RAIDS a pu exceptionnellement passer une semaine avec les marins, aviateurs et terriens de la Task Force (TF) Sabre, sur plusieurs points du Sahel. Un point de vue inégalé sur la lutte contre le terrorisme et sur l’aptitude du Commandement des opérations spéciales (COS) à intégrer les capacités spéciales comme conventionnelles.

La devise de l’escadron de transport d’opérations spéciales (ETOS) 3/61 « Poitou » est « A l’aise partout », et elle ne se dément pas alors que nous survolons le désert sahélien. Au-dessus du pays dogon, son petit Twin Otter se joue du relief, quasiment lové dans le sol. L’altimètre affiche à peine 150 pieds, soit 50 m. Une alarme sonore, inaudible par les passagers dans le déluge sonore ambiant, informe l’équipage que l’engin vole bien trop bas. Mais le pilote (à gauche) et le navigateur (à droite) rigolent régulièrement en entendant l’antienne, tout en restant concentrés sur leur vol. En restant collés au sol, tout en progressant à la vitesse maximale de leurs moteurs PT-6A, ils savent qu’ils resteront en partie protégés des tirs adverses.

Le périple des commandos et de quelques journalistes a commencé sur un terrain de la région, et doit, en quelques centaines de kilomètres, nous faire changer complètement de décor. A l’arrivée, une piste en béton accueillante, presque trop simple pour le « Poitou ». Le Twin vient se ranger contre deux hélicoptères Caracal, l’un appartenant au 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales (RHFS) de Pau, l’autre à l’escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées » de Cazaux. Plus loin, une Gazelle du 4e RHFS prend le soleil. Nous ne nous attardons pas à admirer la scène : rien que l’atterrissage d’un avion ou d’un hélicoptère sur ce terrain peut faire l’objet d’une diffusion rapide par une « sonnette » (membre des groupes armés terroristes ou GAT, chargé de les avertir), et en quelques secondes, c’est toute la région qui peut être au courant.

A l’abri des regards, un petit comité d’accueil attend le contenu du Twin Otter, qui transporte, entre autres, le vice-amiral Laurent Isnard, commandant les opérations spéciales. Pour le GCOS, ces visites aux forces sont essentielles pour être en contact avec les opérateurs, les chefs de task unit (TU) ou encore les membres du poste de commandement (PC) régional. Le GCOS connaît le décor dans lequel opère Sabre : il était auparavant au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des armées, à Paris, et depuis qu’il a été nommé à la tête du COS, il vient régulièrement dans la zone. Une semaine plus tôt, il était encore avec le président de la République à Ouagadougou, puis en Côte d’Ivoire.

Cette fois, le vice-amiral Isnard va pouvoir mieux visualiser le travail d’une équipe de recherche du 13e RDP, chargée de recueillir du renseignement dans cette zone au nord du fleuve Niger. O., le chef d’équipe est un lieutenant, à la tête d’une demi-douzaine de dragons, tous issus du 5e escadron, celui des chuteurs opérationnels. Il a intégré le régiment il y a quatre ans, la plupart des membres de l’équipe sont plus aguerris que lui. A., son capitaine, pour sa part, a déjà huit missions à son actif sur pas moins de cinq zones différentes, en six ans de présence au régiment.

Le chef d’équipe détaille la mission : il aura un contact avec un ou plusieurs membres de la population, ce qui pourrait affiner les renseignements sur un point de passage supposé de convois de terroristes. Dans cette région, on a un peu l’embarras du choix : plusieurs tendances sont représentées, pour ne pas dire toutes. Dans une sorte d’émulation, elles peuvent même rivaliser d’adresse pour faire parler d’elles.

