Alors que la Suède et la Finlande ne font pas partie de l’OTAN, la Norvège est un membre historique de l’Alliance depuis sa création en 1949 et joue un rôle de premier plan dans la NORDEFCO, coopération nordique en matière de défense. Depuis la création du Forsvarets Spesialstyrker, les forces spéciales constituent une branche à part entière de l’armée norvégienne, sur laquelle RAIDS revient dans ce dossier sur les forces spéciales de l’OTAN en Europe.

Les forces spéciales norvégiennes ont été réorganisées le 1er janvier 2014 avec la création du Forsvarets Spesialstyrker (ou NORSOCOM en anglais), qui regroupe les unités spéciales issues de la marine et de l’armée de terre au sein d’un commandement indépendant. Comme pour la plupart des unités scandinaves, les informations disponibles concernant les effectifs et la structure de l’unité sont extrêmement parcellaires, voire secrètes. Toutefois, on sait que le Forsvarets Spesialstyrker est commandé par un général deux étoiles et que sa structure de commandement comporte 37 postes.

De la même manière qu’au Danemark et aux Pays-Bas, les forces spéciales du Forsvarets Spesialstyrker sont issues de deux armées, dont elles ne font maintenant plus partie : l’armée de terre, avec le Forsvarets Spesialkommando (FSK), et la marine, avec le Marinejegerkommandoen (MJK). La création d’un commandement unifié et indépendant ne résulte pas d’un échec opérationnel ou d’un retour d’expérience, mais d’une croissance du rôle attribué aux forces spéciales dans la stratégie de défense norvégienne.

Contre-terrorisme maritime

Créés en 1953, les nageurs de combat norvégiens sont la plus ancienne des deux unités. A partir de 1968, ils furent divisés en deux spécialités : d’une part, les Marinejegerlaget (MJL), élément offensif dédié au sabotage sous-marin et à la reconnaissance en zone côtière, et composé originellement de 30 éléments dont 15 réservistes ; d’autre part, les Minedykkere, élément défensif destiné au déminage sous-marin, créé sur le modèle des Underwater Demolition Teams américaines et auprès desquelles l’un de ses premiers éléments fut formé. A la fin des années 70, les MJL reçurent des équipements de communication longue portée, avec pour objectif la capacité de mener des opérations spéciales conjointes avec les autres unités norvégiennes. En 1992, l’unité changea son nom en MJK et accrut ses effectifs, de même que ses tactiques et procédures pour élargir son champ d’action au contre-terrorisme maritime.

Jusqu’en 2005, tous les opérateurs recrutés étaient dénommés Marinejeger (MJ), formés prioritairement aux missions sous-marines. Par la suite, le MJK s’est doté de spécialistes dans les opérations littorales et côtières, dénommés Spesialbatoperator (SBO). Aucune information n’a filtré sur la répartition des effectifs entre MJ et SBO au sein du MJK.

Les missions premières du MJK sont la reconnaissance maritime, la démolition sous-marine et les opérations spéciales navales : celles-ci incluent l’ISR d’origine humaine et tout le spectre des actions directes, auxquelles s’ajoutent le maintien d’une expertise dans le domaine des opérations en zone polaire et une responsabilité prioritaire concernant les zones ouest et nord du territoire norvégien.

Le MJK se voit attribuer des missions à haut risque, travaillant en boucle courte sur des actions clandestines conduites en équipes réduites contre des objectifs stratégiques. Il est également sollicité par la police norvégienne, si celle-ci requiert ses compétences en matière de contre-terrorisme, notamment maritime. Un attentat sur une plateforme pétrolière nécessiterait une réponse que seul le MJK serait à même de conduire, étant donné les conditions extrêmement difficiles de ce type d’intervention en zone polaire ou subarctique.

Commandos parachutistes

L’histoire du FSK remonte à 1962, date à laquelle fut créée la Hærens fallskjermskole, l’école parachutiste de l’armée de terre, qui fut rebaptisée Hærens Jegerskole en 1971, l’école des Rangers norvégiens, dont le rôle était de conduire des patrouilles de reconnaissance profonde. Les attentats aux Jeux olympiques de Munich survenus l’année suivante, puis la découverte de champs pétrolifères en 1976 poussèrent le gouvernement à créer une unité capable d’assister la police lors d’opérations antiterroristes dans les eaux côtières.  

Le 1er juin 1984, le FSK fut créé avec un effectif initial de 38 opérateurs. Après les succès opérationnels rencontrés dans les Balkans au cours des années 90, il changea son nom en 1997 pour devenir le Haerens Jegerkommando (HJK) et constituer ainsi une unité de combat à part entière déployable à l’étranger, et non plus une unité-école. Après de multiples déploiements en Afghanistan, le HJK prit le nom de FSK en 2013.

