Si de nombreux pays comptent des femmes dans leurs forces armées, le personnel féminin est, cependant, rarement intégré dans les unités de combat. Israël, où les femmes effectuent le service militaire obligatoire, a la particularité de compter dans ses rangs des bataillons d’infanterie légère dont 60 % à 70 % des militaires du rang sont des jeunes femmes volontaires pour servir au feu.

Tsahal, qui compte environ 170 000 hommes et femmes (565 000 en cas de mobilisation générale), est l’une des armées les plus féminisées au monde. Si 95 % des femmes y sont cantonnées à des tâches administratives ou logistiques, quelques-unes occupent des postes de combat. « Après notre guerre d’Indépendance en 1948-1949 pendant laquelle des femmes ont combattu (et 114 d’entre elles furent tuées), il a été interdit aux femmes de servir au combat. Mais en 2000, la Cour suprême a jugé que cette règle était illégale et que, si des femmes pouvaient, et voulaient, remplir des fonctions de combattantes, on ne pouvait pas le leur interdire », explique le commandant Merav Stolar, la porte-parole du département des ressources humaines de Tsahal. « Bien entendu, il y eut des résistances à l’intérieur de l’armée, mais aujourd’hui 5 % des jeunes femmes effectuant leur service militaire – et celles-ci composent depuis toujours le tiers des effectifs de nos forces – remplissent des fonctions de combattantes », précise le commandant Stolar. 

Ainsi, on trouve maintenant des jeunes femmes, en petit nombre et parmi les hommes, dans l’artillerie, la police militaire ou sur des embarcations légères protégeant les bases navales. Ce sont toutefois les combattantes des tout nouveaux bataillons mixtes hommes-femmes d’infanterie légère qui ont les faveurs du public. Ces unités ont été créées pour patrouiller le long de frontières désertiques, mais relativement calmes, face à l’Egypte et la Jordanie, avec qui Israël est en paix, mais où les mouvements djihadistes existent ; de sorte que l’infanterie classique masculine est plus disponible pour faire face au Liban et à la bande de Gaza, régions chaudes et potentiellement explosives.

L’expérience du feu

Les quatre bataillons d’infanterie légère à majorité féminine – mais où les officiers sont surtout des hommes – doivent détecter, intercepter, puis détruire ou fixer sur place des infiltrés.

« Caracal », le premier de ces bataillons (dont chacun aura entre 400 et 450 militaires), a été créé comme unité expérimentale en 2000. Il est basé sur la frontière entre les déserts du Sinaï et du Néguev, au nord de la ville d’Eilat, sur la mer Rouge. Il a déjà intercepté de nombreux immigrants illégaux et des contrebandiers. Ces derniers, des Bédouins de plus en plus acquis aux idées djihadistes, sont armés, et les jeunes femmes et la minorité d’hommes servant avec elles ont déjà eu l’expérience du feu à plusieurs reprises.

Le bataillon « Lions de la vallée du Jourdain », du nom de la région où il est basé, est opérationnel depuis cette année. Le bataillon « Bardelas » a été créé en 2016 et sera opérationnel, également dans la vallée du Jourdain, l’an prochain, quand un quatrième bataillon sera créé. L’existence de ces unités permet à l’armée de ne plus avoir à rappeler des réservistes masculins pour protéger ces secteurs.

Pourquoi infanterie « légère » ? Les différences avec l’infanterie d’assaut sont dans le potentiel physique des soldats féminins qui doivent égaler les performances des tankistes ou des artilleurs masculins, mais non celles des fantassins. Quinze ans d’expérimentation ont démontré que la plupart des jeunes femmes, quelle que soit leur bonne volonté, ne peuvent pas porter les mêmes poids en armes et en munitions sur de longues distances que les fantassins classiques. « Nous, les filles, devons être capables de porter un tiers de notre poids, mais les garçons doivent porter 40 % de leur poids », explique le lieutenant Noah (son prénom), une jeune femme de 24 ans, qui compte déjà six années dans l’armée. Ancienne chef de section au bataillon « Caracal », elle va bientôt prendre le commandement d’une compagnie du bataillon des « Lions de la vallée du Jourdain ». Les unités à majorité féminine suivent un entraînement de huit mois, et leurs volontaires s’engagent à servir 32 mois comme les hommes, au lieu de 24 mois pour les autres femmes appelées.

La sélection est sévère et près de la moitié des candidates quittent l’unité avant la fin de leur formation, généralement suite à des accidents ou à des douleurs dorsales. Parmi les épreuves de sélection, les postulants doivent effectuer un parcours du combattant sur 1,5 km avec 15 obstacles. Les garçons doivent le compléter en moins de 10 minutes et 30 secondes, et les filles en moins de 17 minutes. Il y a des marches de mise en forme de 40 km pour les garçons et de 25 km pour les filles (les fantassins classiques font des marches de 80 km).

Le prestige de l’uniforme… féminin

« Pourquoi me suis-je portée volontaire ? » dit une jeune femme-soldat de 20 ans, également prénommée Noah, répondant aux questions d’une délégation de visiteurs de l’Association des journalistes de défense (AJD) français, « Je ne me voyais pas passer deux ans dans un bureau de 9 heures du matin à 5 heures du soir. Bon, ma mère était hystérique au début, mais tous mes amis sont très fiers de moi. »

Vanessa, originaire d’Asnières (Hauts-de-Seine), qui a immigré en Israël avec ses parents quand elle avait à 13 ans, résume ainsi son choix : « J’aime bouger et j’aime Israël. » Cette jeune femme (également âgée de 20 ans) raconte une anecdote qui se produit souvent quand elle et ses amies partent en permission, dans les cars longues distances typiques des routes d’Israël : « Si les autres passagers s’aperçoivent que nous sommes des filles d’une unité combattante, ils ne savent pas quoi faire pour nous et ils veulent nous faire cadeau de tout ce qu’ils ont sous la main. »

Le prestige de Tsahal est immense en Israël où c’est de loin l’institution du pays en laquelle le public a le plus confiance (93,4 %).

La mixité sur le terrain pose-t-elle des problèmes ? « En général, explique Vanessa, quand on est en opérations ensemble et qu’on vit dans la chaleur et la poussière, on a plutôt des relations comme entre frères et sœurs. D’ailleurs je pense que nous sommes plus fortes mentalement que les garçons. Mais on se complète»

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IDF, Loïc Salmon