« On risque de voir apparaître une sonnette, explique le lieutenant, puis un ou deux pick-up, avec entre trois et six combattants. Par opportunité, on peut tomber sur les GAT directement. » 

Ces adversaires sont complètement décomplexés face aux forces occidentales et locales : ils réalisent en quasi-impunité des tirs indirects, posent des IED (explosifs improvisés) et des mines, tendent des embuscades parfois très bien montées, ce qui génère des bilans élevés et contribue à leur renommée. Comme en Afghanistan il y a des années, la population peut basculer du mauvais côté, et soutenir massivement les GAT. Plus il y a aura de soutien populaire, plus les GAT seront nombreux et efficaces.

d’un bras articulé Strike, bien connu des lecteurs de RAIDS. Conçu par la PME Cose et le 1er RPIMa, le Strike permet d’afficher une précision quasi absolue dans le tir air-sol, y compris avec du gros calibre. L’ESNO est bien équipée, avec un Barrett M107. Un HK417 dispose d’une petite curiosité : un coffrage en aluminium protège-lunette. C’est le premier prototype qui est déployé au Sahel ; le retour d’expérience (retex) sera réalisé à l’issue de la mission, avant, peut-être, une généralisation sur les armes. Contrairement à leurs collègues, les marins sont en treillis sable intégral, un produit NFM plutôt adapté au désert, mais le baggy baillant à l’entrejambe suscite quelques réserves.

Deux HM seront d’alerte toute la nuit à portée de rotors : un appareil pour amener la QRF, et un autre chargé de l’EVS (évacuation sanitaire), disposant de son infirmier, affecté à Jaubert. Le top est donné par l’équipe de recherche du 13, que nous allons rejoindre au cœur du désert, à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu prévu initialement, juste avant le coucher du soleil. L’objectif consistant à ce que les GAT ne puissent savoir avec précision où sont les Français ni ce qu’ils font.

La Gazelle et le Caracal du 4e RHFS reprennent la même consigne, avec quelques variations, que le Twin du « Poitou » : voler bas et vite. Avec le même risque : embrasser un volatile, ce qui causerait des dégâts importants sur la cellule. Certains peuvent être rédhibitoires, et obliger à se poser. C’est donc tout sauf négligeable. Comme pour le confirmer, le Caracal cabre et casse sa vitesse subitement, pour éviter une rafale d’oiseaux, avant de reprendre son rallye à grande vitesse au-dessus du Sahel. En face de la porte-cargo, le Caracal du « Pyrénées » fait lui aussi sa sarabande pour échapper à des tirs qui ne viennent que rarement.

Sur chacune de leur fenêtre de tir, les membres d’équipages d’opérations spéciales (MEOS), issus du peloton spécialisé, sont prêts à ouvrir le feu avec leurs MAG 58, approvisionnées chacune à 1 000 coups. L’arme n’est utile que pour l’autodéfense, et les équipages de HM ne cachent plus l’urgence d’intégrer la mitrailleuse lourde M3M de 12,7 mm, qui, avec son puissant calibre et sa cadence de tir soutenue (1 100 coups/minute), permet de réaliser des tirs d’appui. Quant au Minigun enfin qualifié sur Gazelle, il est, par contre, toujours attendu au Sahel : peut-être pour le début 2018, une fois qu’il y aura plus… d’une arme disponible pour la totalité du parc.

Dans un nuage de sable, le Caracal se pose, en dévers, sous la protection des VPS du 13e RDP. L’autre Caracal reste en appui, tout le temps que son collègue du 4e RHFS est au sol. Puis les deux hélicoptères repartent dans le soleil déclinant avec la Gazelle, vers une destination inconnue. Avec une précision toute militaire, le soleil se couche à l’heure dite, à 17 h 40, et c’est la nuit noire à 18 h 10.

Avec l’ER du 13e RDP

Désormais, nous sommes au cœur de la zone d’action fétiche des GAT. La meilleure protection sera celle de la nuit. Aussi, la moindre lueur est-elle prohibée. Nos anges gardiens délivrent les ultimes conseils. Avant d’embarquer dans le Caracal, une petite révision du contenu de la trousse individuelle du combattant (TIC) a permis de se glisser dans l’ambiance à venir, avant de s’immerger dans le pare-balles, classe 4. Dans la petite trousse, on trouve, comme en Afghanistan où elle avait été conçue, deux syrettes de morphine, mais conditionnées différemment, un pansement israélien pour les larges plaies, un garrot tactique. En fait, c’est le seul instrument qu’il sera possible d’utiliser, sur moi-même ou sur un autre membre du groupe : à placer correctement, entre la plaie et le cœur, et à bloquer pour qu’il ne se défasse pas dans le feu de l’action. 