La structure et les effectifs du FSK sont des informations qui demeurent classifiées ; tout juste sait-on que l’unité est commandée par un colonel. Trois étapes jalonnent le processus de recrutement : une sélection générique de trois jours, déterminant les candidats qui pourront se présenter aux tests ; puis la sélection des forces spéciales, d’une durée de trois semaines ; enfin, la formation initiale, de 12 mois, pour ceux qui ont réussi le test d’entrée. Ensuite, des stages de spécialisation viennent compléter cette formation dans le domaine du secourisme au combat, du tir de précision, du guidage des feux aériens, entre autres. 

A sa création, le FSK était composé de parachutistes entraînés aux opérations spéciales et sa mission prioritaire était d’appuyer la police norvégienne dans la protection des installations pétrolières et les plateformes offshore de la mer du Nord. Aujourd’hui, les missions du FSK incluent le renseignement humain, la localisation des lignes logistiques ennemies, les actions spéciales contre des high-value targets ou des objectifs stratégiques, la recherche et le sauvetage au combat, ainsi que la protection rapprochée, tant sur le sol national qu’en opérations extérieures.

En outre, le FSK est chargé de sélectionner et former les personnels parachutistes, d’organiser toutes les formations à l’antiterrorisme, ainsi que de fournir des officiers à l’ensemble des forces armées norvégiennes.

Du Kosovo à l’Afghanistan

Peu d’informations circulent sur les activités des commandos norvégiens avant les années 90. Le FSK et le MJK ont été engagés en Bosnie, au Kosovo, au Monténégro, puis en Macédoine, au cours de cette décennie, lors des opérations Allied Force, Joint Guardian et Essential Harvest, entre autres. Le FSK fut parmi les premières unités à pénétrer dans Pristina le 12 juin 1999. Avec les SAS britanniques, ils furent aussi les premiers confrontés au contingent russe dans la zone de l’aéroport. 

Le FSK et le MJK ont ensuite été très appréciés par les forces spéciales américaines pour leur travail en Afghanistan au sein de la Task Force K-Bar, lors des opérations Anaconda et Jacana en 2002, puis plus largement dans le cadre d’Enduring Freedom de 2003 à 2006 lors de missions d’action directe, de reconnaissance spéciale et de guidage de feux aériens dans les provinces de Helmand et d’Uruzgan. Récompensées de l’US Presidential Unit Citation (la plus haute distinction qu’un allié des Etats-Unis peut se voir attribuer), les deux unités se sont partagé la formation de la Crisis Response Unit de la police afghane en 2008. Le MJK a également été engagé en contre-piraterie au large des côtes somaliennes lors des opérations Atalante en 2009 et Ocean Shield en 2013.

En Afghanistan, l’unité aida l’Afghan National Police dans la libération de l’otage allemande Christina Meier, kidnappée avec son interprète dans la province de Farah et libérée à Kaboul après un assaut du FSK le 19 août 2007. 

Celui-ci participa également à l’élimination des talibans dans le centre de Kaboul lorsqu’ils attaquèrent les ambassades américaine, allemande, britannique et iranienne le 15 avril 2012. 

Les 21 et 22 juin de la même année, le FSK intervint à nouveau aux côtés de l’Afghan National Army pour contrer l’attaque visant l’hôtel sur le lac Qargha, proche de la capitale, et libérer les 50 otages retenus par les insurgés.

Comme nombre d’unités spéciales européennes, le Forsvarets Spesialstyrker s’intéresse de plus en plus à l’Afrique, le FSK ayant participé à Flintlock 2016, organisé au Niger.

Les conséquences du réchauffement climatique sur la géopolitique de la zone arctique pourraient, à terme, donner un rôle de plus en plus important aux forces spéciales norvégiennes, du fait de la multiplication des activités économiques dans cette région du monde. La libération des eaux de passage dans l’océan Arctique et l’utilisation d’un nouveau couloir de communication maritime tendent à augmenter les risques d’accident ainsi que les risques d’attentat, a fortiori dans le contexte actuel. Les forces spéciales norvégiennes sont aux avant-postes de ce type d’intervention, et elles devront être aptes à agir dans toutes les conditions environnementales, météorologiques, géographiques et tactiques, en lien étroit avec les forces spéciales de pays alliés ainsi qu’avec les gardes-côtes norvégiens pour les opérations C-SAR en zone polaire.

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