Les commandos parachutistes de l’air ont été créés il y a tout juste 60 ans pour la durée de la guerre d’Algérie. Boostés par les opérations en Afghanistan et en Afrique, ces « couteaux suisses » sont aujourd’hui très demandés en opérations extérieures grâce à leur polyvalence et leur capacité d’adaptation. Le CPA 10 œuvre exclusivement pour le COS, tandis que les CPA 20 et 30 sont engagés au profit de l’armée de l’air (protection des bases) ou des bataillons de l’armée de terre (guidage de frappes et coordination 3D).

rée de la guerre d’Algérie, le 12 mars 1956 : les commandos parachutistes de l’air (CPA), provenant de toutes les spécialités de l’aviation de l’époque, n’ont pas tardé à faire preuve de leurs talents, mentorés quelques semaines par les paras de Bigeard et les légionnaires des 1er et 2e REP. Leur engagement avec les hélicoptères de l’armée de l’air s’avère vite prolifique, mais le choix des cadres des CPA de participer au putsch d’Alger interrompt brutalement cette dynamique : ils sont dissous, à l’exception du CPA 50 affecté en Allemagne.

La composante perdure néanmoins sous une forme alternative, avec un escadron de protection et d’intervention (EPI) mobilisé notamment pendant l’opération Lamentin (1977-1980). A bord de Transall, les commandos seront capables d’aller secourir un pilote de Jaguar éjecté ou un équipage d’ATL-1 en perdition. C’est, en quelque sorte, les prémices de la RESAL (recherche et sauvetage aérolargué) qui sera mise sur pied pour l’Afghanistan, en 2002 par le CPA 10.

La nécessité de contribuer au COS permet à l’armée de l’air d’affirmer sa spécificité, en fournissant, en 1994, une composante spéciale incarnée dans l’escadron d’intervention des commandos de l’air (EICA), dotée de deux commandos numérotés 10 et 40. Au final, seule l’appellation de CPA 10 survivra, et l’unité sera transférée de Nîmes à Apt, puis à Orléans.

CPA 10

Le CPA 10 détient 248 personnels, et comme toutes les unités œuvrant pour le COS, il n’arrive pas à combler son sous-effectif. La compagnie opérationnelle aligne neuf groupes action (GRA) d’une dizaine d’hommes chacun, ce qui lui permet d’en engager trois en permanence dans la durée. Pas difficile, aujourd’hui, de leur trouver une destination, avec un GRA au Sahel, un autre au Levant, et le dernier à Djibouti. Sur ces neuf GRA, trois sont composés de chuteurs opérationnels, dont une équipe oxy, capable d’être larguée entre 4 000 et 8 000 m d’altitude. Ces chuteurs ont réalisé régulièrement des sauts opérationnels en Centrafrique (2007) et au Sahel (2011, 2013, 2014, 2015).

Ce théâtre n’a aucune comparaison avec ceux rencontrés par l’unité depuis son intégration au COS. Tous les mandats (de quatre mois) débouchent sur des ouvertures du feu, souvent intenses. Rappelons que deux chuteurs opérationnels y ont perdu la vie (l’adjudant Thomas Dupuy, en 2014, et le sergent-chef Alexis Guarato en 2105) et que plusieurs personnels ont été blessés.

Le CPA 10 est spécialisé dans quatre missions-reines qui le rendent spécifique au sein du COS : ODESAA (frappe aérienne dans la profondeur), RESEDA (prise de plateformes aéroportuaires), marquage d’opérations spéciales (MOS4) et imagerie spatiale. Chacune nécessite des savoir-faire extrêmement pointus, une des explications de la moyenne d’âge de l’unité (34 ans) et de la fidélité des personnels.

Prenant en compte les retours d’expérience (retex), les anticipant pour certains, l’unité a aussi développé des savoir-faire spécifiques sur l’identification biométrique des indices du champ de bataille (ou sight sensitive exploitation), évidemment valorisés sur le théâtre sahélien. 

Le CPA 10 aligne aussi une capacité nouvelle de cynotechnie, qui a servi à plusieurs reprises sur ce même théâtre, notamment lors d’une attaque terroriste à Ouagadougou, où l’unité fut en première ligne.