Les médias sont répartis dans les véhicules disponibles, en fonction de leur source d’intérêt. Outre les VPS du 13, il y a aussi un Toyota antédiluvien qui sert d’ambulance. A bord, Martin, un médecin du 1er RPIMa, se chargera des premières urgences, avec son infirmier. Et, surprise, deux pick-up Toyota comme ceux que l’on retrouve sur les photos et vidéos de victoires parfois brandies à Paris. Le doute reste permis, car une bonne partie des garnitures des deux pick-up est arrachée, comme si une équipe de commandos de Sabre leur avait fait subir un SSE (recherche d’indices tactiques) approfondi. Autre hypothèse, les véhicules ont été achetés en bonne et due forme, et permettent de se fondre dans le décor. Dans le convoi figurent aussi un EOD (démineur) et un mécanicien.

Dans la benne d’un des pick-up pilotés par Jaubert, l’assise est rustique, mais on mesure aussi assez bien la difficulté de progression dans les dunes. Ici, pas de pistes comme celles sur lesquelles les GAT filent à plus de 160 km/h, rendant les interceptions quasi obligatoires par hélicoptère, ce qu’on appelle l’IDM (interception de mobile). Dans les dunes, on avance souvent en première, parfois en seconde, et le moteur comme la transmission disent tout le mal qu’ils pensent de progresser ainsi.

Evidemment, pas de phares : tout se fait dans le noir, sous JVN pour les pilotes. Pas forcément une bonne nouvelle, car si nos yeux voient sans difficulté, c’est aussi le cas pour ceux des GAT. Il semblerait même que les hommes du désert aient de meilleures prédispositions à la nyctalopie que les Occidentaux que nous sommes. Qui, de surcroît, doivent dans certaines conditions se défaire des jumelles de vision nocturne qui peuvent trahir leur présence.

Dune après dune, le convoi mène son combat contre le sable, jusqu’au point de « chouf ». Dans chaque véhicule, chacun prie pour éviter l’ensablement, qui a bloqué une partie du convoi dans l’après-midi, ou la crevaison, qui a gâté un des pick-up de Jaubert. Pour le coup, alors que l’axe des GAT se rapproche, ce ne serait pas forcément le moment le mieux adapté pour changer une roue ou manier la pelle et les plaques PSP (plaques perforées utilisées pour sortir d’un ensablement). 

Le point d’observation est enfin atteint après plusieurs dizaines de minutes. Le capitaine du 13e RDP qui commande l’équipe choisit l’orientation du dispositif, tandis que son lieutenant et ses hommes sont déjà au travail. Il dispose d’un chef d’équipe qui possède aussi une qualification de sauvetage au combat 2e niveau (SC2), tout comme un des deux observateurs. Un dragon est aussi particulièrement en charge des transmissions. Car sur notre point de départ, et au PC de la TF, des oreilles françaises resteront à l’écoute toute la nuit, pour déclencher la QRF ou une opération d’envergure, si un rassemblement dépassait nos moyens. Ou encore, la chasse de Barkhane, en cas de très gros coup dur.

En tout état de cause, les Français doivent à peu près partout ne compter que sur leurs propres forces. Le lieutenant qui commande l’ER ne l’a pas caché, au briefing : la zone concentre quasiment toute la variété des GAT possible en BSS. L’essentiel est désormais regroupé au sein d’une fédération appelée RVIM ; seul Daech, dénommé au Sahel « Etat islamique dans le Grand Sahara » (EIGS), n’y adhère pas encore. Mais malgré cette offre consistante, la nuit de surveillance peut déboucher sur rien. Elle peut aussi contribuer à localiser un trafic adverse, qui peut utiliser un axe à 5 km du mouvement de terrain où la patrouille s’est implantée pour la nuit. C’est pourquoi, dans les bases de Sabre dans la région, des yeux resteront attentifs au « tchat » alimenté par la patrouille du 13. Ainsi qu’à l’imagerie produite par un drone Reaper de l’escadron 1/33 « Belfort » qui est annoncé à plusieurs reprises dans la zone, en début et en fin de mission du 13.

