, c’est aussi l’acronyme de keep in mind [garder à l’esprit]). Lors de cet exercice, les stagiaires doivent repérer à travers leurs lunettes de visée et mémoriser dix objets partiellement cachés (cartouches, armes, casques, etc.). Ils doivent s’en souvenir et savoir les décrire avec précision.
La vigilance est la première priorité. Les candidats restent assis, cachés dans les broussailles dans une grande portion de terrain, et observent un instructeur durant de longues heures. L’instructeur montre régulièrement des cartes à jouer et les stagiaires doivent être en mesure de noter l’heure et le chiffre de la carte, sans être distraits ou endormis. Après des journées intenses d’entraînement physique, l’exercice n’est pas facile pour ces élèves snipers, privés de sommeil.
Dans l’optique d’un entraînement au recueil du renseignement, les stagiaires doivent également apprendre à réaliser des postes d’observation camouflés et à y rester durant plusieurs jours, observant des cibles et transmettant les informations au commandement.
Une capacité prépondérante dans le sniping réside dans l’approche discrète vers un objectif. Le stalking (de l’anglais to stalk : traquer), compétence ancestrale de la chasse, est l’un des principaux piliers de l’entraînement de l’école de sniping. Les candidats doivent ramper, parfois sur des kilomètres, revêtus de ghillie suits réalisées par eux-mêmes et usant de techniques de camouflage pour rester invisibles aux vues de leurs instructeurs.
Sur un terrain rocailleux et par les températures élevées de l’été grec, un tel entraînement est particulièrement éprouvant. Les tenues de combat se déchirent et les soldats sont couverts de bleus et de coupures. Les coups de chaleur ne sont pas inhabituels, et les candidats perdent beaucoup d’eau. Plus d’une fois, lors de longues et lentes reptations, les candidats rencontrent des serpents venimeux ou des scorpions, auxquels ils doivent s’habituer.
Le futur sniper doit s’approcher à moins de 100 m de ses instructeurs et tirer deux coups sans être vu. Après le premier tir, le « walker » (l’un des deux instructeurs) s’approche du tireur tandis que le second instructeur lève des cartes avec des lettres que le sniper doit être capable de lire correctement au « walker ». Ensuite, ce dernier s’approche à moins de 3 m du tireur et le second instructeur tente de localiser le candidat en demandant au walker de se placer là où il pense l’avoir repéré. S’il n’arrive pas à le localiser, le stagiaire tire un second coup.
L’instructeur resté en observation cherche un éclat, de la fumée, un mouvement, et n’importe quoi qui trahirait le tireur d’élite. Si celui-ci reste invisible, le walker place une carte rouge devant lui et vérifie s’il n’y a pas d’obstructions devant le canon de son fusil, s’il a correctement réglé ses organes de visée, s’il a fait une estimation correcte du vent, de la température et des autres paramètres balistiques, et s’il a utilisé sa cale de crosse. Si tous ces éléments sont corrects, le candidat obtient un score de 100 %.
Le cours s’achève par un grand exercice de sniping à balles réelles. Les futurs snipers se voient attribuer des missions telles que la neutralisation d’officiers supérieurs derrière les lignes ennemies, la mise en place de postes d’observation clandestins et la transmission d’informations, le guidage de frappes aériennes contre des installations ennemies, etc. Mais l’objet principal de cet exercice est d’approcher silencieusement les cibles et d’effectuer des tirs de précision sans être repérés, puis d’éviter la capture. Les binômes de snipers sont héliportés sur leur lieu de départ mission, avant de s’infiltrer au sol en territoire ennemi.
Tous les candidats ne réussissent pas ce stage. Seuls deviendront des snipers de forces spéciales ceux ayant obtenu au minimum les scores suivants : stalking : 85 % ; estimation des distances : 80 % ; mémorisation : 70 % ; observation : 70 % ; croquis topographique : 70 % ; tir de précision : 85 % ; tests écrits : 70 %.
Ceux qui ne réussissent pas le stage sont renvoyés dans leur unité où ils deviennent tireurs de précision au sein de leur groupe de combat.
Pour les snipers qualifiés, l’entraînement ne s’arrête pas ici. Ils sont déjà qualifiés Ranger et continuent leur cursus avec le cours de survie et évasion (type SERE) et le cours de tir de réaction rapide lors duquel ils apprennent des drills de CQB et de contre-embuscade. Tous les candidats snipers sont déjà qualifiés parachutistes à leur entrée au stage : après celui-ci, ils poursuivent leur formation pour devenir chuteurs opérationnels et, pour certains d’entre eux, plongeurs offensifs.
Les armes des snipers des forces spéciales grecques
L’arme principale des snipers des FS grecques est le fusil Barrett M82A1M en calibre .50, équivalent du M107 de l’US Army ou du M82A3 de l’US Marine Corps, avec un rail Picatinny au-dessus du bloc principal, un monopode sous la crosse, ainsi qu’un bipied allégé et un frein de bouche tous deux détachables. La puissante cartouche de 12,7 x 99 mm OTAN délivre la puissance de feu nécessaire à leurs missions jusqu’à 1 800 m.
L’optique en dotation est la Swarovski M32 10×42 pour le tir diurne, et la Theon NX-135B de fabrication grecque pour le tir de nuit. L’arme mesure 1,40 m de long pour poids de 13,5 kg en ordre de combat.
Le M82A1M est utilisé pour la destruction de petites embarcations ennemies, l’endommagement de bâtiments de surface plus importants (radars, missiles et personnels de pont), la destruction d’aéronefs au sol et durant l’atterrissage, ainsi que d’installations (dépôts de carburant, radars de recherche, communications, etc.) et de personnels clés.
L’autre arme de dotation, destinée aux observateurs, est le fusil M16A3 en 5,56 x 45 mm, une version du M16 configurée pour le tir de précision avec une poignée supérieure détachable et un rail Picatinny sur lequel est montée une lunette Trijicon ACOG 4×32 à laquelle vient s’ajouter une optique PVS-9 Simrad KN200 ou 250 pour le tir de nuit. Le M16A3 permet des tirs antipersonnel pour la protection du binôme jusqu’à 400 m et, avec un silencieux, l’élimination de sentinelles en discrétion.
Plusieurs exemplaires de ces armes seront remplacés ou complétés dans un futur proch. Le M82A1M sera conservé dans le rôle de fusil de sniping antimatériel, et probablement complété par une arme en calibre .338 qui offre la même portée pratique avec un poids plus léger et moins de recul.
Le M16A3 sera remplacé par un nouveau fusil semi-automatique en 7,62 x 51 mm. Les forces spéciales grecques envisagent la modernisation des M14 de la marine au standard Mk14 SOCOM, mais le projet est considéré comme trop coûteux. L’autre possibilité réside dans la mise à niveau de HK G3 avec une crosse réglable, un garde-main avec rail Picatinny, un sélecteur de MSG-90 et un bipied Harris
Publié le
Texte
Photos
Emmanuel Vivenot