Ses personnels de soutien sont « opexables », au même titre que les GRA. Un… comptable est ainsi revenu d’Afghanistan avec une croix de la Valeur militaire (CVM) pour avoir su utiliser énergiquement une 12,7 mm sur la tourelle d’un VAB. Au moins un mécanicien a été largué (en OA) au Sahel pour aller réparer un VPS en difficulté. Et un des EOD a réalisé son premier saut opérationnel en tandem, lors de la prise de Tessalit, en février 2013 ! Les personnels de l’antenne médicale spécialisée (AMS) sont, quant à eux, directement injectés dans les GRA et ils sont tous brevetés paras, certains détenant même des compétences de chutops. En janvier 2011, lors d’une tentative de libération d’otages au Niger, le propre médecin de l’unité avait fait sauter en tandem son infirmier !

Rappelons que le CPA 10 est un des trois piliers des forces spéciales air (FSA), avec l’escadron de transport d’opérations spéciales (ETOS) 3/61 « Poitou » et l’escadron d’hélicoptères (EH) 1/67 « Pyrénées ». Contrairement à une idée largement répandue, c’est bien l’armée de l’air qui équipe sa composante, et non le COS (qui est l’employeur opérationnel).

CPA 20

L’unité aligne aujourd’hui 272 hommes et femmes, dont 90 en groupes spécialisés et la valeur d’une compagnie de force protection (FP).

Le CPA 20 fut longtemps commando d’honneur de Paris, basé à Saint-Cyr-l’Ecole, puis commença sa mue tactique à Villacoublay. Il est basé actuellement à Dijon pour quelques semaines. Spécialisé d’abord dans les MASA (mesures actives de sûreté aérienne) et dans la personnel recovery (récupération de personnel isolé en zone hostile), il aligne des capacités de force protection (FP). C’est l’Afghanistan qui lui donne un coup de fouet, boostant les équipes de guidage aérien (Tactical Air Control Party ou TACP) et leur spécialiste du guidage, le JTAC (joint terminal air controller). Le CPA 10 a assuré le transfert de la compétence en 2006. Aujourd’hui, l’unité compte 10 JTAC, en léger sous-effectif, du fait du départ d’officiers formés à l’été 2015 (il faut plusieurs mois pour former un JTAC). La cause principale est liée à la mobilité des officiers. Il aligne une compagnie de groupes spécialisés en appui aérien et en personnel recovery. Chacun dispose d’un binôme de tireurs embarqués appui-feu air-sol (TE AFAS).

Le CPA 20 doit aussi tenir un contrat capacitaire de cinq contrôleurs tactiques air (CTA), dont un JTAC, un sous-officier opérations et un radio, parfois un interprète photo (IP). Ces CTA sont nés après Uzbeen pour loger auprès des commandants de bataillons de l’armée de terre une capacité de coordination de la 3D qui n’existait pas en interne.

Fin mars, le CPA 20 armait des détachements au Tchad (CTA et renforts FP), au Mali (CTA à Gao et TACP au profit du détachement de liaison et d’assistance opérationnelle n°3 d’Ansongo), au Niger (FP) et en Centrafrique (TE AFAS), ainsi qu’en Jordanie où sa composante force protection est actuellement leader. A l’instar de ce qui avait été mis en place à Kandahar avec le RAF Regiment, puis pratiqué au Mali, le CPA 20 assure des patrouilles extérieures (PATEX) réalisées avec les forces locales.

Cet essaimage peut sembler impressionnant, mais l’unité ne déployait « que » 30 % de son effectif fin mars, contre 38 à 39 % en moyenne ces derniers mois. L’unité maintient aussi des modules en alerte « Mousquetaire », pour renforcer les escadrons de protection de bases. L’unité devrait aussi contribuer à la sécurité du Championnat d’Europe de football.

Le CPA 20 va quitter Dijon cet été. L’essentiel de l’effectif, soit la compagnie de force protection, rejoint Orange (240 personnels à l’été), tandis qu’environ 90 hommes migrent sur Orléans pour former le commando 21.