Le renseignement est un métier de patience, donc les dragons prennent leur quart, comme les marins chargés de la protection des médias et du GCOS. De temps à autre, on entend le ronronnement caractéristique des jumelles multifonctions JIM-LR, qui se dispute avec les cris des chameaux et des ânes, qui se restaurent sur des kilomètres alentour. Sauf le vent qui se lève, le silence est assez lourd, si bien que le premier bruit un peu anormal détonne très vite. Les hélicoptéristes le savent, quand ils effectuent un poser de commandos, il faut intégrer cette dimension si l’on veut conserver un effet de surprise sur un campement adverse, par exemple. Un Caracal est audible à 7 km, rappelle un pilote expérimenté du 4e RHFS, qui vient de démarrer sa quatorzième opex (!) au Sahel. Les commandos français sont néanmoins devenus des spécialistes, comme le souligne leur chef : à plusieurs reprises, les commandos du COS ont surpris des GAT dans leur sommeil, après s’être chargés des sonnettes. Pour les équipages de Reaper, il faut aussi rester à distance, et en altitude. Théoriquement, à 7 000 m d’altitude, le Reaper est inaudible. Mais pour les oreilles des hommes du désert, même le silence détonne.

Le soleil n’est couché que depuis deux heures, et notre premier client apparaît, à plusieurs kilomètres du « chouf ». Une simple moto, avec un passager, signalée d’abord par la lumière de son phare avant, plus que par la pétarade du moteur, que l’on finit par capter, portée par le vent qui s’est levé. Il y en aura plusieurs dans la nuit, mais ni les dragons ni Jaubert n’auront quoi que ce soit de consistant à se mettre sous la dent. Ils auront beau parcourir le désert avec leurs jumelles JIM-LR ou leurs JVN individuelles, aucune caravane terroriste ne passera. Mauvaise pioche pour cette soirée-là, mais le renseignement du 13 sera, comme ces dizaines de milliers d’autres, archivé dans les ordinateurs de la TF, prêt à resservir un jour. Evidemment, pas le campement, car les GAT peuvent y repérer un passage, et y laisser des pièges. 

Bien avant le lever du soleil, un Transall du « Poitou » vient réaliser un largage d’opérations spéciales (LOS) préparé la veille. Le son de basse de ses deux moteurs Tyne annonce son arrivée au dernier moment. Avec leur insolence habituelle, les aviateurs sont arrivés au point donné à l’heure dite (le fameux time on target) dans le silence radio le plus total. Le parachute a amené le conteneur à 20 m du « chouf », là où il devait tomber, légèrement en contrebas. Le Transall n’a pas cerclé, il a poursuivi sa route comme si de rien n’était, contribuant à la discrétion du campement. Le conteneur n’a volé qu’une poignée de secondes. Comme une nuée de sauterelles, une partie des commandos est allée le chercher et son contenu fait plaisir à voir : une fois les amortisseurs de choc en carton enlevés, le campement découvre des viennoiseries et de l’eau, de quoi permettre une bonne autonomie au 13e RDP.

Dès que ce petit déjeuner tombé du ciel est consommé, VPS et Toyota reprennent leur navigation dans le désert, pour l’extraction du GCOS et des médias, avec les mêmes Caracal que la veille.

Les deux Caracal de la veille et la Gazelle sont à l’heure, guidés par un binôme de Jaubert, qui effectue la signalétique convenue. La suite du parcours est réalisée à bord du Transall largue-viennoiseries du « Poitou ». Sa soute peut accueillir des véhicules, des paras, du fret (eau, vivres, munitions, carburant, lot santé), mais aussi être transformée en hôpital. Le C-160 peut également être pourvu d’une boule optronique et d’un kit de mission qui permet de transformer l’avion en C3ISTAR (control and command, communication, intelligence, surveillance, target acquisition and reconnaissance) : les images de la MX-20 sont ainsi exploitées en temps réel au profit d’un dispositif au sol, et retransmises via satellite au PC de Sabre. Bien utile, car la France n’a toujours pas assez de drones MALE : seulement cinq à Niamey. Et même si elles sont prioritaires, les forces spéciales en manquent régulièrement. Le concept est né au milieu des années 2000, et a pu s’incarner avec une tourelle récupérée sur un drone Hunter. La première utilisation était intervenue au Tchad, en janvier 2008, puis s’est modernisée, en plusieurs étapes. Sa contribution aux opérations au Sahel est majeure. La boule s’adapte aussi bien au Transall qu’au Hercules. Et un jour, peut-être, au Twin Otter.

L’efficacité du COS au Sahel tient aussi bien à l’intégration des moyens aériens et terrestres, tant conventionnels et spéciaux, qu’aux bascules d’efforts. En 24 heures, nous aurons été déployés avec des commandos sur pas moins de trois sites différents, en employant quatre vecteurs différents (Twin Otter, Caracal, Transall, véhicules). C’est ce qui permet une quasi-ubiquité : avec des vecteurs réservés, le COS peut d’un claquement de doigts exploiter dans toute la sous-région un renseignement humain ou issu des capteurs techniques (drones, C3ISTAR, interceptions électromagnétiques). Cette capacité à jouer des différents outils n’est possible que parce que les différentes composantes se connaissent sur le bout des doigts et qu’elles œuvrent sur des procédures communes, les POPS (procédures d’opérations spéciales).

Ces capacités sont visibles dans le tableau suivant, une répétition d’une mission IDM menée par le 1er RPIMa et le 4e RHFS. Les personnels viennent en effet d’arriver sur le théâtre, et malgré toute leur connaissance du sujet et la préparation tactique menée en France, ils subissent un ultime « FIT », période transitoire entre la France et la « FOC » (full operational capability), le feu vert qui leur permettra d’aller au combat.

Deux sticks SAS et une CELMO

A chaque fois qu’un nouveau mandat commence, les commandos qui arrivent de France doivent participer à un « FIT », période probatoire en quelque sorte, pendant laquelle ils répètent leurs gammes. Avant de passer au réel. C’est cette période qui nous a aussi été possible de visualiser. En quelques heures, les commandos vont enchaîner la quasi-totalité des opérations qu’ils seront amenés à conduire ensuite, au claquement de doigts la plupart du temps.

Dans le scénario qui se déroule ce jour-là, le renseignement a déjà permis la localisation d’un groupe GAT dans une zone de la BSS. Impossible, pourtant, de procéder à l’action d’interception à cet endroit, qui n’est pas idéal car il est truffé de villages. Il faut aussi un minimum de temps pour chauffer les hélicoptères et leur faire rallier la zone. Le C3ISTAR du « Poitou », lui, est déjà en vol pour préparer l’action à venir. Son équipage est une valeur clé dans l’opération qui se monte, en réactif pour accumuler tous les renseignements propices à l’action : nombre de véhicules, nombre de terroristes, mais aussi environnement large de la zone. 

A bord de l’avion, des réservoirs de carburant peuvent aussi être largués pour permettre un éventuel ravitaillement en carburant sur zone des hélicoptères, mais aussi en munitions, en eau, en moyens médicaux. L’avion est un véritable couteau suisse, ce que n’est pas un drone. En ce sens, l’ISTAR devrait s’appeler ISTARS, avec un S final pour sustain (soutenir).

Au sol, la fenêtre de tir de l’interception sera peut-être courte. Donc deux équipes du 1er RPIMa sont mobilisées, et prendront place à bord d’autant d’hélicoptères de manœuvre : un stick CTLO (contre-terrorisme et libération d’otages) et un stick PATSAS (patrouille de type special air service) qualifié lui CT (contre-terrorisme). 

Une cellule de mise en œuvre (CELMO) les accompagne, aux ordres d’un officier opérations. Le renseignement se précise au fur et à mesure, grâce à l’exploitation en temps réel réalisée seconde après seconde à bord du C3ISTAR. Il faudra intercepter deux véhicules noirs sur une piste entrecoupée de villages. Le renseignement, complété par d’autres moyens, laisse entendre que les GAT ne vont pas tarder à changer de site.