Le commando 21

En 2017, l’unité appelée provisoirement commando 21 regroupera huit ou neuf groupes (ou MRTS) à 13 ou 15 commandos chacun, dont un binôme TE AFAS, un cyno, un JTAC et des spécialistes (radio, opérateur laser, etc.), et quatre ou cinq groupes dès cet été. L’effectif de chaque MRTS est taillé pour prendre en compte les stages, les blessures, les repos et les projections opérationnelles.

Tous seront évidemment brevetés paras pour sauter en OA. Deux des MRTS (dont l’actuelle MRS31 du CPA 30) ­seront ­chuteurs SOGH (saut opérationnel à grande hauteur). Cette capacité a été curieusement peu exploitée par Barkhane, bien que des CPA, chuteurs ou non, aient été déployés depuis 2013. Le premier saut à ce jour a été réalisé par le CPA 30. Il avait été envisagé que ses personnels sautent avec le 2e REP à Tombouctou en janvier 2013 ; finalement, ils étaient au sol pour les guidages, arrivés de Bamako par la route.

A ce stade, l’effectif final devrait osciller entre 150 et 170 personnels, en comptant le soutien, dont environ 130 commandos en groupes. Ce sont les CPA 20 et 30 qui fournissent l’essentiel de l’effectif. Le « harpon » est déjà arrivé, et la première capacité doit être déclarée en août, avec l’arrivée de 90 personnels du CPA 20 et une petite dizaine du CPA 30. Une quarantaine pourrait suivre en 2017.

Le commando 21 sera commandé par l’actuel second du CPA 20, qui devrait ensuite passer second une fois que l’unité aura son format définitif et son nom de CPA 30. L’actuel second (et ancien chef ops) du CPA 30, qui passera chef cet été, suivra en 2017 à Orléans. La composante force protection de l’actuel CPA 20, agrégée avec une partie de celle de l’actuel CPA 30 (une vingtaine d’hommes), migrera dès cet été sur Orange, avec l’actuel chef du CPA 20. En 2017, le reliquat viendra de Mérignac, soit une centaine de commandos, pour aligner au final environ 320 à 340 personnels. Le CPA 21 prendra alors son appellation définitive de CPA 30.

Ce partage des missions – et la spécialisation des CPA qui en résulte – est dicté par la nécessité de concentrer le matériel spécialisé, actuellement dispersé entre deux sites de métropole. En colocalisant le CPA 21 avec le CPA 10, on crée évidemment un effet d’émulation, en contribuant notamment à combler les lacunes existantes dans le combat commando, qui est souvent la faiblesse la plus relevée lors du stage Belouga, lequel forme les opérateurs du CPA 10.

A ce stade, il n’est pas prévu que les personnels du CPA 21 puissent être utilisés comme ressource du CPA 10, même si la proximité d’un tel « vivier » est évidemment un atout. Ponctuellement, il ne faut toutefois pas exclure des ponctions de personnels spécialisés, comme les maîtres-chiens ou encore les JTAC, qui ont pu être mobilisés, par le passé, par les task forces du COS.

CPA 30

Dernier des trois commandos recréés, le CPA 30 est recomposé en 1994 pour fournir des modules de recherche et de sauvetage (MRS) aux hélicoptères du « Pyrénées ». Il regroupe désormais 210 personnels, contre un maximum de 230 ces dernières années. L’organisation a quelque peu évolué avec le nouveau chef – alors second –, installé début 2015. Les MRS (chacun d’une douzaine d’hommes) sont concentrés dans un commando spécialisé nommé Aramis. Deux autres commandos, Artagnan et Athos, portent les modules de protection et d’intervention (MPI), chacun à une douzaine de commandos également.

Une cellule cyno regroupe aussi six binômes, dont un est spécialisé ARDE (recherche et détection d’explosifs). Comme le CPA 20, le 30 a participé à des opérations de fouille opérationnelle spécialisée (FOS), durant l’une d’elles un des maîtres-chiens du commando a été blessé.

Les trois commandos sont supervisés par une cellule de commandement des commandos, dirigée par un capitaine. Cette C3 permet de pallier l’absence de cadres, en formation ou en mission. Par contre, la cellule innovation a été dissoute en 2015, consacrant, de fait, l’apport de la division aéroterrestre du CEAM.