La formation héliportée, qui a maintenant décollé, est avisée en temps réel de l’évolution de la situation. Au sol, le très léger son de basse des moteurs Tyne du Transall C3ISTAR du « Poitou » est audible. Sauf que le non-initié ne sait pas forcément ce qu’il annonce. Une solide formation de Sabre est en attente : deux Caracal, un Cougar, une Gazelle TE et un Tigre. Cela peut sembler beaucoup pour deux « simples » 4 x 4. Mais Sabre doit garder un avantage significatif, et anticiper un possible ralliement par d’autres éléments adverses. Au top action, la formation déboule à bonne vitesse, et la Gazelle et le Tigre commencent leur sarabande, pour assurer l’appui. Le convoi des GAT est (fictivement) stoppé par le tir du TE du 1er RPIMa, et les occupants qui s’égaillent sont ainsi mieux comptés par le C3ISTAR.

Dans un impressionnant nuage de latérite, les HM lâchent leur cargaison de commandos par corde lisse, les uns après les autres. Cette dépose rapide donne, incidemment, un petit avantage aux GAT qui peuvent se fondre dans le nuage et prendre la fuite, le temps que la latérite rejoigne le sol. Un « terroriste » est neutralisé très vite, et un deuxième est capturé. Les autres se sont bien évaporés, et la traque commence désormais, compliquée par la multiplicité de caches possibles, entre les grands buissons d’épineux, les hautes herbes et les dépressions de terrain… Un homme est néanmoins repéré, du côté gauche de l’action (géré par le CTLO), et un autre à droite (tenu par la PASTAS). Au final, il ne reste qu’un « prisonnier » en vie.

Le SSE, une phase essentielle

A proximité de la piste, dans le couvert des hautes herbes, la CELMO du 1er RPIMa est aussi à l’œuvre, rapportant en phonie le premier bilan de l’action des commandos bayonnais. Deux transmetteurs de la compagnie de commandement et de transmissions des forces spéciales CT FS) se chargent de transmettre les premiers éléments du SSE. Le PC doit savoir rapidement si dans le lot se glisse le fameux chef GAT, codifié pour le scénario sous le nom de « Virus ». Les transmissions ne sont pas toujours fameuses, y compris le SATCOM, mais les liaisons sont finalement établies. « Cinq ennemis traités, un pax vert, phase SSE en cours, BDA [battle damage assessment : évaluation des dommages] à venir. Réarticulation en cours, appui C3ISTAR, fin de SSE estimé, 1 h 30, terminé », explique « Alan », dans son combiné.

Le prisonnier et les morts sont patiemment explorés afin de vérifier s’ils ne sont pas piégés. En bordure de piste, le « prisonnier » est résigné, garrotté avec des serflex, les yeux bandés, sous la garde d’un commando. La moisson du SSE est, comme souvent, plutôt bonne : moyens de transmission, caractéristiques d’identité, armements… Les deux voitures sont dépiautées sans ménagement, afin de dévoiler d’éventuelles caches. Le numéro de série et tout ce qui pourrait identifier sa provenance réelle (les plaques peuvent être fausses, et il n’est pas rare qu’il n’y en ait pas du tout) est collecté.

Un volume que les spécialistes de la Direction du renseignement militaire (DRM) vont pouvoir dépouiller au PC régional de Sabre, puis en France. Plus explicite encore dans un véhicule, une vue satellite de l’aéroport de Gao : il faudra voir s’il s’agit d’une version visible sur Internet ou s’il s’agit d’un élément qui a fuité, et donc, d’où…

En l’air, il ne reste plus que le C3ISTAR du « Poitou », car les HM, puis le Tigre et la Gazelle, ont dû aller ravitailler. En BSS comme ailleurs, la charge utile d’un hélicoptère est déterminée par la… chaleur, puis un partage entre autonomie (ou rayon d’action, s’il faut revenir) et nombre de commandos (avec, éventuellement, des morts et des prisonniers). Dans une action réelle, il aurait fallu, en plus, enterrer les morts en direction de La Mecque, comme le veut le rite musulman.

Les deux sticks et la CELMO sont récupérés par deux Caracal et le Cougar rénové. Sous les yeux émerveillés de dizaines de gamins de l’école toute proche du point d’extraction. Ce jour-là, sans conteste, on a créé des vocations…

 

À suivre…

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