Le CPA 30 était, en mars 2016, déployé en Guyane (MASA), en Jordanie (Chammal), au Niger et à N’Djamena. Les trois mandats concernaient la force protection, N’Djamena disposant en outre d’un TE AFAS. En général, le binôme est relevé tous les deux mois, en même temps que les équipages d’hélicoptères avec lesquels ils sont associés.

C’est dans la bande sahélo-saharienne (BSS) que le CPA 30 s’est avéré le plus efficace en quelques semaines, assurant notamment un tir d’arrêt sur un véhicule en mouvement. C’est, semble-t-il, le premier du genre réalisé par les CPA conventionnels depuis qu’ils déploient des TE AFAS dans la BSS, soit 2015. Le MRS31 a également assuré, ces dernières semaines, un saut opérationnel SOGH depuis un Caracal du « Pyrénées ». Le CPA 30 avait déjà, quelques mois plus tôt, ouvert cette capacité SOGH sur Caracal, dans la BSS. 

Même s’il reste relativement réduit en effectif (six chuteurs, dans ce cas-ci), le saut fut une démonstration de plus de la capacité de diversification des missions des CPA. Sur cette opération, l’équipe a assuré une mission de renseignement de 36 heures, avant d’être récupérée par Caracal.

Des unités très équipées

La traque permanente de l’innovation par le CPA 10 a très largement profité à toute l’armée de l’air, particulièrement aux CPA conventionnels. Deux fruits des cerveaux de ses Geo Trouvetou ont été primés par la mission innovation participative (MIP) : le système Scarabée, qui a initié le DACAS (distingué en 2008), et Sttratageme (en 2014), qui permet le transfert d’un flux d’imagerie à plusieurs milliers de kilomètres. Les chuteurs opérationnels du CPA 10 sont aussi focalisés, depuis plusieurs années, sur les voiles hybrides et les charges pilotées. L’intérêt d’un tel système est évident, alors que, depuis des années, les masses tout équipé (MTE) sont régulièrement explosées, au risque de mettre en jeu la sécurité des personnels. Alors que les solutions techniques sont éprouvées et… disponibles depuis des années.

C’est le cas aussi en matière de drones. Le CPA 10 possède une compétence déjà ancienne, et met actuellement en œuvre le Skylark israélien (acquis en crash program par le COS en 2007), tout en expérimentant de nouvelles solutions. Il a développé en interne un drone multirotor baptisé Dracula, et a expérimenté plusieurs autres modèles de tailles diverses, comme le Black Hornet du britannique Prox Dynamics, de taille ultra-réduite, mais aussi le Wasp AE, qui semble avoir plus convaincu à Orléans que dans la marine. Le CPA 20 Force Protection bénéficiera, quant à lui, d’un engin qui va être expérimenté dès le mois de juin par le Centre d’expertise aérienne militaire (CEAM). 

Côté armement, les livraisons récentes concernent des Glock 17 (remplaçant le PAMAS G1) pour les CPA 20 et 30, et des Barrett.

Les innovateurs de l’unité continuent encore leur œuvre au sein de la division aérotactique du Centre d’expertise aérienne militaire.

C’est là qu’est développé un nouveau VAB pour les groupes spécialisés des CPA. Vingt exemplaires seront équipés pour l’ALI (air land integration). Ce véhicule pourra servir aussi bien à un TACP qu’à un CTA mobile, grâce à ses liaisons de données tactiques (Rover, Scarabée, etc.) et ses communications adaptées (notamment SATCOM). Un mini-tourelleau sera aussi intégré pour accueillir une JIM-LR et éviter ainsi d’avoir à exposer un opérateur hors de la protection du blindage.

Seul le CPA 10 recevra des PLFS, VLFS et quads. Ces derniers seront acquis directement par l’armée de l’air, tandis que les deux premiers sont issus d’un programme du COS. 90 véhicules seront livrés en 2017 et 2021, permettant de renouveler considérablement la flotte du CPA 10, éprouvée par les opérations au Sahel.

Comme les escadrons de protection, les CPA devraient aussi recevoir un volant de Ford Ranger (cinq hommes et plus d’une tonne de charge utile) et de Volkswagen Rockton, pour les déplacements en métropole.

Publié le

Photos

Jean-Marc Tanguy